Mort d’un étranger (Céreste, 25 mars 1695)

Italien1« Lan susdit et le vingt cinq mars dans le susdit cimetiere a esté enterré un pauvre passant decédé a l’hopital qui disoit estre du lieu de Simianne, a qui l’on a trouvé des heures et un billet de Rosaire par lequel il appert qu’il se nommoit Pierre Stelle, paroissant aagé d’environ cinquante cinq ans en presence des soubzsignes. »
BESSIERES vicaire
S. RIPERT prebtre
S. TREMOLIER
Commentaire de Marie-Françoise Allouis :

Les « heures », c’est un livre de prières. On peut rencontrer des « heures en latin », des « heures en français », des « heures bien reliées », etc. Un billet de Rosaire, ça se décompose ainsi :
– un billet : ici, c’est un certificat de pauvreté, souvent délivré par une communauté, par exemple, un passeport dont se munissaient ceux qui mendiaient leur pain de village en village.
– un rosaire : normalement, c’est un grand chapelet, mais ici, je pense qu’il s’agit de la confrérie du Rosaire (c’est pourquoi je lui ai mis une majuscule). Une confrérie est une association de laïques à but de dévotion, de charité ou de secours mutuel.
Donc, je pense que ce brave homme avait sur lui un billet donné par la confrérie du Rosaire de son village pour le recommander aux confréries ou aux consuls des villages qu’il traverserait. En quelque sorte, un sésame pour ne pas inquiéter les populations, certifier de ses bonnes mœurs et éventuellement lui donner droit à une aide, s’il y avait une confrérie du Rosaire. Et forcément son nom y était inscrit. C’est pour cette raison que le curé dit : « dont il appert qu’il se nommait Pierre Stelle. »
Lorsqu’un pauvre mendiant décédait dans un village, les curés avaient ordre de fouiller leurs poches ou leur corps pour voir s’ils trouveraient un quelconque indice de sa catholicité, afin de pouvoir l’inhumer en terre chrétienne. J’ai souvent croisé ce genre de description lors de sépulture d’« étrangers ». En les notant dans leurs registres, les curés se mettaient prudemment à l’abri d’éventuels reproches de leur évêque qui pourrait se fâcher s’ils inhumaient un non-catholique en terre consacrée.

  • Registre paroissial de Céreste
  • Anecdote signalée par Frédéric de Solliers