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A MIRAMAS, VILO DE TRIN, de segur, i’a d’istòri de trin.
Dudule, que restavo à Miramas, èro emplega dóu camin de ferre ; èro countourroulaire de trepadou à Miramas tambèn. Pichot, courtet de cambo, cargant sus lou davans, uno pelesoun bèn istalado qu’escoundié souto uno casqueto de countourroulaire que quitavo jamai, lou nas e la caro roujas e enfin uno tras que pichoto moustacho – quàuqui pèu en carrat souto lou nas –, èro un emplega moudèle qu’aurié pas fa tort d’un liard à si vesin, pas mai qu’à la coumpagnié que l’emplegavo. Un sòu èro un sòu, quand lou dévié, e quand ié devien, foucho ! l’óublidavo pas.
Es ansin que dins lou tèms, l’ounnibus Marsiho-Avignoun fasié lis ouratòri pèr ié prendre li viajaire. Mai, bord que i’avié un mai, noun se ié poudian davala qu’à parti de Seloun-de-Crau.
Adounc quand lou trin intravo en garo, Dudule s’aprouchavo, siblavo – triiit – avans que d’anouncia d’uno voues trounadisso i vouiajaire esperant sus lou trepadou de la garo :
— Miramas… dès minuto d’arrèst !
E tout se debanavo coum’acò quouro lou jour venguè que Dudule avisè un contro-venènt davalant dóu trin. Escoutant que soun sèn civi e proufessiounau, l’apoustroufè d’un biais autouritàri qu’anè emé sa cargo :
— Ho ! hé ! Sabès pas qu’es enebi de davala à Miramas sus aquesto ligno ! Fau espera Seloun.
— Mai… Mai…
— I’a ges de mai que tengon. Vous vòu apprendre la lèi, iéu. Vous vòu douna un papié.
— Mai… sabes que rèste à Miramas.
— Es pas uno resoun. La lèi es la lèi. Lou cop que vèn, vous n’en rapelaras.
— Mai… Mai…
— Res es censa ignoura la lèi, faguè d’uno bello asseguranço.
E sèns mai d’argument, Dudule dreissè un verbau à soun degut à la viajarello mal-avisado qu’avié lou fege de trepassa lou reglamen. La femo alor sachè pu que dire, èro aplantado aqui carculant se ié falié crida, ploura, remounta dins lou trin o dire de merci. Fin finalo Dudule reprenguè soun siblet – triiit – e anounciè :
— Fermaduro di porto !
Lou trin partiguè. La femo s’enanè elo tambèn. Èro peginado, pleno de vergougno, de ràbi, de charpin… un pau de tout acò bord que… èro sa femo !
L’istòri es pas ligado au tèms passat car quouro la countère à-n-un ami, i’a quàuqui tèms d’acò, apoundeguè d’aigo au moulin, me disènt, à son tour, que soun bèu-fraire, agènt de pouliço municipalo, verbalisè d’aploumb, éu tambèn, la veituro mau-garado… de sa femo !
Martino Bautista
*
À MIRAMAS, VILLE DE TRAINS, c’est sûr, il y a des histoires de trains.
Dudule, qui habitait à Miramas, était employé au chemin de fer ; il était aussi contrôleur de quai à Miramas. Petit, court de jambe, bedonnant, une calvitie bien installée qu’il cachait sous une casquette de contrôleur qu’il ne quittait jamais, le nez et la face rougeauds et enfin une très petite moustache – quelques poils en carré sous le nez –, c’était un employé modèle qui n’aurait pas fait de tort à ses voisins, pas plus qu’à la compagnie qui l’employait. Un sou était un sou, quand on le devait, et quand on lui devait, pardi ! il ne l’oubliait pas.
C’est ainsi qu’à l’époque, l’omnibus Marseille-Avignon s’arrêtait dans toutes les gares pour y prendre les voyageurs. Mais, car il y avait un mais, on ne pouvait en descendre qu’à partir de la gare de Salon-de-Provence.
Donc quand le train entrait en gare, Dudule s’approchait, sifflait – triiit – avant d’annoncer d’une voix tonitruante aux voyageurs attendant sur le quai de la gare :
— Miramas… 10 minutes d’arrêt !
Et tout se passait comme cela quand le jour vint où Dudule remarqua un contrevenant descendant du train. N’écoutant que son sens civique et professionnel, il l’apostropha d’un ton autoritaire convenant à sa charge :
— Ho ! hé ! Vous ne savez pas qu’il est interdit de descendre à Miramas sur cette ligne ! Il faut attendre Salon.
— Mais… Mais…
— Il n’y a pas de mais qui tiennent. Je vais vous apprendre la loi, moi. Je vais vous dresser un papier.
— Mais… tu sais que j’habite à Miramas.
— Ce n’est pas une raison. La loi, c’est la loi. La prochaine fois, vous vous en rappellerez.
— Mais… Mais…
— Nul n’est censé ignorer la loi, fit-il d’un air plein d’assurance.
Et sans plus d’argument, Dudule dressa un procès verbal à la voyageuse malavisée qui avait eu l’audace de transgresser le règlement. La femme, alors, ne sut que dire, elle restait là sans bouger, ne sachant s’il lui fallait crier, pleurer, remonter dans le train ou dire merci. Finalement Dudule reprit son sifflet – triiit – et annonça :
— Fermeture des portes !
Le train partit. La femme s’en alla elle aussi. Elle était dépitée, pleine de honte, de rage et de chagrin, un peu de tout cela car… c’était sa femme !
L’histoire n’est pas liée à l’époque car lorsque je la racontais à un ami, il y a quelques temps de cela, il ajouta de l’eau au moulin en me contant, à son tour, que son beau-frère, agent de police municipale, verbalisa, sans hésiter, lui aussi, la voiture mal garée… de sa femme !
Martine Bautista
- Photographie : Arch. personnelles de l’auteur.