Le comte Joseph Chabran (1763-1843), général d’Empire cavaillonnais

Joseph Chabran (vers 1840) © Musée de Cavaillon. Avec leur aimable autorisation.
Joseph Chabran (vers 1840)
© Musée de Cavaillon.
Avec leur aimable autorisation.

Joseph Chabran naît à Cavaillon (Vaucluse) le 21 juin 1763, du mariage de Noël Chabran, agriculteur, et d’Ursule Chabran, une lointaine cousine.

La Révolution

Se destinant à la carrière ecclésiastique, il devient professeur de mathématiques chez les Oratoriens de 1784 à 1792. Au commencement de la Révolution, il se rallie aux idées nouvelles, et entre dans la carrière des armes au moment où les puissances coalisées menacent de franchir les frontières de la France. Le 4 avril 1792, il s’engage comme soldat dans la Garde Nationale. Il est élu capitaine de la 8e compagnie de fusiliers lors de la formation du 5e bataillon des Bouches-du-Rhône, le 4 août 1792. Le 1er octobre 1792, il est nommé capitaine à la compagnie des canonniers à la création de celle-ci, il fit en cette qualité sa première campagne à l’armée d’Italie. Le 12 mai 1793, il obtient du général Dumerbion, commandant en chef, le grade de capitaine-adjoint provisoire à l’état-major de cette armée.

Première campagne d’Italie

Il combat avec distinction à l’affaire de Pérus et à celle de Lignier. Il est nommé par les représentants du peuple Ricord et Augustin Robespierre – le frère du Conventionnel –, chef de bataillon adjudant-général provisoire le 8 ventôse an II (26 février 1794) : « On ne peut que faire l’éloge des qualités morales et politiques du citoyen Chabran qui par sa conduite vis-à-vis de l’ennemi a donné autant de marques de ses talents militaires que par celles qu’il a tenu avec ses concitoyens qui l’ont toujours estimé et regardé comme un excellent Républicain ».

Il sert sous les ordres du général Masséna aux expéditions d’Oneille, Orméa et Saorge (avril 1794). Il est alors promu adjudant-général chef de brigade, le 27 prairial an III (15 juin 1795). Il est à la bataille de Loano les 2 et 3 frimaire an IV (23 et 24 novembre 1795) dans la division Meynier.

Le 10 floréal an IV (29 avril 1796), Joseph Chabran revient sous les ordres de Masséna. Il se signale surtout au passage du pont de Lodi, le 22 floréal an IV (11 mai 1796). Il est, avec le général Dallemagne, et le chef de bataillon Dupas, un des officiers de l’armée française qui décident du succès de cette journée. Après s’être fait remarqué lors de la bataille de Lonato le 16 thermidor an IV (3 août 1796), à la prise de Corona et au combat de Montebaldo, il mérite d’être cité honorablement dans les rapports du général en chef pour sa brillante conduite à Roveredo. Le général en chef de l’armée d’Italie l’élève au grade de général de brigade provisoire, le 18 fructidor an IV (4 septembre 1796). Il combat ensuite vaillamment à la prise de Bassano le 22 fructidor an IV (8 septembre 1796).

Il passe dans la division Vaubois en novembre 1796, puis à la division Joubert le 8 ventôse an V (26 février 1797) et enfin à la division Bernadotte le 15 ventôse suivant (5 mars 1797). Le 26 ventôse (16 mars 1797), il se distingue de nouveau au passage du Tagliamento, et y soutient, avec deux bataillons de grenadiers, les mouvements du corps de cavalerie commandé par Murat.

Passé à la division Kilmaine, le général Chabran se porte rapidement sur la ville de Vérone révoltée, s’en empare de vive force, et fait un exemple sévère du chef de l’insurrection. Il devient le 28 floréal an V (17 mai 1797) commandant du Véronais à la place d’Augereau où il se montre habile administrateur. Le 11 prairial an V (30 mai 1797), il est confirmé dans son grade de général de brigade par le Directoire. Le 26 prairial an V (14 juin 1797), il reçoit le commandement de la 8ème brigade (64e et 69e régiment de ligne) de la 4e division (Sérurier) à l’armée d’Italie.

