Le chien qui mordait (Aix-en-Provence, 22 septembre 1778)

  • Archives communales d’Aix-en-Provence, FF95.
« Du dit jour, Claire Besson, épouse du sieur Brunier, maître maçon de cette ville, a exposé au même bureau de police que le vingt-deux du courant, elle s’étoit présentée à nous portant plainte que ce dit jour, environ à deux heures de relevée, elle avoit failli être écrasée avec sa fille encore à la mamelle et dans ses bras par des mulets chargés de raisins à la rue du Mouton ; que son mari accourut à son secours et, tandis qu’il étoit en contestation à ce sujet avec le muletier qui conduisoit les dits mulets, un gros chien apartenant à la nomée Peirote, revendeuse demeurant au dit quartier, avoit accouru sur son mari, et lui avoit mordu violemment le gras de jambe, sans etre excité par son mari, ni par personne ;
Que cette morsure étoit cruelle, la blessure tres considerable, en ayant decoulé une grande quantité de sang, ce qui fit tomber son mari dans un évanouissement, ainsi que le tout nous avoit été attesté le dit jour vingt deux septembre, par plusieurs voisins temoins de ces faits, et qui etoient venus au bureau de police avec elle, qui avoient aussi attesté que le dit Brunier, son mari, avoit été porté tout de suite dans son lit, qu’étant revenu à lui, il faisoit de grands cris à mesure qu’il fallut le panser, attendu que sa jambe etoit toute ensanglantée, qu’on voyoit la chair vive dans la partie mordue, ce qui lui avoit donné la fievre, craignant d’ailleurs que le chien ne fut enragé ; les dits voisins nous ayant aussi assurés que le chien etoit mal faisant, causant depuis long temps des allarmes dans tout le quartier.

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Que nous avions tout de suite ordonné verbalement à Chabran et Jansard, deux de nos gardes de police, d’aller saisir le dit chien dans la maison de la dite Peirote et de l’amener à l’hôtel de ville pour le tuer sur le champ ; que les gardes nous avoient raporté qu’ils n’avoient pas trouvé la dite Peirote à sa maison, sa boutique étant fermée, les locataires les ayant assurés qu’elle etoit partie avec son chien et que nous avions de nouveau ordoné à ces gardes d’executer nos ordres quand l’occasion s’en presenteroit, que le vingt six du dit mois, la dite Peirote a fait aporter à l’hôtel de ville le chien mort, en faisant déclarer qu’elle l’avoit fait tuer elle même, lequel a eté reconu pour etre le meme par les sieurs Bonpuis père et fils, voisins de la dite Peirote et par plusieurs autres personnes et que nous avions ordoné à nos gardes d’avertir la dite Peirote de comparoître au bureau ; et l’exposante a reclamé la justice du bureau pour ses domages interets contre la dite Peirote.
Sur quoi au présent bureau le nomé Peirote, domestique, mari de la dite Peirote, comparoissant a dit qu’il reconoit que sa femme s’est rendue reprehansible de n’avoir pas obei à nos ordres, que cependant elle a fait reellement tuer son chien, mais qu’il promet pour elle qu’elle payera au dit Brunier ses domages et interets.
Nous, maire, consuls et assesseut lieutenants generaux de police, oui le procureur du roi, usant d’indulgence envers la dite peirote, à raison de sa desobeissance, lui avons fait inhibitions et deffenses, et à tous autres, de tenir des chiens malfaisans à peine d’amande et d’en etre informé, sauf au dit Brunier de se pourvoir pour ses domages et interets pardevant qui de droit.
Fait à Aix au dit bureau de police le 30 septembre 1778. »

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