
En juillet 1658, les consuls de Marseille élaboraient le programme des réjouissances publiques qui seraient données à l’occasion de la victoire des Dunes remportées par Turenne contre les Espagnols (14 juin 1658), lorsque Étienne de Puget, évêque de Marseille, sans s’être concerté avec les édiles de la ville, ordonna un Te Deum qui serait chanté à la cathédrale.
Les consuls se récrièrent contre l’évêque mais celui-ci ne voulut rien entendre. Ce que voyant, Labaume, premier consul, décida qu’à la même heure où le Te Deum serait chanté à la cathédrale, on en chanterait un pour le compte de la ville à l’église des Accoules.
L’évêque interdit à quiconque, prêtre ou clerc, de prêter son concours à ce chant.
Labaume s’assura la maîtrise de Saint-Victor et, à l’heure indiquée, le corps municipal se rendit en grande pompe à l’église des Accoules. On dit au bedeau de sonner la cloche, il s’y refusa et un conseiller s’acquitta de ce préliminaire.
Quand il fallut allumer les cierges, point de sacristain. Le second consul fut obligé de remplir cette fonction.
Vint le moment d’entonner le Te Deum, mais où était le chantre ? Labaume lui-même entama d’une voix de stentor le premier verset du cantique.
Tout allait plutôt bien jusque-là. Chacun avait fait son devoir mais, le chant terminé, restait à dire l’oraison. Et là, pour le coup, le prêtre était indispensable.
C’est alors que Labaume, animé de ce bon esprit marseillais, qui trouvait expédient à tout, monta les degrés de l’autel et s’adressant au peuple : « Aven fa nouestre dévé, dit-il. N’a proun, lei gari an mangea l’aouremus ! » (« Nous avons fait notre devoir. Il n’y a rien d’autre. Les rats ont mangé l’orémus ! »)
La foule se retira en riant et les paroles du consul restèrent longtemps pour exprimer l’action d’un plaisant qui se tire d’un embarras au moyen d’une facétie.
- D’après Le Petit Marseillais, 3 avril 1868, p. 3.