Le cabaret, lieu de rencontre des hommes de la communauté

cabaret-bouchonTous nos ancêtres masculins se sont, un jour ou l’autre, retrouvés dans un cabaret, quand ils n’en étaient pas de fervents habitués. Ce lieu où tous les hommes de la communauté se rencontraient une fois la journée de labeur terminée existait dans tous les villages. Il s’agissait généralement de la maison d’un particulier.

Si, dans son dictionnaire (1606), Jean Nicot se contente d’associer le cabaret au terme latin popinatio, les dictionnaires de l’Académie Française donnent de plus abondantes définitions. Celui de 1694 définit le cabaret comme une « taverne, une maison où l’on donne à boire et à manger à toutes sortes de personnes en payant. » Le dictionnaire de 1798 donne une définition identique, en remplaçant « en payant » par « pour de l’argent ». Cela peut laisser entendre qu’il arrivait à la fin du XVIIe siècle de régler ses notes de boissons par des paiements en nature. En revanche, la notion de « cabaret » ayant un sens de « buvette » est, elle, beaucoup plus ancienne. On trouve le terme dans les dictionnaires d’ancien français depuis au moins 1330.

Avant d’aller plus loin, il conviendra de ne pas confondre le cabaret et l’auberge. Cette dernière offre le gîte, ce que ne fait point le cabaret.

On mettait généralement en guise d’enseigne un rameau de verdure, appelé le « bouchon », au-dessus de l’entrée du cabaret pour le signaler aux passants. Ce terme de « bouchon » devint naturellement un synonyme au mot « cabaret ». On allait « au bouchon ».

La mauvaise réputation des cabarets

De tout temps, les ordonnances se sont multipliées pour lutter contre la fréquentation des cabarets (1). C’est que le lieu est loin d’avoir bonne réputation. On parle souvent de « cabaret borgne » pour désigner un « cabaret non seulement (…) fort obscur, mais (…) mauvais » (2). Des gens de toutes sortes les fréquentent, des ribauds, des fainéants, des vagabonds, des travailleurs des champs. On y mange, on y boit. De fait, les accrochages s’ensuivent et il n’est pas rare que le cabaretier se paie sur la personne du mauvais payeur. Du coup, les bagarres y sont légion et les archives judiciaires regorgent de rixes dont l’origine se trouve dans un cabaret (3). Pour les autorités, le cabaret est considéré comme un lieu de vice où les chefs de famille se ruinent, eux et leurs enfants, et épuisent leur santé. Cette raison est souvent évoquée dans les ordonnances et semble correspondre à une réalité. Les épouses des habituées des cabarets passent toutes leurs soirées et une partie de leurs nuits seules avec leurs enfants, tandis que l’homme est à boire, fumer et jouer. Plusieurs documents présentent des femmes allant relancer leur mari jusqu’au cabaret.
Diverses solutions sont donc régulièrement évoquées. On interdit souvent l’ouverture des cabarets tard dans la nuit, pour éviter que les hommes ne rentrent ivres chez eux à une heure avancée. Parfois, c’est l’interdiction pure et simple de tout cabaret, auberge, taverne ou bouchon, même si l’on tolère la vente de vin à pot aux personnes qui le portent chez elles. Dans certains lieux, les cabarets et auberges sont réservés aux étrangers et interdits aux gens du lieu.
Les lieux et les habitudes ont évolué au fil des décennies et des siècles et le cabaret a fait place à la fin du XIXe siècle à la buvette et au bar. Ce nom de « bar » doit son origine à l’anglais bar (« barre de comptoir »), mais ne s’est-il pas fait une place dans le vocabulaire français grâce à son analogie avec le terme « cabaret »?


1. Un exemple des nombreux arrêtés concernant la réglementation des cabarets se trouve à la page « L’ordonnance sur les cabarets » (Puyricard, 1774).
2. Dictionnaire de l’Académie Française, 1694.
3. Un exemple de rixe ayant vu le jour dans un cabaret se trouve à la page « Rixe au village » (Montgardin, 1746)

Illustration : DR.