« Aves pitié de ce pauvre innocente »
(Marseille, 2 août 1880)

mereabandonL’an mil huit cent quatre vingt et le dix août, il résulte d’un procès-verbal de M. Jean Antoine Moulin, commissaire de police du 15e arrondissement de la ville de Marseille que le deux août, le brigadier des gardiens de la paix Wilhelm Jean-Charles, demeurant rue Gourjon, 5, s’est présenté devant ledit officier et a fait la déclaration suivante :
« Ce matin, vers 5 heures, Mme Bresson qui habite dans la même maison que moi est venue me prévenir chez moi qu’elle venait de trouver un enfant âgé d’environ deux mois, dans le couloir de la maison, rue Gourjon, 8. J’ai engagé cette femme à le garder et suis venu vous informer de cet abandon d’enfant. »
Ladite dame Bresson Marie, née Felten, âgée de 50 ans, tailleuse, demeurant dite rue Gourjon, 5, qui se présente ensuite en notre bureau avec le susdit enfant nous déclare :
« Vers 4 heures et demie, m’étant levée et mise à la croisée, j’ai entendu les vagissements d’un enfant partir du couloir de la maison, rue Gourjon, 8, en face de celle où j’habite. Je suis descendue pour voir ce que c’était et, arrivée dans la rue, un locataire qui descendait m’a crié : « Tiens ! Voilà un enfant ! » Je l’ai pris et l’ai porté chez le brigadier Wilhelm qui m’a engagé à le garder jusqu’à ce que votre bureau soit ouvert. Comme l’enfant était mouillé, je l’ai démailloté en présence du brigadier et nous avons trouvé dans les langes le billet que je vous remets. »
(Ce billet est conçu en ces termes : « Aves pitié de ce pauvre innocente i s’appella Marie Fortunato. Marseille 2 août 1880. »)
« Je ne puis fournir d’autres renseignements. »
Que lecture faite ladite dame persiste et dit ne savoir signer.
Que ledit fonctionnaire a procédé à l’inventaire des langes trouvées sur l’enfant qui était couché derrière la porte du corridor, rue Gourjon, 8, sur un morceau de toile de matelas à raies bleues et blanches.[pullquote] »Aves pitié de ce pauvre innocente i s’appella Marie Fortunato. Marseille 2 août 1880. »[/pullquote] Que l’enfant est du sexe féminin, âgée de deux mois environ. Une sangle en toile blanche l’entourait. Il était enveloppé d’un maillot en fil et coton provenant d’un vieux châle à raies d’inégale largeur rouges et vertes, d’une serviette en toile blanche avec deux raies bleues. Une pointe en indienne à raies violettes et blanches est placée autour du cou croisée sur la poitrine et liée derrière le dos. Deux bonnets couvrant la tête, celui de dessous est en piqué blanc avec un petit feston sur le bord ; celui du dessus est en coton tricoté. Un biberon en caoutchouc était dans une petite bouteille de lait.
Après ces constatations et toutes les investigations dans le quartier pour arriver à la découverte de l’auteur de cet abandon, étant sans résultat, l’enfant dont s’agit a été transporté à l’hospice de la Conception.
Nous avons reconnu que cet enfant est du sexe féminin. Nous lui avons donné le nom de Marie Fortune et l’avons fait reporter à l’hospice de la Conception.
  • Registre des transcriptions, état-civil de Marseille

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