Les voleurs du bois des Taillades (Vernègues, 8 mars 1838)

Attaque d'une diligence, Francisco de Goya, 19e siècle, DR.
Attaque d’une diligence, Francisco de Goya, 19e siècle, DR.
Le bois des Taillades, à cheval sur les communes de Lambesc et de Vernègues (Bouches-du-Rhône) a de tout temps été de sinistre mémoire. Considéré comme un coupe-gorge, c’était un lieu par lequel on se devait de passer pour faire la route entre Aix et Avignon et où les récits sont nombreux qui relatent cambriolages à mains armés et meurtres en tout genre.
Le 8 mars 1838, la diligence Lauzier, de Marseille à Nîmes, passait par là à une heure de l’après-midi et était en train de gravir la côte, une fois entrée sur le territoire de la commune de Vernègues, quand soudain trois hommes embusqués, dont deux étaient armés, lui crièrent de s’arrêter. En même temps, l’un d’eux fit feu, blessant grièvement un des chevaux de l’équipage et créant un début de panique parmi les passagers.
Les voyageurs furent ensuite systématiquement dépouillés de leurs biens personnels, leur dérobant argent, montres et effets les plus précieux. Une dame qui se trouvait dans le coupé fut notamment laissée sans la moindre pièce de monnaie sur elle, incapable de subvenir dès lors aux besoins de la route. Elle fut donc contrainte d’écrire à sa famille pour qu’on lui envoyât l’argent nécessaire à son voyage.
Leur crime commis, les voleurs abandonnèrent la diligence qui continua sa route, malgré le cheval blessé.
Arrivée à Pont-Royal (commune de Mallemort), elle rencontra la diligence de Lyon, conduite par M. Poulin. Informés de ce qui venait de se produire, les voyageurs lyonnais, qui allaient devoir passer par le bois des Taillades, décidèrent de faire halte et demander à des gendarmes de prendre la route avec eux dans la voiture. Précaution finalement inutile car, passant par là une heure après, ils ne furent pas inquiétés1.
De nos jours, c’est une voie moderne qui passe par ce secteur mais, au XIXe siècle, la route était bien plus difficile à emprunter, passant par des secteurs depuis non utilisés et abandonnés à la végétation, comme la route passant à l’est de Cazan à proximité du château des Taillades.

Suite de l’affaire

Il fallut attendre le mois de juin suivant pour qu’une partie de la troupe soit arrêtée par la gendarmerie, au pont de la Chèvre, près du bois des Taillades.
Mais, sans être découragés par l’incarcération de plusieurs de leurs complices, les voleurs renouvelèrent leurs attentats le 2 mars 1839, aux Biens-Neufs, près de Salon-de-Provence. Le voiturier Fabre et la malle de Toulouse furent arrêtés, mais évidemment cette tentative était dirigée contre la diligence de Toulouse, qui portait soixante mille francs en numéraire, et qui n’échappa aux brigands que par une accélération toute fortuite dans sa marche.
Les indices recueillis par la justice et quelques reconnaissances timides de la part de certains témoins qui n’osaient dire alors que la moitié de la vérité suffirent pour signaler les vrais coupables, et ce résultat fut dû en grande partie au zèle et au courage du gendarme Rieux, de la brigade de Salon. Aux débats lors du procès à la cour d’assises d’Aix en décembre 1839, les témoins devinrent plus explicites, mais quelques-uns se rétractèrent. Aussi après une discussion fort animée, malgré les dénégations opiniâtres des accusés, leurs récriminations violentes, leurs protestations énergiques, à la fin de la cinquième journée, le jury déclara coupables six des accusés. Le septième, Reyne, dont le nom n’avait même pas été prononcé dans les débats, fut acquitté. La Cour condamna les nommés Dor, Venture, Laval, Granon et Galabon, aux travaux forcés à perpétuité, et un certain Bédouin à cinq ans de la même peine. Mais avant le prononcé de l’arrêt, Dor, bien qu’il eût été emmenoté d’avance, ainsi que ses compagnons, se livra à des actes d’une telle violence qu’on dut le faire garrotter entièrement et transporter par huit gendarmes dans son cachot.

Note

1. La diligence Poulin fut bien heureuse de ne pas être arrêtée. On apprit peu après que, après le départ de la diligence Lauzier, une autre diligence, reliant Aix à Avignon, avait aussi été détroussée, mais cette fois sans qu’il fût nécessaire de tirer un coup de feu.


Voir aussi les articles Une attaque de bandits sur la route (La Fare-les-Oliviers, 13 décembre 1839) et Histoire du domaine des Taillades (Lambesc).

  • Le Mémorial d’Aix, samedi 21 décembre 1839, p. 2.

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