Louis Castagne (1785-1858), botaniste de Miramas

Fontaine et monument Castagne à Miramas-Village.Coll. part. Sébastien Avy.
Fontaine et monument Castagne à Miramas-Village.
Coll. part. Sébastien Avy.
Jean-Louis-Martin Castagne naît le 11 no­vem­bre 1785 dans la pa­roisse Saint-Fer­réol de Mar­seille du ma­riage de Ho­noré-Au­guste Cas­ta­gne et de Ma­rie-Louise de Gras. Son père, né­go­ciant mar­seil­lais et vice-con­sul de France à Por­to Mau­rizio de 1783 à 1793, le fait élever en Suisse chez un précepteur adepte des principes de « L’Émile ». C’est sans doute au cours des leçons données à travers champs et montagnes que Louis Castagne développe sa passion pour la botanique.
Rentré à Marseille, il est placé comme em­ployé dans les bureaux de la banque Baccuet. C’est là qu’il fait la rencontre du Suisse Ro­bil­lard, avec lequel il partage sa passion et tous deux mènent de multiples herborisations dans le terroir marseillais. Il fait à cette occasion la dé­cou­verte de nombreuses espèces de plantes qui avaient échappé à la Flore française de La­marck1 et Can­dolle2.

Fonctions administratives

En 1816, son frère aîné, Auguste Cas­ta­gne, négociant à Constantinople, se lançant dans la carrière diplomatique, l’appelle à ses côtés pour venir diriger la maison de commerce familiale. Se dis­tin­guant dans les affaires et gagnant la confiance de ses compatriotes, il est nommé « député de la nation française » de 1820 à 1829, et, lors de la rupture des relations diplomatiques pendant l’expédition de Morée3, il fait fonction d’ambassadeur près la Porte ottomane, sous le protectorat de l’ambassadeur de Hollande. Il doit fournir des in­for­ma­tions régulières au ministre des Affaires étrangères, aux ambassades de France à Vienne et à Saint-Pétersbourg, et à l’amiral commandant l’escadre française du Levant. Ses actions lui valent de recevoir la croix de chevalier de la Légion d’honneur4.
Toujours guidé par la botanique, il profite de son séjour sur les bords du Bosphore pour rédiger un « Catalogue des Plantes de Constantinople ».

Retraite à Miramas

En 1833, il rentre en France et, pendant deux ans, il voyage en Suisse, aux Pays-Bas et en Angleterre pour le compte des affaires familiales. Puis renonçant aux affaires, il se retire dans le domaine de Mon­taud, situé dans la commune de Miramas, acheté par son frère le 16 octobre 18245. Il se consacre à redresser le domaine et à le remettre en culture. Il se livre aussi à l’étude des parasites végétaux qu’il rencontre sans sortir de son domaine.
Très vite, rare lettré de la commune, il est élu conseiller municipal de Miramas le 9 juin 1840 et le res­tera jusqu’à sa mort. Le 7 novembre 1846, le préfet des Bouches-du-Rhône le nomme premier magistrat de la commune. Souffrant déjà d’une maladie de cœur, Castagne accepte cette nouvelle charge, « le désir d’être utile lui fait un devoir d’accepter ». Sa maladie s’aggravant, ou sans doute en désaccord avec les événements de 1848, il démissionne le 21 juin 1848 de sa charge de maire. Ses concitoyens le portent une seconde fois à la tête de la commune le 30 avril 1850 puis, sous le Second Empire, il est confirmé dans ses fonctions le 26 juillet 1852, puis le 11 juin 1855.

La gare et la ville nouvelle

Ses administrés lui doivent notamment le projet de fontaine de la place qui apporte enfin l’eau au village. Mais il ne verra pas son projet se concrétiser puisqu’il meurt avant. Elle est construite en 1859 ; avant les habitants devaient aller chercher l’eau à une source près de la chapelle Saint-Vincent, se trouvant à environ 500 m au pied du village, en contrebas du cimetière.
Mais surtout Castagne milite pour l’implantation d’une gare sur le territoire communal. En 1842, la « Compagnie de chemin de fer de Marseille à Avignon », de Paulin Talabot, a obtenu la concession de la construction de la ligne Marseille-Avignon. La commune est traversée de part en part par la voie ferrée, mais aucun débarcadère6 n’est prévu. Les travaux de la ligne débutent en 1843. Le 25 avril 18457, le maire Castagne fait voter une délibération à son conseil municipal pour demander la construction d’un débarcadère à Miramas. On projette d’abord de le construire au pied du village dans le quartier du Moutonnet. Mais la géographie locale ne s’y prêtant pas, on préfère un terrain en bordure de Crau, situé sur le domaine de Fontlongue, à 3,5 km environ à l’ouest du village, à l’endroit où la voie ferrée coupe la route départementale n° 3, qui relie Martigues à Salon. Le débarcadère est inauguré le 22 septembre 1848, neuf mois après l’ouverture partielle de la ligne. Mais la gare est alors réservée aux marchandises ; elle sera ouverte aux voyageurs qu’en 1854.
Autour de la gare, perdue en bord de Crau, va se développer une ville nouvelle qui finira par supplanter le vieux village. C’est la ville actuelle de Miramas.
En 1842, il publie ses « Observations sur quelques plantes acotylédonées de la famille des Urédinées et dans les sous-tribus des némasporées et des aecidinées, recueillies dans le département des Bouches-du-Rhône » où il est mis en avant trois genres et vingt-sept espèces encore indéterminés et acceptés peu après par les spécialistes.
Éminent botaniste, en relation avec un grand nombre de savants de son époque, Louis Castagne est membre de multiples académies et sociétés savantes : académies de Marseille et d’Aix (17 août 1814), de la Société Asiatique de Paris (1er mars 1830), de la Société de médecine de Marseille (12 avril 1814), de la Société d’agriculture de Marseille, de la Société de Physique et d’Histoire naturelle de Genève, de la Société des Sciences naturelles de Cherbourg. Ses confrères botanistes lui dédièrent quatorze genres ou espèces de plantes.

