L’église d’Auriol à travers quatre années de sépultures (1673-1676)

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Dans les différentes sources d’informations qui permettent de retracer l’histoire de l’église d’Auriol et du patrimoine religieux de la commune, il en est une qui n’est certainement pas à négliger : les registres paroissiaux. L’histoire existe car des Hommes l’ont faite et vécue. On parle volontiers des gens « importants » qui ont marqué cette histoire, mais n’oublions pas les hommes, les femmes, les enfants, toutes ces ouailles fortement attachés à leurs bâtiments religieux où ils étaient baptisés, mariés, voire même enterrés. A quoi aurait servi une église si personne ne l’avait fréquentée ? Seuls les registres paroissiaux renferment tous les noms des habitants qui franchirent la porte de l’église pour y recevoir un sacrement.
Jusqu’en 1792, ce sont les prêtres qui tiennent en double exemplaire les registres de Baptêmes, Mariages, Sépultures (appelés aussi BMS).
Après 1792, tous ces BMS seront obligatoirement versés en mairie et aux archives départementales (AD). Une paroisse peut, mais rarement, en avoir conservé un troisième exemplaire.
Les registres conservés en mairie d’Auriol remontent à 1548. Deux lacunes : de 1569 à 1592 et de 1612 à 1672. Certains de ces registres manquants ont encore leur double aux AD. On peut donc distinguer la collection communale de la collection départementale , les deux collections comptant indifféremment soit les actes originaux (suivis de signatures des témoins) soit les copies.
La collection communale de BMS est complète et ininterrompue de 1673 jusqu’à la révolution.
Après 1792, la mairie conservera les actes dits alors « d’état civil » (naissances, mariages, décès), tandis que les paroisses conserveront les registres d’actes religieux (baptêmes, mariages, enterrements, communions, confirmations..). Les doubles des premiers étant versés aux archives départementales, les autres aux archives diocésaines.
C’est donc à la mairie ou aux AD que se trouve aussi une partie de l’histoire religieuse d’Auriol, celle d’avant 1792, d’ailleurs merveilleusement conservée dans des registres rénovés.
  • Quatre années particulières peuvent retenir notre attention : 1673, 1674, 1675 et 1676.
Pourquoi ces quatre années ? Parce qu’elles présentent une particularité : le vicaire d’alors, messire Dominique Concordan, prend soin d’indiquer où sont enterrés les villageois, ce que son prédécesseur, ne mentionne pas, (voir collection départementale) et ce que le vicaire lui-même n’écrira plus par la suite, sans doute faute de temps. Les défunts seront tout simplement « enterrés ». Le vicaire Concordan, qui a fort à faire dans cette grosse paroisse est, à cette époque, assisté par plusieurs prêtres : Messires Louis Roque, Guilhaume Jacquet, Jehan Laget, Gaspard Martin, François Masse, Anthoine Raymond, André Simon, Joseph Villeneufve.
Pendant ces quatre années, les membres du clergé auriolais enterreront, enseveliront ou inhumeront (les trois termes sont indifféremment employés) les défunts « au cimetière de l’église parrochiale », ou « dans l’église » :
En 1673, les prêtres enterreront 122 personnes dont 15 dans l’église.
En 1674, les prêtres enterreront 103 personnes dont 17 dans l’église.
En 1675, ils enterreront 138 personnes dont 16 dans l’église.
En 1676, 9 Auriolais seront inhumés dans l’église.
Ce qui fait 57 inhumations dans l’église sur quatre années !
On peut déjà imaginer la taille conséquente d’une église qui abrite tant de défunts, et il est bien sûr dommage de ne pas savoir si après 1676, les prêtres continuèrent à y ensevelir des paroissiaux. Le problème de « surpopulation » se posera également pour le cimetière attenant à cette église, et l’on trouve aux archives communale un document de 1724 relatant un désaccord entre les consuls et le vicaire, celui-ci ayant enterré les morts sans autorisation dans la chapelle Sainte-Barbe, le cimetière étant devenu trop exigu.
Mais revenons à l’église de 1673-1676.
Nous ne possédons pas de plan intérieur de cette église, c’est pourquoi chaque indice peut nous éclairer.


  • Regardons de plus près ces 57 actes de « mortuaires » de cette période où le prêtre consigne un ensevelissement dans l’église.
Neuf défunts sont signalés comme enterrés dans le bâtiment, mais sans indication d’endroit. Les 48 autres seront inhumés à des endroits très précis. Avant de les mentionner, on peut se demander s’il y a une différence entre un « autel » et une « chapelle », certains défunts étant inhumés par exemple « au-devant la chapelle Sainte-Anne », et d’autres « au-devant l’autel Sainte-Anne ». Le mot « chapelle » devait sans doute représenter un ensemble constitué d’un autel séparé du mur par une structure maçonnée ornée de tableaux ou statues, le tout formant un « coin » particulier dans l’église.

Dans les BMS de ces quatre années, les prêtres vont mentionner quatorze lieux d’inhumation dans l’église ! (il y en avait peut-être plus ?)
  • la chapelle du Purgatoire,
  • la chapelle ou l’autel Saint-Anthoine,
  • la chapelle Saint-Joseph,
  • la chapelle ou l’autel Sainte-Anne,
  • la chapelle Sainte-Ursule,
  • la chapelle ou l’autel Saint-Crespin,
  • la chapelle Saint-Cler,
  • la chapelle Saint-Blaize,
  • la chapelle Saint-Eloy,
  • la chapelle Saint-Roch.
Il est étonnant de constater que tout l’espace possible était utilisé, puisque des défunts seront même enterrés :
  • « auprès les fons batismaus »
  • « au devant la grande porte »
  • « au dessous la chaire oulon preche »
Le 10 mars 1776, une loi interdira toute inhumation dans les églises et chapelles « sauf exceptions prévues et limitées ».
Françoise Ganter-Suzanne
  • Photographie : L’église d’Auriol et vue sur le village. © F. Suzanne, 2006