« Ce jourd’hui trente janvier mille sept cent quatre vingt treize, l’an 2e de la République française, nous Jean André Devest, juge de paix de ce canton et officier de police des Baux, ayant été averti ce matin environ sept heures par Honoré Brunel, baille du citoyen Roque Clausonete, propriétaire du mas et tenement de Boutonnet, situé en ce canton, paroisse de Maussane, qu’un homme était noyé dans un puits qui se trouve construit dans un pré qui est au nord dudit mas de Boutonnet, en compagnie des citoyens Nicolas Minjal et Jean Honoré, notables du conseil général de la commune des Baux, du citoyen Pierre Aude, notre greffier, du citoyen Jean Louis Trenquier, secrétaire greffier de cette commune, du citoyen Jean Picard, chirurgien de cette commune, des citoyens Thomas Ripert, travailleur, François Damurant, tisseur à toile du Pont du Beauvoisin, dans la ci-devant province du Dauphiné, et Jean Louis Destau, aussi tisseur à toile de la ville de Bordeaux, paroisse de Saint-Surin, tous les trois habitants dans celle dudit Maussane, nous nous sommes rendu audit mas de Boutonnet où, étant arrivé environ les onze heures et demy, ce jourd’hui matin, nous nous sommes approchés dudit puits, qui est placé dans le pré déjà désigné et au bord d’iceluy du côté du couchant et à quelque pas de la rive du nord dudit pré qui est tanqué dans cette lcalité et bâti en dehors et hauteur du pré en pierres de taille, à la façade d’iceluy et beaucoup plus élevé du côté du nord du pilon en pierre de taille traversé par une traverse en forme de potence destinée à soutenir la potence et à la superficie de l’eau, nous avons aperçu un homme dont la tête et le corps plongeaient dans l’eau, dont on distinguait le derrière, les jambes et les pieds ainsi que la main droite qui flottait dans l’eau, dont il a été retiré tout de suite de notre ordre par les citoyens Thomas Ripert, François Damurant et Jean Louis Destau avec les cordes qui lui ont été fournies par les gens du ménage de Boutonnet et a été reposé sur ledit pré au midi dudit pré à la distance d’icelui et deux petites pierres de taille étaient attachées au col du cadavre par le moyen d’une chaîne en fer. Nous ne pouvons quant à présent dire quelle est la longueur de cette chaîne.
À un des bouts de la chaîne est un anneau en fer en forme de neuf. le dernier bout de la chaîne venait ensuite dans un trou qui était pratiqué à chacune des dites pierres et au milieu de leur surface de la chaîne venait ensuite se joindre. Il était arrêté au milieu par un cadenas fermé à clé, laquelle nous n’avons pas trouvée jointe à icelui. La distance du col aux pierres était d’environ un pan et demi (…). La tête du cadavre était couverte d’une coiffe de toile blanche, un peu ensanglantée. les cheveux du cadavre sont noirs et attachés par dernier (1) par un galon violet, un cornet de cadis non usé et boutonné devant par trois gros boutons et un autre cornet sans manche et au-dessous de l’autre et tout neuf, une paire de culottes de cadis conforme à celui du cornet de dessous.
Elles sont attachées derrière par un galon violet et boutonnées devant par deux boutons de la même étoffe et un de corne et en bas de la culotte et se trouve attaché par un bouton de la même étoffe et une jarretière de chaque côté avec une boucle de fer. Ses jambes sont chaussées par une paire de bas de laine gris blanc, sans pied, et d’une guêtre de peau boutonnée à chaque côté tout au long par une jarretière de peau en dessus attachée par une boucle de fer et à chacun de ses pieds un soulier de vache blanche qui était liée par-dessus le pied avec une courroie par-dessous ses vêtements.
Le cadavre avait encore une chemise de toile. La taille du cadavre était d’environ cinq pieds (2). Il a été trouvé dans la poche du côté droit de son cornet de dessus un mouchoir blanc en fil et coton avec une grande pente violette alentour, un tour de point de cadis noir doublé de toile à tache par deux petits boutons chacun. Dans le gousset (3) droit de la culotte ont été trouvées deux petites clefs qui n’ont pu ouvrir la serrure du cadenas dont il a déjà été parlé. Il a été trouvé quatre pièces d’un sol (4) dans cette petite poche, il a été trouvé une lettre portant l’adresse suivante : « Au citoyen – Citoyen Pierre Orèpe – Au Cros – ici une ligne n’est pas lisible (sic) – du Dençon». L’intérieur de la lettre est conçu en ces termes : « de Maillane le 16eme décembre lan de la république francoise citoyens avant que de faire de frais, je veu vous avertir que si vous etes prêt à rendre la docte de m’asseoir dès aujourd’hui de me faire reponche au plus car au premier jour nous devons assembler pour nomer arbitre andre coste », signé à l’original de cette lettre qui est sur une demie-feuille, a été paraphée « ne varietur par nous ».