Le gouvernement lui décerne un sabre d’honneur sur la lame duquel est gravé ces mots : « À l’adjudant-général Chabran, avec le brevet de général de brigade, pour les batailles de Lodi, Lonato, Roveredo et Trente; le 10 vendémiaire an VI ». Après la paix de Campoformio (18 octobre 1797), il reçoit l’ordre d’aller commander le Modènois. Mais avant qu’il ne prenne son poste, un contre ordre le change d’affection et l’envoi à Toulon. Il est chargé de réprimer les troubles qui éclatent dans les départements des Basses-Alpes le 26 vendémiaire an VI (17 octobre 1797) ; puis des Bouches-du-Rhône le 21 vendémiaire an VII (12 octobre 1798). Il parvient à ramener le calme dans ces départements, en alliant la fermeté aux moyens de conciliation.

À l’armée d’Helvétie

La guerre reprenant, il demande à être muté dans une unité proche de la frontière italienne. Le 6 frimaire an VII (26 novembre 1798), il passe à la division Mesnard de l’armée d’Helvétie sous les ordres du général Masséna. Il participe, le 7 ventôse an VII (25 février 1799), au passage du Rhin, puis, se portant sur l’ennemi qui se retire dans la direction de Coire, il y culbute l’armée autrichienne à la baïonnette, et, secondé par la charge brillante que fait le 7e régiment de Hussards, il achève de mettre les troupes ennemies en déroute, le 17 ventôse an VII (7 mars 1799). Il y fait 3 000 prisonniers, ainsi que leur commandant en chef, le général Auffemberg. Il prend également à l’ennemi 3 drapeaux, 16 pièces de canon, un grand nombre de caissons, des magasins considérables de farine et de fourrages.

Le 10 floréal an VII (29 avril 1799), il prend le commandement de la 2e division de l’armée du Danube. À la tête de cette division, il engage l’ennemi le 12 floréal an VII (1er mai 1799). Il occupe la position de Lucisteig, dans la gorge de la Lanquart, lorsque 2 000 Autrichiens, qui débouchent par Flaich, cherchent à tourner la position française. Chabran les laisse s’engager dans ces lieux difficiles, puis, avec l’appuie d’un bataillon de la 409e demi-brigade d’infanterie de ligne, il attaque les Autrichiens, les obligeant de mettre bas les armes. Il fait à cette occasion 1 300 prisonniers.

Promu le 9 messidor an VII (27 juin 1799) au grade de général de division, il est chargé, quelques mois plus tard, de favoriser l’attaque générale entreprise par la droite de l’armée française sur la gauche de l’archiduc Charles, général en chef de l’armée Autrichienne. Cette attaque a pour objet de s’emparer du Saint-Gothard et de forcer les Autrichiens d’évacuer les cantons suisses de Schweitz et d’Uri. Le 27 thermidor (14 août 1799), le général franchit la Haute-Sild, surprit, il repousse les postes avancés sur la rive occidentale du lac de Zurich, s’empare des hauteurs de Raperschwyl et d’Hirzel, puis bat et détruit presque en entier une colonne ennemie qui garde la position entre Larken et Notre-Dame-des-Ermites. Ces opérations favorisent les attaques du général français Lecourbe sur tout le cours de la Reuss, depuis Aliorff jusqu’au Saint-Gothard ; mais les Autrichiens occupent encore le camp retranché qu’ils ont établi à Wohand. Chabran l’attaque, l’emporte à la baïonnette, et y est grièvement blessé. C’est au cours de cette journée que l’archiduc Charles dit, en parlant du général Chabran, à ses officiers : « Ce général se mire dans ses grenadiers ». En effet, Chabran s’enorgueillit de la bonne tenue de ses troupes.

