Des eaux polluées (Barrême, septembre 1893)

Le mois de septembre 1893 fut bien sévère à Barrême. Non que le climat eût été rude ; la fin de l’été avait même été plutôt agréable.
Les raisons des malheurs qu’endurèrent les Barrémois ce mois-là sont à chercher ailleurs. Plus particulièrement non loin de la fontaine principale qui alimentait le village, alors peuplé de huit cents âmes. Voilà que, dans l’été, les habitants avaient pris une sale habitude. C’est qu’il était fatigant d’aller se débarrasser de ses ordures à la sortie de Barrême et l’on avait trouvé dans le village ce petit terrain boueux bien pratique. Plus besoin de perdre du temps à aller si loin. Il suffisait de mettre ses déchets sur la charrette, de tourner une ou deux rues et hop ! on faisait comme tout le monde, les saletés les unes sur les autres et bientôt l’amas de crasse commença à prospérer.

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Mais voilà, la nature est ainsi faite que les immondices ont cette particularité de nourrir la terre, même lorsqu’elles en arrivent à l’empoisonner. Et si le terrain en question était boueux, c’était pour une bonne raison : la source d’eau qui sortait de la fontaine publique, à quelques dizaines de mètres, passait par là avant de sortir des tuyaux et de se retrouver dans les boissons des habitants.
On mit un peu de temps à comprendre pourquoi trente personnes s’alitèrent subitement, souffrant de violentes diarrhées qui rappelaient les tristes épisodes de choléra d’autrefois, mais ce fut en apprenant que, en l’espace d’une bonne semaine, treize de ces malades étaient morts que la panique s’empara des esprits. De nombreuses boutiques fermèrent, quantité d’habitants quittèrent le pays.
César Laurens, le maire du village, prit des mesures drastiques pour enrayer la marche du fléau avec l’aide du docteur Cotte. Le préfet des Basses-Alpes ainsi que les administrateurs des hospices de Marseille arrivèrent sur place pour soigner les malades et stopper la progression du mal. Les manœuvres militaires des 55e et 112e de ligne, à proximité, furent arrêtées.
Enfin, lorsque l’eau de la fontaine fut rendue propre à la consommation et que la décharge puante fut ôtée de son terrain boueux, on cessa de se plaindre de son ventre et plus aucune victime ne fut signalée.
Finalement, l’épidémie épargna les communes voisines, mais, pendant quelques semaines, Barrême avait vécu dans l’angoisse la plus noire.

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