Voir aussi : Le drame de la rue Nicolaï (Arles, 1er avril 1881)
Baptistin Roumanille, âgé de 41 ans, boulanger demeurant à Arles, avait vécu maritalement, pendant plusieurs années avec Joséphine Tellier, âgée de 26 ans. Il en avait eu deux enfants, morts en bas âge. Pour être plus libre dans ses relations avec cette fille, il avait abandonné sa femme légitime, Marie Coye, et ses trois enfants mineurs (François, Eugène et Xavier), son domicile à Maussane et jusqu’à sa profession de boulanger et tous deux étaient partis vivre à Arles.
Ce fol amour pour Joséphine Tellier avait fait le malheur de l’un et de l’autre. Joséphine Tellier était légère, peut-être inconstante ; Roumanille jaloux, emporté, vindicatif. Les querelles étaient fréquentes dans ce ménage illégitime. Joséphine, trouvant que la vie commune devenait insupportable, s’était décidée, trois mois et demi avant le crime, à quitter son amant et à rompre avec lui toutes ses relations. Roumanille, plus éperdument amoureux depuis cette séparation, ne cessait de poursuivre de ses obsessions son ancienne concubine par la déterminer à retourner avec lui : supplications, voies de fait, menaces de mort, tout fut fait par lui mais en vain ; la fille Tellier persistait énergiquement dans son refus.
Il résolut de se venger. Il acheta chez un armurier de Trinquetaille un revolver et des cartouches, et il ne fit pas mystère, dans l’entourage de Joséphine Tellier, que la vie lui devenant à charge, il était bien résolu d’en finir sans retard, mais qu’il ne laisserait pas lui survivre et passer dans les bras d’un autre celle avec laquelle il avait si longtemps vécu.
Il hésitait cependant, il espérait toujours une réconciliation, et ce n’est que le 1er avril 1881, c’est-à-dire quinze ou vingt jours après l’achat du revolver qu’il mit ou tenta de mettre à exécution son sinistre projet.
Ce jour-là, il s’approcha aux pas de Joséphine. Il voulut tenter un dernier effort et avoir une explication suprême. Il vint, jusqu’à trois reprises, le matin, l’après-midi et le soir, chez la Mlle Lallemont, rue Nicolaï, où il savait que Joséphine Tellier devait se trouver.
Elle y travaillait, en effet, avec sa sœur, la dame Eulalie Teissier.
Voyant Roumanille, elle voulut sortir en traînant sa sœur. Roumanille les suivit dans l’escalier, les dérangea et, se retournant vers son ancienne maîtresse, lui tira à bout portant deux coups de revolver qui l’atteignirent à la poitrine et au sein gauche.
La victime s’affaissa en s’écriant : « Je suis morte ! »
Croyant l’avoir tuée, Roumanille voulut se tuer à son tour. Il dirigea vers lui son revolver, mais il se blessa seulement et courut, tout sanglant se jeter dans le Rhône.
Un marinier, témoin de cet acte de désespoir, parvint à le retirer de l’eau presque inanimé.
« Tuez-moi ! » lui dit Roumanille, qui s’évanouit.
Les blessures de la victime, comme celles de l’accusé, n’eurent pas de conséquences graves et étaient quasiment guéries au moment du procès à la Cour d’assises d’Aix-en-Provence, lors de l’audience du 24 juin 1881.
Roumanille fut condamné à cinq ans de réclusion et le jury, par la voix de son président, pria le président des assises d’appeler sur le condamné la bienveillance du chef de l’État.
- Sources : L’Homme de bronze, 26 juin 1881, p. 2.