L’assassinat de la sorcière (Valensole, 23 mars 1839)

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Alors que le département des Basses-Alpes bruissait encore de l’assassinat d’un maréchal-ferrant à Fontienne en mars 1839, on apprit qu’un autre crime avait été commis non loin de là, à Valensole, quelques jours plus tard.
Dans ce village perché sur sa colline, Élisabeth Guichard était bien connue de tous. Cette veuve de soixante-treize ans, originaire de Saint-Jurs, dans le canton de Moustiers-Sainte-Marie, s’était installée à Valensole quand elle avait épousé son homme, Joseph Dolléon, cinquante ans plus tôt. Si elle était bien connue des Valensolais, c’est surtout qu’elle suscitait chez eux des avis très contrastés : gué­risseuse pour les uns, sorcière pour les autres, ni l’un ni l’autre pour les esprits plus cartésiens. Ajoutez à cela son allure de petite vieille recroquevillée sur elle-même en raison du poids des ans et des douleurs articulaires, la dame était une sorte de célébrité locale.
Son état lui valait forcément de vives inimitiés. Ainsi, lors­que les bêtes d’un paysan mouraient, on en imputait la responsabilité à la sorcière. Quand un enfant naissait dif­forme, on la montrait aussi du doigt. Du coup, on évitait de croiser son chemin ou de lui adresser des regards soup­çon­neux pour ne pas encourir une quelconque vengeance de la vieille femme.
Le 23 mars 1839, on la retrouva assassinée dans un petit bois vallonné à mi-chemin entre Valensole et Riez. Élisabeth Guichard avait reçu au visage les coups d’une curette de charrue qui l’avait tuée en quelques minutes. Par chance, un témoin avait assisté au crime : un meunier de Valensole qui se trouvait dans le même bois et qui alla dénoncer le coupable, un nommé Joseph Garret, fermier du domaine du docteur Chaudon, à Valensole.
Présenté au juge de paix, Garret reconnut im­mé­dia­te­ment son crime ou du moins n’eut-on pas trop de difficulté à le faire avouer. L’homme, toutefois, sous-entendait que la disparition de la sorcière rendait bien service à la communauté tant Élisabeth Guichard était haïe. Lorsqu’on lui demanda la raison qui l’avait poussé à ce geste fatal, sa réponse fut toute trouvée : « Dans le pays, la veuve Dolléon passe pour jeter des maléfices sur les bestiaux. Moi-même j’en ai beaucoup perdu en peu de temps. J’ai tué la sorcière pour détruire ses charmes. »
La vindicte populaire avait eu raison de l’esprit dérangé du fermier qui s’était imaginé chargé d’une mission qui mènerait à l’exécution d’une justice expéditive sur une pauvre vieille. Élisabeth Guichard fut inhumée au cimetière de Valensole.

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