Le 11 fructidor an VII (28 août 1799), il prend le commandement de la 8e division de l’armée d’Helvétie, chargée de garder le pont de Bâle, puis le 8 brumaire an VIII (30 octobre 1799) de la 7e division de la même armée. Souffrant d’une maladie des yeux, il demande à être retiré des frontières dans un poste plus calme, le 23 vendémiaire an VIII (15 octobre 1799). Il est muté dans l’armée du Rhin le 15 frimaire an VIII (6 décembre 1799). À l’époque de la formation de l’armée de réserve, destinée à se porter en Italie, le Premier Consul lui confie le commandement de la 1re division de réserve formée des dépôts des 14 bataillons de l’armée d’Orient à Chalon-sur-Saône le 25 pluviôse an VIII (14 février 1800), puis de la 5e division de l’armée de réserve le 6 floréal an VIII (26 avril 1800), composée de 4 à 5 000 hommes. Il passe sous le commandement du général Victor le 19 floréal an VIII (9 mai 1800).

Joseph Chabran (vers 1800)© Musée de Cavaillon.Avec leur aimable autorisation.
Joseph Chabran (vers 1800)
© Musée de Cavaillon.
Avec leur aimable autorisation.

Seconde Campagne d’Italie

Chabran pénètre dans la vallée d’Aoste par le petit Saint-Bernard. Arrivé devant le fort du Bard le 6 prairial an VIII (26 mai 1800), il en fait le siège. Il fait monter dans le clocher d’une église des pièces de canon qui bombardent violemment l’enceinte du fort, qui capitule le 12 prairial an VIII (1er juin 1800). La prise du fort de Bard permet d’assurer la libre communication de l’armée d’Italie avec la France. Le général Chabran marche aussitôt sur Ivrée, puis sur la rive gauche du Pô, et opère une diversion qui contribue à la victoire française de Marengo, le 20 prairial an VIII (9 juin 1800). Quelques jours plus tard, le 22 prairial (11 juin 1800), il passe sous les ordres de Duhesme. Après la paix de Lunéville (1801), il obtient le commandement du Piémont, où il rétablit l’ordre.

Le 30 fructidor an VIII (17 septembre 1800), il rentre dans ses foyers, n’ayant pas été compris dans la réorganisation de l’armée d’Italie. Il est compris sur le tableau de l’état-major général et mis en disponibilité le 7 floréal an IX (27 avril 1801). Il se retire alors successivement à Draguignan (an IX), à Paris (au début de l’an X) puis à Cavaillon à partir du 28 frimaire an X (19 décembre 1801). Rappelé sous les drapeaux le 22 messidor an XI (11 juillet 1803), il prend le commandement des îles de Ré, d’Oléron, d’Yeu et d’Aix, subdivision de la 12e division militaire. Appelé à la présidence du collège électoral du département de Vaucluse, il est fait chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur – nouvellement créé – le 19 frimaire an XII (11 décembre 1803), puis commandeur le 25 prairial an XII (14 juin 1804). Le 27 brumaire an XIII (18 novembre 1804), il part pour Paris assister au couronnement de l’Empereur le 2 décembre 1804.

Service en France

Une nouvelle coalition s’étant formée contre la France, Napoléon Ier confie au général Chabran le soin de surveiller les mouvements des Anglais, et le charge de pourvoir à la défense des côtes de l’océan Atlantique et des îles qui en dépendent, depuis Nantes jusqu’à la Gironde (avril 1805). Il reçoit le commandement du camp militaire de Saintes, puis, celui de la 10e division militaire à Toulouse le 30 fructidor an XIII (17 septembre 1805). Puis l’Empereur lui confie le commandement de la 1re division de l’armée de Catalogne le 19 mars 1808.

