Le 5 janvier 1895, les époux Carlès, tenant une buvette rue de la Terrasse, à Nice (Alpes-Maritimes), furent avertis que des voleurs avaient pénétré dans leur appartement, situé au sixième étage de la maison où est la buvette. Ils y montèrent aussitôt et constatèrent qu’on leur avait volé deux mille francs en billets et numéraire et plusieurs bijoux. Leurs soupçons se portèrent sur un de leurs anciens garçons, nommé Dalmas. Celui-ci fut arrêté, et il indiqua les noms des voleurs, des nommés Masséglia, Navello et Plet. Inutile de dire qu’il était associé avec eux.
Le 1er mai 1895, ce petit monde fut donc invité à venir s’expliquer devant la Cour d’assises des Alpes-Maritimes.
L’audience s’ouvre
Pour présenter les choses simplement, indiquons que la Cour était présidée par M. Trinquier, conseiller à la Cour d’appel d’Aix, assisté de MM. de Bottini et Thibault, juges au tribunal de Nice. M. Gain occupait quant à lui le siège du ministère public. Au banc de la défense étaient assis maîtres Nicol, Durandy, Buffon et Gassin.
Le président procéda donc à l’interrogatoire des prévenus, en commençant par Claude Navello.
Celui-ci, âgé de 28 ans, jardinier, n’avait pas moins de sept condamnations à son casier. Il nia avoir pris part à un vol commis quelque temps plus tôt, 21, rue Droite.
Interrogé sur le vol de la rue de la Terrasse, il déclara qu’étant en état d’ivresse il ne se souvenait de rien. Quant au portemonnaie trouvé sur lui et qui avait été reconnu par la personne victime du vol de la rue Droite, il dit l’avoir acheté à un inconnu.
Navello reconnut pourtant avoir pris 500 francs sur la somme volée à M. Carlès. Il n’est entré dans la maison, dit-il, que « pour tenir la chandelle ».
Bienvenu Dalmas fut ensuite interrogé, ayant été garçon de café chez M. Carlès, dont il avoua avoir indiqué à Navello le coup à faire. Mais il affirma n’y avoir pris aucune part. Il avait touché 223 francs sur le produit du vol, « mais, dit-il, aussitôt après cet aveu, j’ai remis cet argent à Plet, car il gênait ma conscience ».
On jugera de l’hilarité que cette explication causa à l’auditoire.
On passa ensuite à l’interrogatoire de Louis Masséglia.
Celui-ci avoua qu’il avait été invité par Navello et Dalmas à commettre le vol. Il avait pénétré avec Navello dans l’appartement des époux Carlès et s’était emparé de l’argent. Puis les trois malfaiteurs s’en étaient allés à la montée de Villefranche s’en faire le partage.
Comme son confrère Dalmas, Masséglia prétendit avoir eu des remords de conscience qui lui donnaient l’envie de se suicider.
Félix Plet, le quatrième accusé, niait quant à lui les charges dont on le soupçonnait.
De nombreux témoins furent ensuite entendus. Leur défilé dura jusqu’à 11h45, heure où le président leva l’audience et annonce qu’elle serait reprise à 14 heures précises.
Le verdict
Dans cette deuxième audience, M. Gain, substitut, soutint l’accusation et demanda au jury de se montrer sévère envers les coupables qui étaient devant lui et dont le passé indiquait la moralité.
Les avocats, maîtres Micol, Durandy, Buffon et Gassin, plaidèrent ensuite avec habileté, malgré l’ingrate tâche qu’ils avaient assumée.
A 17h30, le jury rapporta un verdict affirmatif, en ce qui concerne les faits reprochés à Bavello, Dalmas et Masséglia, sans admission de circonstances atténuantes et négatif en ce qui concerne les faits reprochés à Flet.
En conséquence, Bavello et Masséglia furent condamnés à quinze ans de travaux forcés, Dalmas, à dix ans de la même peine et Flet fut acquitté.
- Source : La République du Var, 2 mai 1895, p. 2.