L’Irlandais James MacAdaras (1838-1919), député controversé des Basses-Alpes

James MacAdaras (1838-1919).

James MacAdaras (1838-1919).

James Dyer MacAdaras (né à Rathmines [Dublin] en 1838, mort à Paris en 1919) apparaît dans l’Histoire lors de la Guerre franco-prussienne en 1870. Alors à Paris, il propose la constitution d’un contingent irlandais pour assister l’armée française. Il affirme avoir combattu lors de la Guerre de Crimée au cours de laquelle, âgé de seulement 17 ans, il aurait subi une blessure à la jambe pendant l’attaque des fortifications de Redan.

Le régiment irlandais

Lorsqu’il reçoit l’autorisation de former cette brigade irlandaise, il est promu général de façon improbable par une administration française déstructurée et envoyé à Caen en septembre 1870 pour rassembler des volontaires qui arrivent en France par la Normandie. L’expérience tourne court car la France ne parvient pas à fournir de la nourriture, des armes et des émoluments à cette armée et le consul de Grande-Bretagne doit même intervenir pour leur assurer au moins des rations de survie.
MacAdaras ne bénéficie pas de beaucoup de crédit au sein du contingent irlandais, certains de ses compatriotes le considérant même comme un espion à la solde des Prussiens. De plus, il détourne une somme d’argent normalement due à son second, John O’Kelly, alors que ce dernier se trouvait en Irlande pour une session de recrutement. Un rapport de l’armée française indique en octobre 1870 :
« Pour l’instant, nous savons que les Irlandais à Caen se conduisent plutôt mal et qu’ils expriment des doutes quant aux intentions et à l’honneur de M. Dyer. »
Néanmoins, le même mois, MacAdaras — profitant semble-t-il de la confusion qui entoure la chute du Second Empire — est nommé à un nouveau poste en qualité de lieutenant-colonel du 2e Régiment étranger, auquel participent les survivants irlandais de l’expérience normande.

Un personnage controversé

John Devoy1 dépeint un portrait brillant mais cinglant du personnage. Selon lui, à la fin de l’été 1870, MacAdaras parvient à convaincre Charles Cousin-Montauban, Ministre français de la guerre, du fait qu’il était représentant du maire de Dublin et d’autres officiels — les Français sachant que les Irlandais cherchaient à organiser un corps d’ambulance qui serait envoyé en France. Par l’intermédiaire de Cousin-Montauban, MacAdaras parvient à obtenir une audience auprès de l’impératrice Eugénie qui lui fournit une lettre d’introduction à montrer à Dublin. Rapidement, grâce à la faible qualité des communications et le chaos provoqué par la guerre, MacAdaras se retrouve général.
Caraicature de MacAdaras dans le journal d'Algérie Pilori, publié dans les années 1880. DR.

Caraicature de MacAdaras dans le journal d’Algérie Pilori, publié dans les années 1880. DR.

Un jour, en Normandie, un membre du corps d’ambulance irlandais, le docteur Constantine MacGuire, avait rendez-vous avec MacAdaras dans un café. Mais quand MacAdaras arrive, il trouve MacGuire assis avec un journaliste et un ancien capitaine de cavalerie de l’armée britannique. Immédiatement, il tourne les talons. Or le journaliste connaissait MacAdaras depuis ses années d’armée.
« Au diable le général, dit-il à MacGuire. Ce type était sergent-major dans ma troupe et c’est le pire scélérat d’ici en enfer. »
Selon Devoy, MacAdaras gagnait sa vie comme interprète et guide auprès de touristes américains à Paris avant de duper l’institution militaire française et l’impératrice Eugénie.

L’après-guerre

La guerre terminée, MacAdaras retourne à Paris en mars 1871 et prend un logement rue de Bellechasse (7e arrondissement) au moment même où les Communards prennent le contrôle de la capitale. La même année, il demande la nationalité française — demande précédemment rejetée au motif suivant : Il vit à Londres et ne vient à Paris que quelques jours par an. »
Il réclame la somme de 114 000 francs au Ministre français de la guerre pour couvrir les dépenses qu’il prétend avoir faites dans sa tentative avortée de former un régiment irlandais. Cette demande est rejetée.
« Cette affaire peut se résumer ainsi, écrit un officiel du ministère de la guerre : M. Dyer MacAdaras a promis de faire venir 6 000 Irlandais en France mais n’est parvenu à en faire venir 300 qui n’ont rendu aucun service et ont rapidement été rapatriés. »
Des notes dans son dossier militaire laissent également entendre que MacAdaras avait laissé de nombreuses factures impayées dans la région de Caen. Sa demande culottée de la Légion d’honneur en 1871 est également rejetée.
Pendant l’année 1871, MacAdaras n’a pas de domicile permanent et bouge beaucoup. En juin 1871, il n’est plus installé dans le 7e arrondissement bourgeois mais à une adresse bien plus modeste du 9e arrondissement, au 15, rue de Montholon. En octobre, il loge au 102, rue Neuve des Mathurins, une rue disparue aujourd’hui. Il pourrait aussi avoir vécu à l’Hôtel de Londres (rue Lafayette, dans le 9e arrondissement). De plus, une lettre de sa main est écrite cette même année depuis Rostreavor, dans le comté de Down (aujourd’hui en Irlande du Nord).

