Les prêtres nommés à la tête des paroisses de l’archidiocèse de la Nouvelle-Orléans de 1860 à 1920 sont en grande majorité issus du clergé français. C’est l’effet d’une forte demande de la part des Acadiens. On sait qu’en 1864 des pétitions ont été adressées à l’évêque de la Nouvelle Orléans pour obtenir des prêtres francophones.
Le père Ferdinand Grimaud semble être le premier prêtre haut-alpin à rejoindre la Louisiane. Il a entraîné à sa suite d’autres prêtres, ordonnés à Gap, dont Paul Alexandre Borel, Paulin Louis Espitallier, Jean Martin Eyraud et Désiré Victor Sarrazin.
Alors que la vie et l’œuvre de Jean Martin Eyraud sont largement décrites sur internet, celles des quatre autres prêtres sont méconnues.
Marcel Sarrazin nous présente ici la vie de Victor Sarrazin.
Biographie de Victor Sarrazin
Désiré Victor Sarrazin est né le 17 novembre 1879 à La Cluse, dans le hameau des Garcins. C’est l’un des fils de Désiré Victor Sarrazin, et l’aîné des dix enfants dont a accouché son épouse Mélanie Aiguillon.
Parmi ces enfants, Aimé Augustin, né le 28 août 1887, étudiant séminariste en 1907 à Vintimille, Émile Alexandre Ludovic, né le 29 janvier 1890, qui fera un bref séjour en 1913 à Los Angeles chez son cousin Léon Escallier, avant de revenir au mois de septembre 1914 pour participer à la première guerre mondiale, Malvine Léonie Marie, née le 9 octobre 1893, et Louis Élie Hippolyte, né le 29 décembre 1897, qui, soldat du 288e régiment d’infanterie, disparaîtra le 23 octobre 1917 au chemin des Dames.
En 1899, Désiré Victor Sarrazin se présente au conseil de révision. Sa fiche militaire précise qu’il a les cheveux et les sourcils châtains, les yeux roux, le front ordinaire, le nez fort, la bouche moyenne, le menton rond et le visage ovale. Il mesure 1,56 mètre et porte une cicatrice de brûlure au front.
Dispensé du service militaire pour un an en tant qu’élève séminariste, il est incorporé au 22e régiment d’infanterie l’année suivante, du 14 novembre 1900 au 14 septembre 1901.
Il effectuera par la suite deux périodes d’exercices dans la 14e section d’infirmiers militaires à Lyon en 1903 et 1906.
1905 : départ pour l’Amérique
Ordonné prêtre à Gap le 29 juin 1905, il rejoint le père Grimaud à Carencro en Louisiane au début du mois de janvier 1907. Le journal The Lafayette Advertiser, dans son édition du 9 janvier, signale qu’il a quitté la France avec la permission de son évêque et qu’il est en attente d’une affectation dans un diocèse de la Louisiane. Surtout, il précise que la père Sarrazin est un ancien professeur du séminaire d’Embrun victime de la loi de séparation de l’Église et de l’État.
Pour sa part, le Saint Landry Clarion ajoute que le père Sarrazin est un homme possédant beaucoup de talent et plein de zèle dans son activité sacerdotale. Quelques mois plus tard, l’archevêque James H. Blenk nomme le père Sarrazin à Lafayette à l’église Saint-Jean-l’Évangéliste sous la direction du révérend W. J. Teurlings, originaire de Hollande.
Comme tout Français installé en Louisiane, le père Sarrazin a le soin de maintenir et de propager la langue et la culture françaises. Chaque année, il assiste à la remise des prix de la Mont Carmel Academy, en compagnie du juge Campbell, maître de cérémonie, et des pères Teurlings et Sonway. Il s’adresse aux élèves en français, en leur donnant des conseils judicieux et religieux et s’efforce de leur faire comprendre l’importance de la formation et de l’éducation. Tous les auditeurs reconnaissent l’éloquence du père Sarrazin et s’accordent à dire que le style de son discours ainsi que la logique de son argumentation sont remarquables. Et c’est lui qui remet la médaille en or au meilleur élève en langue française.
Nommé responsable de l’église du Sacré-Coeur de Jésus à Port Barre, le 25 juillet 1911, il quitte Lafayette sous une pluie de cadeaux. La section locale des Chevaliers de Colomb lui offre une horloge et un nécessaire de rasage en signe de sa haute estime, et les dames de l’église lui offrent une fiole en argent pour l’Huile sainte, un ciboire en argent, une étole, et un nécessaire de baptême.
Les événements d’Europe
En Europe se déclenche la Première Guerre mondiale. Mis en sursis d’appel pour une durée indéterminée par décision du ministre des affaires étrangères au début du mois de janvier 1915, Désiré Victor Sarrazin voit ce sursis limité au 30 novembre 1916 par décision ministérielle. Il est alors réformé par le consul de France à la Nouvelle Orléans pour malaria chronique, le 7 décembre 1916 puis à nouveau le 24 avril 1917.
Comme tout habitant des États-Unis, le 12 septembre 1918, il est recensé en vue de la conscription. Cette fiche le décrit petit de taille, de constitution robuste, possédant des yeux gris et des cheveux noirs.
Dans son édition du 28 juin 1919, le Saint Landry Clarion annonce le départ du père Sarrazin et de sa sœur Malvine pour la France et leur village de La Cluse. Leur absence devrait durer environ quatre mois. Le journal précise que le père Sarrazin avait planifié ce départ pour l’année suivante mais qu’il est contraint de l’avancer à cause de la mauvaise santé de sa sœur Malvine, qu’il espère que l’air de la mer ainsi que leur retour à La Cluse auront un effet bénéfique et qu’il remercie ses paroissiens qui lui ont fait un don de 150 $.
Le 27 octobre, le père Sarrazin est du nombre des passagers qui descendent du paquebot La Lorraine, en provenance du Havre.
Le 12 avril 1920, il est nommé à la paroisse Saint-Pierre à Carencro, en remplacement du père Ferdinand Grimaud. Sa sœur Malvine, arrivée quelques jours plus tard à New-York par le navire La Touraine en provenance du Havre, le rejoint dans sa nouvelle affectation.
Trois ans plus tard, le 1er novembre 1923, pour raisons de santé, le père Sarrazin retourne à la Cluse en compagnie de sa sœur.
Apprenant sa nomination à la tête de la paroisse Saint-Francis-Regis à Arnaudville, le père Sarrazin, toujours accompagné de sa jeune sœur, regagne la Louisiane où ils pensent rester encore 6 ans.
Effectivement, le 26 avril 1930, tous deux retournent définitivement dans les Hautes-Alpes.
Il s’installe à Gap sur la route de Veynes où il a acheté une maison qu’il a nommée La Louisiane.
C’est dans cette maison que le père Désiré Sarrazin meurt le 12 septembre 1951. Son décès est déclaré par son frère Aimé alors professeur à l’Institution Saint Joseph de la Madeleine à Marseille.
Malvine Léonie Marie décédera le 31 mai 1986 à Gap, à l’âge de 92 ans.
par MARCEL SARRAZIN, auteur de Montmaur et ses hameaux