Le lundi 27 mai 1839, un événement inattendu secoua les passants sur le cours principal de la ville d’Aix, le futur cours Mirabeau. Jean-Nicolas Pourpre, un simple portefaix de 42 ans, né à Aix, époux de Marthe Blanc, s’effondra soudainement. Sa vie, fauchée par une apoplexie brutale, semblait s’être éteinte avant même que les badauds n’aient eu le temps de réagir. Son état, visiblement lié à un excès de boisson, n’invita guère à la compassion pour certains.
Alors que la foule se rassemblait, l’espoir apparut sous la forme de deux jeunes médecins, MM. Louis Léon et François Caillat, qui passaient à proximité lorsque l’attention d’un citoyen les interpella. Celui-ci les pria d’apporter leur aide, de vérifier s’il y avait encore un souffle de vie en ce pauvre homme. Cependant, contre toute attente, les deux praticiens refusèrent de s’approcher du corps. Sans un mot d’explication, ils continuèrent leur chemin, laissant derrière eux la stupeur et l’incompréhension de ceux qui avaient assisté à la scène.
Cette indifférence suscita des interrogations douloureuses au sein de l’assemblée. Pourquoi ces médecins s’étaient-ils détournés ? Était-ce par crainte de toucher un corps inerte, ou simplement parce qu’ils estimaient cet homme trop insignifiant pour mériter leurs soins ? Pour beaucoup, leur attitude constituait une insulte aux valeurs d’humanité et de solidarité.
La protestation des médecins pour laver leur honneur
Léon et Caillat demandèrent que leur honneur soit lavé en exigeant dans la presse aixoise que soit publié le 6 juin un démenti formel des événements racontés ci-dessus.
Pour eux, Pourpre n’était pas mort sur le sol du cours Mirabeau mais à l’intérieur d’une habitation. Apportons à leur décharge que Pourpre est en effet décédé dans la maison de monsieur Molin, au numéro 1 du Cours, où il a semble-t-il été porté après avoir fait son malaise.
Ils affirmèrent que le portefaix n’était pas en état d’ébriété ce jour-là, contrairement à ses habitudes et qu’il était mort à 17h30 alors qu’eux-mêmes ne passèrent dans la rue que deux heures plus tard, à 19 heures. Or, l’acte de décès indique que le pauvre homme a expiré à 19 heures, non à 17h30.
Ils indiquèrent en outre qu’on ne leur avait pas demandé de porter secours à cet homme mais seulement « s’ils seraient curieux de voir un cadavre », invitation qu’ils déclinèrent, continuant leur route, jugeant inutile d’intervenir pour un homme déjà mort.
- Le Mémorial d’Aix, 1er juin 1839, p. 4 ; ibid., 8 juin 1839, p. 2, 3.
- Registre d’état civil de la ville d’Aix-en-Provence, acte no 322, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 202 E 370.