Après l’Amérique, MacAdaras retrouve la France

On retrouve MacAdaras à Paris en 1887. Dans l’intervalle, il est allé en Amérique où il a épousé une Américaine quelque peu fortunée et mené une existence relativement confortable en faisant de la spéculation immobilière à St. Louis, dans le Missouri. De fait, le numéro de septembre 1889 du Petit Journal indique que, selon certains, il était « plusieurs fois millionaire ».
La raison qui le pousse à revenir en France est inconnue. Son engagement dans la cause irlandaise pourrait y être lié. Sa première adresse en 1887 est le 21, avenue Carnot (17e arrondissement), où il est colocation avec Eugene Davis et le nébuleux révolutionnaire Patrick Casey. Il tente (sans succès) d’éditer un journal bilingue avec Eugene Davis et fait sans doute partie d’un complot dénommé le Jubilee Plot visant à faire assassiner la reine Victoria. Pour ces raisons, le « Fénien » John Devoy écrit :
MacAdaras « était le plus abouti des imposteurs qui ont fricoté avec le Mouvement irlandais, mais il n’y est jamais entré. »
En 1888, il vit au 57, rue de Babylone (7e arrondissement) et fait alors sa seconde demande de naturalisation qui est cette fois-ci acceptée.

Entrée en politique

De façon quasi incroyable, un an plus tard, sous la dénomination floue de « Général », il est élu député des Basses-Alpes pour la circonscription de Sisteron2 sous l’étiquette des radicaux.
Vue générale de Sisteron. DR.

Vue générale de Sisteron. DR.

L’ascension fulgurante du « général » MacAdaras du statut d’étranger à celui d’élu de la IIIe République en l’espace d’un an pourrait devoir beaucoup à ses amitiés, probablement dans le domaine de la franc-maçonnerie, et notamment de celle de Georges Clemenceau et du controversé Henri Rochefort. Mais MacAdaras ne semble pas avoir été un réel parlementaire. Ses opposants vont régulièrement contester son éligibilité et la légitimité du titre de « général » dont il se revêt. En 1893, il n’est pas réélu.
© Isadore Ryan
Bibliographie sélective
– Service Historique de la Défense
– Correspondance de MacAdaras avec le Ministre français de la guerre et candidature à la Légion d’honneur : 17YD8 OGP Macadas, « Mémoire de proposition en faveur de Mr. MacAdaras (James Dyer), lieutenant colonel à titre auxiliaire pour le grade de chevalier dans l’ordre de la Légion d’Honneur ».

Archives nationales :
– Documents de naturalisation de James MacAdaras : dossiers BB11 1179 NJ 635×71 et G/9/154.
– M. W. Kirwan, La Compagnie irlandaise, réminiscences de la Guerre franco-prussienne, 1873.
– John Devoy, Mémoires d’un rebelle irlandais, Chase D. Young Company, New York, 1929.
– Janick Julienne, « General MacAdaras: An Adventurer in the Service of the Irish Revolutionaries in France », in The Irish Sword, no 93, The Military History Society of Ireland, Dublin, 2003.

Sur l’élection du « général » MacAdaras à l’Assemblée nationale :
« Échos de Paris », dans Le Petit Journal, 26 septembre 1889.
Le Progrès militaire, 20 novembre 1889.

Notes

1 John Devoy (Kill, Irlande, 1842-New York, USA, 1928) était un leader nationaliste irlandais qui émigra en France en 1861. Il s’engagea dans la Légion étrangère et servit en Algérie avant de retourner en Irlande et de prendre la tête de la « Révolte fénienne » contre la présence britannique en Irlande. (N.d.T.)
2 Les autres députés des Basses-Alpes élus à la même législature étaient Joseph Reinach (Paris, 1856-Paris, 1921), François Deloncle (Cahors, 1856-La Baule, 1922), Marius Isoard (Reillanne, 1839-Marseille, 1894) et Henry Fouquier (Marseille, 1838-Neuilly-sur-Seine, 1901). (N.d.T.)

Traduit de l’anglais par Jean Marie Desbois, avec l’aimable autorisation de l’auteur, webmaster du site www.irishmeninparis.org.