Discours de Louis Alexis
(Rognes, 1909)

alexis« MESSIEURS,
L’heure n’est pas aux longs discours. Les grandes douleurs sont muettes. Et c’est, en effet, une douleur immense que celle qui étreint nos cœurs depuis deux jours et qui éclate en ce moment dans toutes ces poitrines et fait couler tant de larmes.
Comment ne pas être angoissé, comment retenir ses larmes en présence d’un pareil désastre, en face de tant de ruines, de tant de désolation, de tant de deuils ?
Ô destin implacable et cruel ! à quoi t’a servi de transformer les coquettes et riantes communes de ce magnifique canton en vastes nécropoles, en champs de dévastation et de mort ?
Des familles, avant-hier encore heureuses, sont aujourd’hui plongées, par ta faute, dans le plus profond désespoir. Avant de goûter un repos bien mérité, après une journée de dur labeur, le père venait, comme de coutume, d’embrasser affectueusement ses enfants, et la mère avait déposé sur leur front le baiser de son âme et de son cœur.
Pour quelques-uns, ce furent les dernières caresses, les derniers baisers !
En quelques secondes, la mort stupide glaça leurs lèvres, brisant à jamais le cœur de ceux qui survivaient.
Devant cette épouvantable catastrophe, devant ce deuil général, les partis se sont confondus, les divisions politiques se sont effacées et nous nous trouvons, à l’heure actuelle, en présence d’une population unie dans le malheur par la souffrance et par le deuil.
C’est, nous devons le reconnaître, la façon la plus noble et la plus digne d’honorer les victimes que nous pleurons. Puisse cette union persister et se perpétuer, dans l’intérêt de tous.
[pullquote]Ô destin implacable et cruel ! à quoi t’a servi de transformer les coquettes et riantes communes de ce magnifique canton en vastes nécropoles, en champs de dévastation et de mort ?[/pullquote]N’oublions pas que la plus étroite concorde nous sera toujours nécessaire pour mener à bien l’œuvre qui nous incombe à cette heure, à savoir la reconstruction, dans le plus bref délai possible, de nos habitations en ruines. Nous avons le droit de compter, à cet effet, sur les pouvoirs publics, qui ne nous abandonneront pas à notre triste sort ; mais nous fondons aussi des espérances sur les sentiments de solidarité humaine qui ne manquent jamais de se manifester à l’occasion de désastres pareils à celui que nous déplorons.
Comme représentant de ce canton à l’assemblée départementale, je n’aurai cesse ni repos que le jour où je vous aurai donné toute la mesure de mon vieil attachement à cette commune et de mon dévouement à vos intérêts.
Haut les cœurs, maintenant, et reprenons courage ! Au nom de M. le Préfet des Bouches-du-Rhône, au nom du Conseil général, en mon nom personnel, j’adresse les plus profondes et les plus vives condoléances aux familles éprouvées et je salue la dépouille des malheureux qui vont dormir dans cet asile leur éternel sommeil. »

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