Poussé dans la vie (1895)

Pierre Brunet est un enfant malheureux, né en prison, qui n’a connu que les entrailles de sa mère, qui n’a jamais eu d’attentions pour lui.
Après l’avoir mis en pension dans une famille de la Drôme, elle le recevait, à l’âge de quinze ans, à la gare de Marseille, avec ces douces paroles :
« Trop d’attendrissement ! Rappelle-toi bien la recommandation que je vais te faire et grave-la profondément dans ton esprit : tu viens de m’embrasser pour la première et la dernière fois. Aux yeux du monde, je ne suis pas ta mère, mais bien une étrangère. Tu m’appelleras « tante » ! Ceci dit d’une façon définitive ! Je ne tiens pas à ce que tu me compromettes aux yeux des voisins. Si tu veux éviter des discussions entre nous, tu oublieras absolument que je suis ta mère ! »
Plus tard, la douce mère lui tenait ce langage :
« Tu es un bâtard ! un enfant perdu ! Tu me déshonores aux yeux de tous ! Je finirai par te mettre à la porte ! D’ailleurs, un bâtard ne saurait rien faire de bon ! Il faut que je me débarrasse de toi. »
« Je vais changer de domicile, lui dit-elle, et je n’aurai pas de chambre à te donner. Tu me gênerais inutilement. Va-t-en ; tu vivras où tu voudras, pourvu que tu me débarrasses de ta présence. »
Le jeune Pierre Brunet était né en prison, deux ans après la mort de son père. Était-il responsable d’avoir été poussé dans la vie ? Fatigué des brutalités maternelles, un jour, il s’arma d’un couteau et frappa aveuglement ces flancs dont il était sorti.
On lui a infligé quatre ans de prison…

D’après Le Mémorial d’Aix, n° 101, 18 décembre 1895.

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