Les odeurs détestables du tanneur Vive (Arles, 6 juin 1788)

  • Archives communales d’Arles, FF54.
cavalerie-arlesL’an mil sept cent quatre vingt huit et le sixième jour du mois de juin, pardevant nous consuls gouverneurs lieutenants généraux de police de cette ville d’Arles, seigneurs de Trinquetaille et dans le cabinet de l’hôtel de ville, est comparu Me Honoré Rougier, procureur en la sénéchaussée, intervenant pour & et au nom du sieur Mathieu Jouve, receveur de la loterie royale de France en cette d. ville, lequel nous a exposé qu’aujourd’hui sur les sept heures du matin, led. sieur Jouve, allant à Avignon avec le sieur Vignaud, et étant dans sa voiture attelée à un cheval, il a passé par la Cavalerie (1), lorsqu’il a été près des cours, il a senti tout d’un coup une infection insupportable, au point que son cheval s’est donné peur, a renversé la voiture dans un fossé très profond, & led. Jouve, de même que le sieur Vignaud, ont failli perdre la vie. La voiture s’est brisée et mise en mille pièces.
On ignoroit d’où pouvoit provenir cette détestable infection, on présumoit que c’était quelque charogne qui étoit par là aux environs. Point de tout. Les voisins qui ont accouru pour donner du secours au comparoissant lui ont appris que c’était les peaux que le sieur Pierre Vive, marchand parfumeur et gantier de cette ville faisoit corrompre ou préparer dans une cave, et qu’il étendoit ensuite sur le terrein dans une des cours de la Cavalerie.
Effectivement, on a vérifié le fait et on a trouvé qu’il y en avoit une quantité d’étendues qui répandoient cette mortelle infection, & les voisins ont assuré que ce n’étoit pas là le premier malheur qui arrivoit, que tous les jours on voyoit des voyageurs et passants qui étoient exposés au même inconvénient, qu’eux-mêmes parfois ne pouvoient habiter leurs maisons, mais comme, suivant les règlements de la police, il n’est pas permis au sieur Vive ni à aucun gantier, tanneur ou pelletier de se choisir lui-même un local pour la préparation de ses peaux, & surtout aux portes des villes, & sur un chemin & une route publique, qu’on doit pour cela s’adresser à nous pour lui en assigner un qui ne porte préjudice au public, que le sieur Vive a contrevenu à ces mêmes règlements en se choisissant lui-même le local qui lui a plû & tout autre que celui qui peut servir à un pareil objet.
Led. sieur Jouve nous a dénoncé la contravention commise par le sieur Vive auxd. règlements de police, pour que nous ayons à y obéir et à empêcher la continuation d’icelle, attendu que le sieur Jouve se trouve exposé de tems à autre de faire le voyage d’ici à Avignon, relativement aux affaires de son bureau, sans entendre que le présent porte préjudice à l’action en dommages intérêts qu’il a intenté aujourd’hui, co[ntr]e led. sieur Vive pardevant M. le lieutenant général en ce siège, & s’est led. M. Rougier au susd. nom soussigné.
[Rougier]

(1) La Cavalerie était une des portes de la ville d’Arles. Aujourd’hui ouverte, elle marque le début de la route d’Avignon.

Photographie : DR.

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