La noyade d’un enfant (Château-Ville-Vieille, 10 juillet 1799)

« Le 22 messidor de l’an sept de la République française et indivisible faisant partie des cantons de Ville-Vieille, département des Hautes-Alpes, a comparu devant nous Jacques Missimilly, juge de paix dudit canton, le citoyen Chaffré Audier du lieu de Souliers, lequel nous ayant dit que Pierre Nel, fils de Pierre, du lieu de Château-Queyras, résidant au Clot du Vif [?] de ladite commune, âgé d’environ neuf ans, a eu le malheur en passant près du ruisseau qui est à côté dudit lieu du Clot du Vif, étant au bord dudit ruisseau, l’eau ayant écrasé la terre par-dessous a occasionné un écoulement qui a entraîné ledit Pierre Nel dans ledit ruisseau qui l’a noyé et que, n’ayant pu le tirer tout de suite, le ruisseau se trouvant par la pluie abondante tombée la veille d’une grosseur à ne pouvoir lui donner les secours nécessaires, ledit Nel a été entraîné par la grosseur et la rapidité de l’eau d’un éloignement d’environ deux lieues de manière que cet enfant a resté environ demi-heure dans l’eau et qu’on l’a tiré mort du ruisseau et qu’ayant été conseillé de venir donner le présent avis et le comparaissant ayant été interpellé de signer sa présente comparution et répondu ne savoir signer.

Vue générale de Château-Ville-Vieille. DR.

Vue générale de Château-Ville-Vieille. DR.

« Sur quoy, nous juge de paix susdit, nous sommes tout de suite transporté de notre domicile situé au dit lieu d’Arvieu au lieu de Château-Queyras où nous avons requis le citoyen Jean Pierre Philip, officier de santé à l’hôpital militaire de Fort-Queyras à l’effet de nous accompagner au lieu du Clot du Vif assisté du citoyen Joseph Bourcier, président de l’administration municipale de ce lieu et d’Étienne Bosq, aubergiste, où étant, nous avons trouvé le cadavre en question et après l’avoir examiné en présence des susnommés, nous avons remarqué qu’il est âgé d’environ huit à neuf ans lequel étant encore au bord du ruisseau, avons de suite requis ledit officier de santé de procéder à la vérification du cadavre pour reconnaître s’il n’a aucune plaie ou quelque coup donné malicieusement qui puisse avoir été cause de la chute, ledit Pierre Nel présenté nous ayant assuré que personne n’a tenu tort ni occasionné […] que vient d’éprouver son fils et que ce n’est qu’un fait de jeunesse et d’imprudence qui l’a conduit au bord du ruisseau et au éboulement qui lui a manqué de dessous les pieds qui l’a entraîné dans le ruisseau par le rapport que lui en a fait Claude Nel, son autre fils, âgé d’environ trois ans et demi, était avec celui qui s’est noyé et qu’il n’a aucun soupçon qu’on lui ait fait et attendu que l’effet de la mort dudit Pierre Nel est connue et que rien n’empêche qu’il ne soit inhumé, nous avons en conséquence permis que le cadavre cy-dessus soit inhumé et avons dressé le présent pour servir et valoir à ce que de droit et avons signé avec ledit Joseph Bourcier et Étienne Bosq. »

[signatures]
  • Registre paroissial de Château-Ville-Vieille
  • Texte transcrit par Christiane Gosset