Un vol à l’auberge du Cours (Aix-en-Provence, 17 janvier 1803)

Ce jourd’huy vingt huit nivôse an onze de la République française, pardevant nous, commissaires de police et dans notre bureau, s’est présenté le citoyen Louis Benet, propriétaire domicilié à Marseille, lequel nous a déclaré que hier, vingt-sept sur les six heures du soir, arrivant de Marseille dans une voiture conduite par le nommé Brémond, garçon voiturier résidant à Marseille, arrivés dans la basse-cour de l’auberge dite du Cours1 où ledit Brémond conduisit la voiture, luy déclarant ainsi que les autres personnes qui étoient dans la voiture après en être descendu s’occupa du bord à faire retirer de devant ladite voiture une petite caisse destinée pour le citoyen Dubreuil2, homme de loi. Le nommé Brémond, voiturier, fut chargé par luy de sortir de la voiture où il entra seul, observant que cette caisse se trouvoit placée sous le caisson à côté d’un sac contenant 426 francs en écus de 6 francs, sac que ledit Brémond ne peut avoir évité de voir et même de toucher en prenant la susdite caisse.
Le Cours, dix ans environ avant les faits.
Le Cours, dix ans environ avant les faits.
Le déclarant, occupé dans le moment de l’envoi de cette caisse à son adresse, oubliant son sac d’écus, la prend des mains dudit Brémond et entre dans un des salons de l’auberge pour y déposer l’adresse dessus et la confier à un portefaix qu’il charge du transport chez le citoyen Dubreuil. Cette première opération terminée, le déclarant retourne dans la basse-cour pour reprendre le sac qu’il avoit encore laissé dans la voiture. Le voiturier ne s’y trouvant point et un portefaix se présentant à luy chargé de son sac de nuit, oubliant encore une fois le sac d’écus qu’il avoit laissé dans la voiture et se disposant à s’acheminer dans son logement, ledit Brémond paroit alors et, semblant accourir à l’appel que le déclarant luy avoit déjà plusieurs fois fait, reçoit de luy la somme de 75 centimes d’étrennes et le déclarant sort de l’auberge suivi du portefaix chargé de son sac de nuit et accompagnant la citoyenne Thérèse Plauche, avec laquelle il devoit aller loger à cent pas3 de l’auberge.
Le déclarant, se rappelant avoir laissé son sac d’écus dans la voiture, retourne avec précipitation dans l’auberge, se lance dans la voiture que Brémond avoit déjà rangée sous le hangar, veut prendre son sac d’écus et ne le trouve plus. Par un mouvement bien naturel et sans quitter la voiture, il appelle à grands cris ledit Brémond. Celuy-cy répond du fond d’une écurie : « Je suis à vous » et, après avoir resté presque un quart d’heure d’arrivée, il paroit enfin, tenant une lampe en main. Le déclarant luy ayant fait part de son oubli, celuy-cy répond qu’il n’a point vu de sac d’écus et jure d’être seul pourtant.
Entré dans la voiture, les menaces du déclarant ne l’intimident point. Il nie toujours d’avoir vu le sac quoiqu’il ait été impossible qu’il ait retiré la caisse sans le voir ny ne le toucher. Toutes les personnes qui étoient venues dans cette voiture et instruits de ce fait veulent fouiller un soldat invalide qui étoit déjà couché et qui s’y trouvoit aussy presque accusé par le voiturier à en juger, disoit-il, par sa misère. On le fouille, il facilite luy-même la recherche en exposant en vue tous ses effets et rien n’est trouvé.
Le déclarant sort de nouveau de l’auberge. On luy conseille d’appeler la gendarmerie. Le citoyen Mauche, maréchal des logis, s’y rend de nouveau avec luy, accompagné d’un gendarme. De nouvelles perquisitions sont faites en vain. On appelle Brémond qui, après un intervalle assez long, reparoit, venant du dehors. Il accompagne les gendarmes dans ses visites. On va de nouveau chez l’invalide chez lequel on ne trouve pas davantage et le déclarant, avant de se retirer en présence des gendarmes et de toutes les personnes venues avec luy, qui sembloient convaincues que l’auteur du vol étoit le voiturier. Le déclarant, disons-nous, avant de se retirer, soutient audit Brémond qu’il étoit l’auteur du vol qui luy étoit fait, qu’étant seul entré dans la voiture, ayant pris de son ordre la caisse qui étoit dans le caisson, le dessus duquel ne pouvoit se lever qu’en remuant le sac d’écus que le déclarant avoit laissé sous le coussin.
sign_Benet
Signature de Benet.
Sur cette déclaration, nous commissaires de police après avoir observé au déclarant qu’il auroit dû nous instruire de ce vol au moment où il s’en est plaint, qu’il étoit temps alors d’officiellement interroger le voiturier, de le faire traduire pardevant le magistat de sûreté, nous étant rendus dans l’auberge dite du Cours et ayant appris que ledit Brémond en étoit party ce matin, avons dressé le présent procès-verbal pour être envoyé au magistrat de sûreté et être par luy ordonné ce qu’il appartiendroit et avons signé avec le citoyen Benet.

Notes

1 L’hôtel d’Estienne-d’Orves, au 25 du cours Mirabeau, est alors dénommé « auberge du Cours ». On le retrouve quelques années plus tard sous le nom d’« auberge du Soleil ».
2 Il pourrait s’agir de Joseph Dubreuil (1747-1824), avocat et maire d’Aix-en-Provence en 1815.
3 Environ 75 mètres.

  • Registre de police, archives communales d’Aix-en-Provence, I1-1.

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