Sa fin de vie

Le monument Castagne© Sébastien Avy, 2013.
Le monument Castagne. © Sébastien Avy, 2013.
Louis Castagne s’éteint dans la maison de maître du domaine de Montaud le 16 mars 1858. In­fa­ti­ga­ble chercheur, il avait formé un magnifique herbier, qu’il laisse à sa mort, ainsi que ses manuscrits et sa bibliothèque à son meilleur élève, Alphonse Derbès (1808-1894), pro­fesseur de botanique à la Fa­cul­té des Scien­ces de Marseille. L’her­bier de Castagne est aujourd’hui conservé au département des Scien­ces naturelles de l’Université de Provence.
La générosité de Castagne en­vers Miramas se manifeste une der­nière fois au travers de son tes­ta­ment, rédigé le 2 avril 1856, ouvert et déposé en l’étude de Me Aude, notaire à Aix-en-Provence, le 19 mars 1858. Il lègue8 à la commune un capital de 1 200 francs, lequel une fois placé doit rapporter une rente annuelle de 60 francs. Avec cette somme, chaque année à partir de 1859, le conseil municipal doit vêtir pour l’hiver deux enfants, une fille et un garçon, choisis parmi les familles les plus pauvres de la commune. Ce legs sera honoré jusque dans les années 1950.
En remerciement, le successeur de Castagne à la mairie, Joseph-François Amphoux de Belleval, fera voté un crédit exceptionnel de 350 francs9 pour qu’un monument soit érigé en son honneur. Le buste de Jean-Louis Castagne trône depuis 1860 sur la fontaine du village, qu’il avait tant souhaitée de ses voeux10.

Notes

1. Jean-Baptiste Pierre Antoine de Monet, chevalier de Lamarck (né le 01/08/1744 à Bazentin [80], décédé le 18/12/1829 à Paris) est un naturaliste français. Au début du XIXe siècle, il a réalisé la classification des invertébrés, qui regroupent environ 80 % des animaux. Il est un de ceux qui ont pour la première fois utilisé le terme de « biologie » pour désigner la science qui étudie les êtres vivants.
2. Augustin Pyrame de Candolle (né le 04/02/1778 à Genève (Suisse), y décède le 09/09/1841) est un botaniste suisse. Il est l’un des fondateurs de la géographie botanique en tant que discipline scientifique. Il fut également un descripteur et classificateur du monde végétal.
3. L’expédition de Morée est le nom donné en France à l’intervention terrestre de l’armée française dans le Péloponnèse, entre 1828 et 1833, lors de la guerre d’indépendance grecque.
4. Malgré nos recherches, son dossier de légionnaire est introuvable dans la base Léonore, ainsi qu’aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône.
5. AD13, 358 E 322, Maître Audibert, à Marseille. Auguste Castagne achète le domaine à Joseph Lavison, négociant de Saint-Chamas, maire de Miramas de 1813 à 1821.
6. On ne parle pas encore de gare à cette époque.
7. AD13, Archives communales déposées, 119E 1D 1, registre des délibérations du conseil municipal.
8. AD13, legs Castagne à la mairie de Miramas, cote 4 O 66/1.
9. AD13, Archives communales déposées, 119E 1D 1, registre des délibérations du conseil municipal.
10. N’arrivant pas à trouver l’argent nécessaire, la municipalité finit par transiger avec un propriétaire de la commune, Honoré Saint-Étienne pour faire construire cette fontaine. En échange de la somme donnée par celui-ci, la mairie lui octroie un droit d’eau sur le canal de Boisgelin pour qu’il fasse fonctionner le moulin de la minoterie qu’il vient de faire construire dans le quartier du Canadel.
Sébastien Avy

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