La guerre d’Espagne

Le général Chabran reçoit l’ordre de réprimer l’insurrection qui éclate à Tarragone en juin 1808. Il se retrouve au village d’Arbas [Arbos] face à une foule d’insurgés qu’il attaque et met en déroute. Commandant sous Gouvion-Saint-Cyr de la 1re division du 5e Corps de l’armée d’Espagne le 7 septembre 1808 (devenu le 7e Corps le 2 octobre), il rencontre une troupe de 20 000 Espagnols, au pont de Molina del Rey, sur le Lobregat (14 mars 1809). Quoiqu’il n’eût que 4 000 hommes à leur opposer, il marche aussitôt contre eux, et les met en pleine déroute. Nommé peu de temps après gouverneur de Barcelone, il y est dénoncé par le sieur Casanova ex-commissaire de police à Barcelone comme ayant fait remettre en liberté un certain Emmanuel Bayona, condamné par une commission militaire à la détention pour avoir prit parti dans une conspiration anti-française, moyennant 4 ou 500 piastres. Il offre surtout sa protection à trois membres de la famille royale de France se trouvant alors en Catalogne, le prince de Conti, la duchesse de Bourbon et la duchesse d’Orléans. Il est alors mis en congé « pour raisons de santé » le 11 mai 1810, et rentre en France.

Ralliement aux Bourbons

Tombé en disgrâce auprès de l’Empereur, il est admis au traitement de réforme, le 13 septembre 1810. Le 21 ovembre 1810, on lui ordonne de rentrer dans ses foyers à Avignon, jusqu’à nouvel ordre. Il est finalement mis à la retraite le 16 mai 1813. Après la première abdication, il se rallie aux Bourbons et prête serment au nouveau roi (avril 1814). Remis en activité, Louis XVIII le rétablit dans son grade de lieutenant-général le 4 juillet 1814. Le 9 juillet 1814, le duc de Berry lui remet sa croix de chevalier de l’Ordre militaire de Saint-Louis, breveté le 19 juillet suivant. Il s’établit à cette époque à Draguignan. Enfin il obtient la dignité de comte à titre héréditaire par lettres patentes du 30 juillet 1819, avec règlement d’armoirie :

Blason du comte Chabran (dessin de Sébastien Avy)
Blason du comte Chabran
© Sébastien Avy, 2013.

D’azur au sénestrochère d’or, mouvant du flanc senestre, tenant un bouclier aussi d’or,chargé d’un croissant de gueules, accompagné en chef, à dextre, d’une flèche posée en bande, la pointe basse, et, en pointe, d’une colombe contournée et soutenue d’une tige de lys, le tout d’argent ; au chef d’argent, chargé de trois étoiles de gueules.

Les dernières années

Mis en disponibilité le 30 décembre 1818, il quitte Draguignan pour Avignon. Reconverti en riche propriétaire terrien, Il assure de nombreuses fonctions civiles : membre du conseil d’arrondissement d’Avignon, conseiller municipal d’Avignon, administrateur de nombreux hospices, etc. Le gouvernement de Charles X le nomme encore maire de Cavaillon, sa ville natale, de juillet 1824 à juillet 1830 où il s’applique à résoudre des questions relatives à l’agriculture (limites, bois du Luberon, canaux, etc). Il est définitivement mis à la retraite militaire le 28 février 1827. Après les Trois Glorieuses, il quitte Cavaillon et réside de nouveau à Avignon où il meurt le 21 janvier 1843, à l’âge de quatre-vingts ans, « honoré et aimé de tous ». Il est inhumé au cimetière Saint-Véran d’Avignon.

Son nom est gravé sur la 27e colonne de l’Arc de Triomphe de la place de l’Étoile, côté Sud.

Sébastien Avy

Sources

  • dossier militaire du général Joseph CHABRAN, Service Historique de la Défense, cote 7 Yd 321.

Bibliographie

  • Article « Joseph Chabran », dans Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, de Charles Mullié, 1852.
  • Article « Joseph Chabran », dans Dictionnaire biographique des généraux et amiraux français de la Révolution et de l’Empire (1792-1814), de Georges Six.
  • Antoine de Roux, Le général-comte Chabran, général de la Révolution et de l’Empire (1763-1843), Bibliothèque nationale de France.
  • Michel Molières (colonel) et Natalia Griffon de Pleineville, Dictionnaire des Braves de Napoléon, vol. A-L, Paris, Le livre chez vous, 2004, p. 156.
  • Jean Tulard (dir.), Dictionnaire Napoléon, vol. A-H, Fayard, 1999, p. 414.
  • Albert Révérend (vicomte), Titres, anoblissements et pairies de la restauration 1814-1830, volume 2, 1902.

Biographies

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