Le mariage mouvementé de Louis et Marguerite (Lambruisse, 20 décembre 1883)

Louis Reboul, fringant cultivateur de trente et un ans, originaire de La Bâtie, un hameau de Thorame-Basse (Alpes-de-Haute-Provence), a un jour rencontré cette jolie fille de Lambruisse, de l’autre côté de la montagne de l’Issole, Marguerite Chailan. Quelle jolie demoiselle ! Et rapidement, les deux jeunes gens se sont entendus pour se prendre en mariage. À peine âgée de vingt-cinq ans, Marguerite est du genre que l’on appelle volontiers un beau brin de fille. Si belle d’ailleurs que le brave Louis se met à regarder d’un bien mauvais œil tout individu de sexe masculin qui s’approche un peu trop près de sa conquête.

lambruisse

Mais le mariage va finir par arriver et, par un petit matin de mi-décembre 1883, notre paysan débarque dans sa future famille pour y achever les préparatifs de l’union. Son futur beau-père, Jean-Baptiste Chailan, cultivateur comme lui, veuf depuis six ans, prête à son futur gendre une chambre à l’étage dans laquelle il pourra stocker ses affaires qui serviront au mariage. Qu’il est agréable de voir que les choses prennent forme ! Louis pense à sa chance d’épouser la belle Marguerite, sort de sa poche les deux cents francs qu’il a patiemment économisés ces derniers mois et les cache sous le matelas. « Ah, il va être étonné, le père Chailan, de voir ma dot ! » Puis il sort de sa valise son beau complet et sa superbe paire de bottes. Il les regarde un long moment, fier de lui. Marguerite a bien de la chance d’épouser un si bel homme !
Puis il ferme le loquet, redescend au rez-de-chaussée et prend le repas en compagnie des Chailan. Enfin, il prend congé et rentre à La Bâtie y vivre ses derniers jours de célibataire.
Le 20 décembre, jour du mariage, est arrivé. Voici Louis arrivant sur son mulet, accompagné de ses amis (ses pauvres parents ne sont plus de ce monde) et d’une bonne partie des habitants de son hameau. Pendant que les présentations se font, Louis s’éclipse quelques instants, glisse un baiser dans le cou de la belle Marguerite puis monte quatre à quatre les marches de l’escalier pour aller s’habiller. Il défait le loquet et, dans un mouvement d’horreur, s’aperçoit que son complet a disparu, ainsi qu’une botte (une seule !). Il soulève le matelas et constate, en manquant de se pâmer, que ses deux cents francs ne sont plus là.
L’événement n’aura pas empêché le brave Louis et la jolie Marguerite de se marier, mais le pauvre paysan avait bien piètre allure dans ses frusques usées, face à Antoine Granier, l’adjoint au maire. Et pendant longtemps, il disait à qui voulait l’entendre que le voleur était forcément un jaloux qui voulait épouser Marguerite à sa place.
  • Photographie : Village de Lambruisse. DR.

 

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