Le vendredi 28 juin 1895, vers 18h, sur le cours Mirabeau, à Aix-en-Provence, une dame originaire de Toulon, Mme B., veuve d’un commissaire de marine, arrivée le matin même dans la ville, était en grande discussion avec deux avocats, Mes Drujon et Marcorelles, au sujet d’un procès en résiliation de bail qu’elle soutenait devant la Cour d’appel d’Aix.
Pendant cet entretien, ses deux filles, qui étaient venues avec elle, attendaient en bas du cours leur frère qui devait arriver par le train de 4h14.
Elles étaient vêtues d’une manière qui déplut à un agent de police, M. Labory, inspecteur des mœurs, qui était de ronde. Rien pourtant ne paraissait déplacé ni dans l’attitude des deux jeunes filles, ni dans leurs vêtements.
Aussitôt, celui-ci s’approche d’elles et leur fait :
“Que faites-vous là, nos belles ?”
Surprises par le ton de l’interpellation, ignorant qu’elles avaient affaire à un agent, car celui-ci était en civil, les deux jeunes femmes répondent simplement qu’elles attendaient leur mère.
“Ah oui, connue, reprend Labory. Où êtes-vous descendues ? Que venez-vous faire ?
“Nous venons pour un procès. Nous sommes arrivées ce matin et nous sommes descendues à l’hôtel de la Paix.”
Qu’elle n’est pas leur surprise en entendant l’homme leur répondre :
“Il n’y a pas d’hôtel de la Paix à Aix. Vous allez me suivre.”
Les jeunes filles protestent, émues et troublées. Finalement, l’inspecteur fait appeler des agents et, malgré les protestations des passants qui, apprenant l’histoire, sont vivement indignés, les jeunes filles sont menées au poste.
Le commissaire central comprend tout de suite l’erreur de ses subalternes. Les deux jeunes femmes, en proie au trouble, avaient en effet confondu, du fait de leurs émotions, l’hôtel de la Paix, qui se trouve à Toulon, leur ville d’origine, avec l’hôtel du Palais, qui lui se trouve bien à Aix, et dans lequel elles étaient descendues avec leur mère.
Cette dernière, affolée, les avaient cherchées partout et ne s’attendaient pas à les retrouver au poste de police. Aussi, en arrivant devant le commissaire central, celui-ci s’empresse de lui présenter ses excuses et ses regrets.
Même le maire d’Aix de l’époque, Benjamin Abram, se confondra en excuses pour la méprise de ses policiers, promettant même des sanctions pour le fonctionnaire trop zélé.