Monsieur le Maire(1),
Lorsque le soin de nos études nous force de quitter la tutelle de nos parens, nous sommes placés d’une façon spéciale, sous celle de nos professeurs et des magistrats. Nous aimons à invoquer leur double secours, parce que les hommes honorables, chargés de notre instruction, accomplissent leurs fonctions au nom de nos parens et de la société, et que les magistrats comprennent que toute la sollicitude de la loi est due aux jeunes gens, qu’elle doit particulièrement protéger, afin qu’ils s’accoutument à la respecter.
C’est à cause du respect pour la loi, de la confiance que nous avons dans les personnes qu’elle place au-dessus de nous, que nous recourons à leur intervention tutélaire afin qu’elles réparent les violations qui sont faites à nos droits et qu’elles en préviennent de nouvelles.
Ainsi, Monsieur, c’est à vous que je suis venu me plaindre de la brutalité d’un agent de la police et de l’arrestation illégale que m’a fait subir un autre de ces agens. L’impartialité avec laquelle vous avez reconnu leur tort, la réprimande que vous leur avez aussitôt adressée afin que nous ne soyons plus exposés à de semblables actes de violence et d’arbitraire; le désir que j’ai d’étouffer, dans l’intérêt de la tranquillité publique, les principes d’irritation que les actes illégaux soulèvent, m’ont engagé à me désister de la poursuite que j’avais résolu d’intenter. Si j’en étais venu à ce moyen extrême que les lois mettent entre mes mains, c’eut été sans aigreur, sans esprit de vengeance, mais dans le seul but de veiller au maintien de mes droits.
Si je l’abandonne, c’est uniquement parce que j’espère atteindre le même but, par la voie de la publicité que j’adopte aujourd’hui. Car si nous devons dans toutes les circonstances de la vie tenir à notre titre de Français, c’est peut-être encore plus au moment où la vie publique va s’ouvrir pour nous, afin que nous conservions toujours cette qualité intacte; et que les devoirs de citoyens qui nous seront imposés trouvent en nous des hommes qui les apprécient et qui les accomplissent avec prudence et fermeté.
J’ai l’honneur d’être,
Monsieur le Maire,
votre très humble et très obéissant serviteur.
[Cauvet, étudiant]
(1) Le maire d’Aix-en-Provence est alors Joseph Chambaud.
- Sources : Archives communales d’Aix-en-Provence, I1,50, lettre manuscrite.