Explosion à la mine des Catalans (Marseille, 11 avril 1895)

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Devant l’anse des Catalans, à Marseille, au bord du chemin de la Corniche, existaient de vastes carrières de pierres séparées par un immense mur d’une hauteur de trente mètres environ. C’était à l’extrémité de ce mur de rochers que s’étageait une partie du quartier d’Endoume dont on voyait les maisons juchées presque à la limite du précipice.
La muraille formée par le roc s’ouvrait sur le milieu par une étrange échancrure semi-circulaire indiquant que les blocs de pierre avaient été extraits sur la moitié supérieure de la paroi. On travaillait constamment à cet endroit même, considéré comme le point d’attaque le plus sûr et le plus aisé de toute la carrière. Cette carrière, située juste à côté de la carrière d’Antoine Martin, était exploitée par MM. Aubin et Argence, juste derrière la remise des tramways.
En arrivant sur le chantier ce matin-là, le contremaître Jean Fantelli et l’ouvrier Antoine Capdeville se mirent à bourrer une mine forée la veille...
En arrivant sur le chantier ce matin-là, le contremaître Jean Fantelli et l’ouvrier Antoine Capdeville se mirent à bourrer une mine forée la veille…
En arrivant sur le chantier ce matin-là, le contremaître Jean Fantelli et l’ouvrier Antoine Capdeville se mirent à bourrer une mine forée la veille dans l’arête calcaire séparant la carrière de celle de Martin.
Avait-on pris le soin de vérifier la profondeur de la cavité et de s’assurer qu’elle était terminée par une paroi résistante ?
Au moment de l’explosion, on interrompit le travail dans les deux chantiers, dans la crainte que la mine ne parte de l’autre côté et il était 7 heures précises quand le mineur Capdeville mit le feu à la mèche puis souffla dans sa corne pour prévenir les travailleurs des chantiers environnants de l’imminence de l’explosion.
À ce moment-là, une vingtaine de tailleurs de pierre étaient occupés sur le chantier Argence, derrière la mine nouvellement creusée. Habitués aux faits de ce genre, ces ouvriers ne se rendirent nullement compte du danger qu’ils couraient à rester où ils se étaient. Aussi ne se préoccupa-t-on pas de l’avertissement émis et ce fut à peine si quelques-uns, pour se prémunir des éclats de pierre inévitables, s’approchèrent de la muraille, croyant ainsi être en dehors de la trajectoire habituelle suivie par les débris.
L’attente dura cinq minutes et soudain une formidable explosion retentit et la paroi du côté de la carrière Argence ayant cédé, une grêle de pierres balaya en éventail l’entendue du chantier.
Le bruit de l’explosion fut si fort que les habitants des rues voisines sortirent à la hâte de chez eux et se rendirent à la mine.
Le bruit de l’explosion dissipé, on commença à entendre des cris de douleur qui venaient de tout côté. Peu à peu des appels désespérés déchirèrent l’air.
Le premier moment d’émotion passé, on put se rendre compte de l’étendue du malheur. Neuf hommes gisaient par terre, recouverts d’éclats de pierre et perdant leur sang en abondance.
L’un d’eux, André Bianchi, âgé de 40 ans, célibataire, qui se trouvait le plus près de l’explosion, était mort sur le coup, atteint à la nuque par une grosse pierre.
Les autres étaient blessés. Voici la liste :
  • Bernardo Bertini, 26 ans, célibataire, blessé à la jambe droite et derrière la tête, 10, rue Samatan ;
  • Pierre Ridolfi, 24 ans, célibataire, blessé légèrement au dos et au côté droit, domicilié 12, rue Barbaroux ;
  • Giuseppe Segati, 18 ans, blessé au dos entre les deux omoplates, domicilié 8, rue Barbaroux ;
  • Jean Falsetti, 51 ans, veuf, un enfant, graves blessures à la tête, au bras droit et à la jambe gauche, domicilié 55, rue Charras ;
  • Celestino Lucchesi, 46 ans, tailleur de pierres, marié, blessé à la partie supérieure de la tête, domicilié 1, rue Durand ;
  • Alfredo Lucchesi, son fils, 18 ans, grièvement blessé au front, au côté droit, à la cuisse droite, même adresse ;
  • François Tatto, 23 ans, blessé à la tête et au bras, domicilié 11, rue de Cassis ;
  • Et Joseph Estardi, 25 ans, blessé au visage, l’œil gauche crevé, domicilié 19, rue Châteaubriand.
Comme aucune réponse ne lui parvenait, il éprouva une vive angoisse : « Mon fils est mort, sans quoi il parlerait… »
Comme aucune réponse ne lui parvenait, il éprouva une vive angoisse : « Mon fils est mort, sans quoi il parlerait… »
Celestino Lucchesi, un des blessés, cherchait désespérément son fils dans les décombres et criait :
« Alfred, où donc es-tu tombé ? »
Comme aucune réponse ne lui parvenait, il éprouva une vive angoisse :
« Mon fils est mort, sans quoi il parlerait… »
On eut toutes les peines du monde à calmer le pauvre homme, transporté chez lui rue Durand dans un état de surexcitation, qui fit craindre un moment pour sa santé mentale.
Falsetti aussi avait un fils sur le chantier mais, par chance, il ne s’était pas présenté sur le chantier le matin de l’accident.
À cette liste il convient d’ajouter un homme qui était venu le matin même sur le chantier à la recherche d’un travail et qui, horriblement blessé au visage, commençait à râler quand on le transporta d’abord à la pharmacie Monges puis à la caserne Saint-Victor pour y être pansé par le major. Malheureusement, ces plaies étaient béantes et il y avait peu d’espoir de le sauver. Il fut donc mis sur une civière et admis à l’Hôtel-Dieu, salle Cauvière, lit no 17 mais, à 15 heures, il expirait. Sans certitude sur son nom, il semblerait qu’il s’agisse de François Boero, 36 ans, un ouvrier terrassier à la barbe et la moustache blondes qui avait pris logement dans un restaurant au 26 de la rue des Chapeliers.
On prévint aussitôt le commissaire de police, M. Dugat-Estublier, ainsi que les gendarmes de la brigade d’Endoume.
On imagine combien l’événement a jeté la stupeur sur la ville de Marseille dès que la nouvelle a été connue. Toute la matinée, une foule nombreuse ne cessa de stationner aux abords de la carrière.
  • Source : La République du Var, 13 avril 1895, p. 2 ; Le Petit Marseillais, 12 avril 1895, p. 2.

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