Il y eut à Saint-Remy-de-Provence dans les années 1830 une véritable vague de mutilations d’arbres qui peut étonner le lecteur de nos jours mais qui pourtant jeta l’effroi dans la population de l’époque.
Ces mutilations d’arbres apparurent dans la commune au mois de novembre 1833 et se poursuivirent au fil des années, jusqu’en 1839 au moins. Une ou plusieurs personnes venaient dans les vergers et coupaient des quantités incroyables d’arbres ou de pieds de vigne.
Saint-Remy est alors une commune très agricole et vit de ses nombreux vergers. Durant les années 1830, on estime la perte de ces arbres mutilés à plus de 3 000 pieds.
Avec le recul, on pourrait sous-estimer la réaction du public à ces événements. Les journaux de l’époque parlent à plusieurs reprises de terreur, d’épouvante, voire d’effroi.
Ces mutilations eurent lieu à de multiples reprises. Parfois c’étaient quelques dizaines d’arbres qui étaient coupés en une nuit, parfois des centaines.
Dans tous les cas, la gendarmerie était bien perplexe et ne parvenait pas à mettre la main sur les coupables. Même les habitants se relayaient la nuit pour surveiller les champs, en vain.
L’horreur monta jusqu’à la nuit du 26 février 1838 où Victor Hours, un gendarme de 43 ans, surprit l’auteur de ces dégradations, mais, victime de son zèle et de son dévouement, il tomba mortellement blessé par un coup de feu tiré sur la patrouille dont il faisait partie.
On s’en doutait, mais voilà qu’on avait la certitude que les auteurs, qui visiblement étaient en bande, agissaient armés.
C’est dans ce contexte qu’intervient l’épisode du 15 juillet 1838, racontés par ailleurs sur le site. Cette nuit-là, un individu de 22 ans est surpris en train d’ébrancher des mûriers. Les gendarmes lui intiment l’ordre de se rendre, le jeune homme tente de s’enfuir. Des coups de feu sont tirés et l’individu est abattu sans avoir pu avouer quoi que ce soit. Il se nommait Jean Gazan.
On se met alors à soupçonner son oncle et sa tante, le couple Audibert. Seraient-ce eux qui terrorisent Saint-Remy depuis tant d’années ?
En effet, Jean Gazan était connu pour être ce que l’on appelait alors un individu frappé d’imbécilité et l’on imaginait bien qu’il n’était pas l’instigateur de ces crimes mais qu’il était plutôt la main armée d’un mentor.
Après la mort de Gazan donc, on se transporta chez les époux Audibert et le mari et la femme furent arrêtés. L’interrogatoire des deux laissait apparaître des contradictions qui pouvaient prouver qu’ils mentaient.
Pendant six mois, on tenta d’instruire une accusation volumineuse avec la rédaction d’un nombre incalculable d’actes de procédure et finalement l’affaire fut portée devant le tribunal correctionnel de Tarascon en février 1839.
Quatre audiences furent nécessaires pour faire émerger la vérité, des audiences de quatre, cinq et six heures qui aboutirent à la condamnation des époux Audibert pour complicité dans toutes ces dévastations à cinq ans d’emprisonnement, 300 francs d’amende et à rester sous la surveillance de la police pendant cinq ans après leur libération. C’était là la peine maximale qu’ils encourraient, vu qu’on ne pouvait leur imputer la responsabilité de la mort du gendarme Hours.
On apprit que c’est l’intérêt qui fut la motivation de ce crime. On peut imaginer que les époux Audibert avaient voulu nuire à leurs voisins et les empêcher de vendre leur production.
Après l’arrestation, le calme revint enfin à Saint-Remy.
Notons toutefois que d’autres mutilations d’arbres eurent lieu dans d’autres communes des Bouches-du-Rhône à la même époque. Dans la nuit du 2 au 3 mars 1839, soit quelques jour après les événements de Saint-Remy, c’est à Eyragues, à 6 kilomètres de là, que 68 mûriers les plus beaux furent coupés en une nuit sur la pépinière de M. Gilles, notaire. L’année suivante, par exemple, plus de trois mille furent détruits sur la propriété de M. de Montvallon, à Marignane. En 1837, une quinzaine d’arbres furent mutilés à Fos-sur-Mer.
- Sources : Le Mémorial d’Aix, 9 février 1839, p. 3.