Et les citoyens Minjal et Honora notables viennent en suite les déclarations des témoins, desquelles il résulte que le cadavre dont s’agit est celui de Pierre Orèpe, travailleur de ce terroir, paroisse de Mouriès et demeurant quartier du Devenson. C’est sur cette dénomination que le juge de paix a ordonné que soit inhumé, ainsi qu’il conste par sondit procès-verbal… »
À un des bouts de la chaîne est un anneau en fer en forme de neuf. le dernier bout de la chaîne venait ensuite dans un trou qui était pratiqué à chacune des dites pierres et au milieu de leur surface de la chaîne venait ensuite se joindre. Il était arrêté au milieu par un cadenas fermé à clé, laquelle nous n’avons pas trouvée jointe à icelui. La distance du col aux pierres était d’environ un pan et demi (…). La tête du cadavre était couverte d’une coiffe de toile blanche, un peu ensanglantée. les cheveux du cadavre sont noirs et attachés par dernier (1) par un galon violet, un cornet de cadis non usé et boutonné devant par trois gros boutons et un autre cornet sans manche et au-dessous de l’autre et tout neuf, une paire de culottes de cadis conforme à celui du cornet de dessous.
Elles sont attachées derrière par un galon violet et boutonnées devant par deux boutons de la même étoffe et un de corne et en bas de la culotte et se trouve attaché par un bouton de la même étoffe et une jarretière de chaque côté avec une boucle de fer. Ses jambes sont chaussées par une paire de bas de laine gris blanc, sans pied, et d’une guêtre de peau boutonnée à chaque côté tout au long par une jarretière de peau en dessus attachée par une boucle de fer et à chacun de ses pieds un soulier de vache blanche qui était liée par-dessus le pied avec une courroie par-dessous ses vêtements.
Le cadavre avait encore une chemise de toile. La taille du cadavre était d’environ cinq pieds (2). Il a été trouvé dans la poche du côté droit de son cornet de dessus un mouchoir blanc en fil et coton avec une grande pente violette alentour, un tour de point de cadis noir doublé de toile à tache par deux petits boutons chacun. Dans le gousset (3) droit de la culotte ont été trouvées deux petites clefs qui n’ont pu ouvrir la serrure du cadenas dont il a déjà été parlé. Il a été trouvé quatre pièces d’un sol (4) dans cette petite poche, il a été trouvé une lettre portant l’adresse suivante : « Au citoyen – Citoyen Pierre Orèpe – Au Cros – ici une ligne n’est pas lisible (sic) – du Dençon». L’intérieur de la lettre est conçu en ces termes : « de Maillane le 16eme décembre lan de la république francoise citoyens avant que de faire de frais, je veu vous avertir que si vous etes prêt à rendre la docte de m’asseoir dès aujourd’hui de me faire reponche au plus car au premier jour nous devons assembler pour nomer arbitre andre coste », signé à l’original de cette lettre qui est sur une demie-feuille, a été paraphée « ne varietur par nous ».
Et les citoyens Minjal et Honora notables viennent en suite les déclarations des témoins, desquelles il résulte que le cadavre dont s’agit est celui de Pierre Orèpe, travailleur de ce terroir, paroisse de Mouriès et demeurant quartier du Devenson. C’est sur cette dénomination que le juge de paix a ordonné que soit inhumé, ainsi qu’il conste par sondit procès-verbal… »
- Pour en savoir davantage sur les dernières heures de Pierre Orèpe, lire L’assassinat de Pierre Orèpe, berger de Mouriès (1793).
(1) Entendre « derrière ». L’utilisation de « dernier » à la place de « derrière » est très fréquente à cette époque en Provence.
(2) Un peu plus de 1,60 mètre.
(3) Gousset : « bourson qu’on met en dedans de la ceinture de la culotte ». (Dictionnaire de l’Académie française, 1762, p. 829.) Le bourson est une petite poche au dedans de la ceinture d’un haut-de-chausse (ibid., p. 205.)
(4) En terme de pouvoir d’achat, un sol, à l’équivalent, équivalait à environ un euro d’aujourd’hui.