Jean Maynier d’Oppède (1495-1558), premier président du Parlement d’Aix

Jean Maynier d'Oppède, gravure de 1724 par Cundier.
Jean Maynier d’Oppède, gravure de 1724 par Cundier.
Jean May­nier, ba­ron d’Op­pède, est né à Aix le 10 sep­tem­bre 1495.
Fils d’Ac­curse May­nier, am­bas­sa­deur de France à Ve­nise, il fut con­seil­ler au par­le­ment d’Aix en 1522, pre­mier pré­si­dent (20 dé­cem­bre 1543) et lieu­te­nant gé­né­ral de Pro­vence (26 fé­vrier 1544). Ce ma­gis­trat s’est acquis un tragique célébrité par son conduite envers les Vaudois.
Depuis le XIIIe siècle, quelques membres de cette secte religieuse vivaient dans les vallées des Alpes, entre le Dauphiné et la Savoie où, s’adonnant à l’agriculture, ils enrichissaient les seigneurs du pays qui les avaient accueillis et qui leur avaient distribué des terres. Malgré quelques procédures intentées par le Parlement de Grenoble, ils avaient prospéré et professaient paisiblement leurs croyances lorsque les prêches de Luther en Allemagne et en Suisse leur donnèrent un nouvel élan et les portèrent imprudemment à la propager autour d’eux. Cabrières, dans le Comtat Venaissin, Mérindol et une trentaine de villages en Provence leur servaient de retraite.
Leur conduite ayant décidé François Ier à rendre contre eux, en 1535, un édit rigoureux, ils prirent les armes et, après avoir ravagé la plaine, s’emparèrent dans les montagnes de quelques châteaux où ils se fortigièrent pour se défendre contre les gens de justice si l’on essayait de mettre l’édit royal à exécution. Des ordres réitérés du roi pour exterminer les Vaudois restèrent sans effet ou ne firent que les exaspérer.
Martin Luther en 1526. Portrait peint par Lucas Cranach l'Ancien. Coll. part. Hambourg.
Martin Luther en 1526. Portrait peint par Lucas Cranach l’Ancien. Coll. part. Hambourg.

Enfin, en 1545, le roi expédia de nouvelles lettres patentes. Ce fut Jean Maynier qui s’en chargea. Il se mit en relation avec le capitaine Paulin, plus connu sous le nom de baron de La Garde, qui mit à sa disposition deux mille hommes de bandes qu’il avait amenées du Piémont.

Le Parlement, toutes chambres réunies, nomma ensuite pour l’assister le président de La Fonds, les conseillers Badet et de Tributs et l’avocat général Guillaume Guérin. Le premier président, en l’absence du comte de Grignan, prend en personne le commandement des troupes et envahit le territoire des Vaudois qui se retirent dans les bois. Ils ne laissent dans les villages que les vieillards, les malades, les femmes et les enfants.
Sans pitié, Maynier les fait passer par le fil de l’épée et leurs maisons sont livrées aux flammes. Mérindol, complètement désert, est pillé et incendié.
Puis, renforcée de troupes expédiées par le vice-légat d’Avignon, avec du canon, l’armée se dirige sur Cabrières. Les Vaudois, retranchés dans le village, se rendent dès le second jour du siège, et une trentaine d’entre eux sont mis à mort.
En se retirant à Cavaillon, Maynier donne l’ordre à quelques gentilshommes de sa suite de retirer d’entre les femmes et les enfants qu’on avait enfermés dans l’église tous ceux qu’ils pourraient disposer à embrasser le catholicisme. Mais, au mépris de la capitulation, le commandant des troupes avignonnaises fait massacrer sans pitié non seulement les hommes qu’on avait entassés dans le château, mais tout ce qui restait de femmes dans l’église, après avoir exercé sur elles des violences. Au total, on estime le nombre des victimes à environ 3 000. 670 hommes sont envoyés aux galères.
Le reste des Vaudois qui s’étaient réfugiés dans les bois y moururent de faim ou, dans quelques rares cas, parvinrent à fuir pour Genève et les cantons protestants.
Le pape Paul III. Auteur inconnu. DR.
Le pape Paul III. Auteur inconnu. DR.

Maynier n’avait fait qu’exécuter les ordres de François Ier. Pourtant, quand la France apprit la nouvelle, elle fut stupéfaite des horreurs causées. Maynier, lui, fut créé chevalier de l’Éperon d’or et comte palatin par le pape Paul III. Cependant, sur la plainte de Françoise de Bouliers, dame de Cental, le roi commença par donner des juges aux parties.

Après que l’affaire eût traîné près de quatre ans avant de pouvoir être plaidée sur le fond, il ordonna par lettres patentes du 17 mars 1551 qu’elle serait jugée par la grande chambre du parlement de Paris. La cause occupa cinquante audiences successives. Le premier président d’Oppède, les quatre commissaires pour l’expédition de Mérindol, le baron de La Garde et la dame de Cental eurent chacun son avocat.
Hôtel Maynier d'Oppède à Aix-en-Provence, rue Gaston-de-Saporta. © Lsmpascal, 2011, Creative Commons paternité – partage à l’identique 3.0 (non transposée)
Hôtel Maynier d’Oppède à Aix-en-Provence, rue Gaston-de-Saporta. © Lsmpascal, 2011, Creative Commons paternité – partage à l’identique 3.0 (non transposée)
Mais celui qui parla le mieux fut Maynier lui-même qui se défendit avec force logique par un plaidoyer écrit, commençant par les mots : « Judica me, Deus, et discerne causam meam de gente non sancta », tirés du psaume 42. Il y signifiait n’avoir fait qu’exécuter les ordres précis reçus du roi et comparait sa situation à celle de Saül, à qui Dieu avait oronné d’extérminer les Amalécites. Finalement tous les accusés furent acquittés et réintégrés dans leurs fonctions à l’exception de l’avocat Guillaume Guérin qui, convaincu de faux, eut la tête tranchée sur la place de Grève. Maynier dut toutefois s’acquitter de dommages à payer à des survivants du massacre.

Jean Maynier d’Oppède est l’auteur d’une traduction en vers de six triomphes de Pétrarque.
Il meurt à Aix le 29 juillet 1558 d’une maladie de la vessie.

Bibliographie

• Ferdinand Hoefer (dir.), Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, Paris, Firmin Didot frères, 1862, tome 38, p. 712-714.
• Jacques Aubéry, Histoire de l’exécution de Cabrières et de Mérindol et d’autres lieux de Provence. Présentée et annotée par Gabriel Audisio, Aix-en-Provence, Association d’études vaudoises et historiques du Luberon, diffusion Édisud, 1982, 295 p.
Pithon-Curt, Histoire de la noblesse du Comté-Venaissin, d’Avignon et de la principauté d’Orange, chez David jeune et Delormel veuve et fils, in-quarto, Paris, 1750.
• Jean-François de Gaufridi, Histoire de Provence, chez Charles David, Aix, 1694.

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