« Réponses des communautés » ou Montgardin en 1789

rue-centrale-montgardinLe texte qui suit est la reproduction intégrale des « Réponses des communautés », rédigées en deux fois, la première par J. Richard et J. Gachet, consuls de Montgardin, et E. Masse, député, le 10 avril 1789 (dont les réponses sont précédées du signe a) et la seconde par J. Gachet et E. Masse, consul de Montgardin le 26 avril 1789 (dont les réponses sont précédées du signe b). Il s’agit des réponses à des questions précises posées par les membres de la Commission intermédiaire des États de la province qui souhaitent mieux cerner la réalité économique de ces villages, alors que s’annonce la Révolution.
Les deux mémoires sont publiés côte à côte tels que rédigés en 1789. En revanche, les notes sont l’oeuvre de l’Abbé Paul Guillaume, reproduisant et commentant ces textes en 1908.

 


1. Quelle est l’étendue par aperçu du territoire, et quelles sont les différentes paroisses, villages ou hameaux qui la composent ?

a) Environ trois quarts de lieue de circonférence, trois hameaux1 aux environs du village.
b) L’étendue du terroir de cette communauté est d’environ demi-lieue du levant au couchant et de trois quarts de lieue du midi au septentrion.
Il n’y a qu’une seule paroisse2. Le village est situé sur une hauteur en forme de pain de sucre, aux environs de laquelle et au sommet sont bâties les maisons, situation qui entraîne beaucoup de dégradations aux bâtiments, lors des orages, qui y sont fréquents, et lors des grosses pluies.
Il y a en outre trois hameaux3 distants du village où est l’église d’un quart de lieue.

Notes

1. Les Forests, les Aroncis, les Massots et, de plus, la Plaine.
2. D’abord sous le vocable de saint Pélade, archevêque d’Embrun, et aujourd’hui sous celui de l’Assomption de Notre-Dame.
3. Voir la note 1 ci-dessus.


2. Quelle est la population de la communauté ?

a) Environ 240 personnes, tant grands que petits.
b) Cette communauté est composée de 60 habitants ou chefs de famille, outre 6 fermiers de 6 différents domaines appartenant au seigneur1, ce qui fait en tout une population d’environ 240 personnes.

Note

1. Joseph-Marie de Revillasc, au moins dès 1776.


3. Quels sont les médecins ou chirurgiens sur les lieux ou aux environs ?

a) Point. On a recours à ceux de Chorges, distant d’une demi-lieue, ou de Gap, ceux qui ont le moyen de les payer.
b) Il n’y a sur les lieux ni médecins ni chirurgiens. Il y a deux chirurgiens à Chorges, distant d’une petite lieue, et, dans le cas de maladie grave, il faut aller chercher des secours à Gap, qui est la ville le plus à portée, à trois lieues de distance.


4. Y a-t-il sur les lieux ou à la proximité des accoucheuses instruites ?

a) Il y a une femme qui sert d’accoucheuse, sans avoir jamais sorti pour apprendre.
b) Il n’y a, ni sur les lieux ni aux environs, d’accoucheuse instruite.


5. La communauté a-t-elle été fréquemment attaquée par des malades épidémiques et pratique-t-on l’inoculation de la petite vérole ?

a) Il y a longtemps qu’il n’y a pas eu de maladies épidémiques pour le monde du pays, et on ne pratique point l’inoculation de la petite vérole. Mais en 1784 et 1785, il y a eu dans cette communauté une épidémie pour les bestiaux, qui avaient presque tous péri, ce qui a réduit presque tout le monde dans la dernière misère.
b) Il y a eu très peu de maladies épidémiques dans la communauté. Jamais elle n’a eu connaissance ni fait usage de l’inoculation pour la petite vérole.


6. Quelle est la manière de bâtir et de couvrir les maisons ?

a) En pierres. Ce pays est dépourvu de bois ; la chaux est fort chère. Le plâtre, on le tire d’une lieue et demie ; le sable, demi-lieue et très mauvais. Les habitants ne peuvent subvenir à acheter des matériaux. Généralement, tous les murs sont en terre glaise et de peu de durée ; tous les toits sont de paille, n’ayant point de carrière dans le pays et les ardoises venant de six lieues et demie. Point de fabrique de tuiles. La toise de couvert coûte 10 livres.
b) La misère des habitants est si grande que les maisons sont toutes bâties avec de la terre glaise au lieu de mortier à chaux et sable, et toutes couvertes en chaume. Il n’y a dans le territoire aucune carrière d’ardoise ou de lause propre aux toits. La fabrique de tuiles, unique dans le canton, est à la Bâtie-Neuve, à une demi-lieue de distance. Une toise de couvert coûterait environ 9 livres. Il n’y a de mine de plâtre qu’à Avançon, à une demi-lieue de distance, où il faut l’aller chercher.


7. Quelle est en général la nature du sol ?

a) Ce qui est sur la route est plat ; tout le reste est en coteaux, des collines et des ravins qui dégradent totalement le sol.
b) Le sol, en général, est très mauvais ; à un demi-pied de profondeur, on ne trouve que du rocher ou une terre amère, et le terrain est presque tout si en pente que, lorsqu’il ne pleut pas, le blé sèche et, lorsqu’il pleut un peu, les terres sont emportées.


8. Quels sont les différents genres de récoltes qui se perçoivent et les arbres fruitiers qui prospèrent ?

a) Les blés, froment et méteil et quelque peu d’épeautre ; aucun autre. Le fruit, de peu de conséquence ; quelques pommes de terre et peu de chanvre.
b) Les récoltes perçues dans le terroir consistent en froment, seigle, quelques menus grains, et un peu de chanvre. Il y a très peu d’arbres fruitiers. Ils réussiraient assez bien dans la petite plaine au bas du village, mais cette partie du terrain appartient presque toute au seigneur ou aux forains.


9. Quels est le rapport année commune, entre les grains et comestibles et la consommation des habitants et quelle est leur nourriture ordinaire ?

a) 400 charges, sur quoi il faut lever les semences et la dîme, les taxes et cens dus au seigneur et ce qu’il perçoit dans les domaines. Il manque, année commune, à peu près la moitié pour la nourriture des habitants.
b) Il n’est pas possible d’établir un rapport entre les grains et les comestibles. La détresse des habitants, trop chargés ou par les impositions royales ou par les intérêts dus au seigneur, les force à la nourriture la plus pitoyable, qui se réduit à des pommes de terre cuites à l’eau ou mêlées avec un peu de farine pour faire du pain. La récolte en blé pour les habitants est si modique que sur 60, 25 ou 30 ne recueillent pas 4 charges de blé chacun. Les extrêmement pauvres, comme ceux qui le sont moins, sont obligés de vendre leur blé à la récolte pour payer les charges, en sorte que presque tous sont obligés de l’acheter aux fêtes de Noël.


10. D’où tire t-on les grains dans les années de disettes ?

a) Des marchés de Gap, d’Embrun et de Saint-Bonnet, éloignés de quatre à cinq lieues du village.
b) Dans les années de disette, on tire les grains d’Embrun, de Saint-Bonnet et surtout de Gap, plus à portée.


11. Quelles sont les productions surabondantes, les marchés où elles se vendent, et les moyens d’exportations, et les foires sur les lieux ?

a) Aucune. Les habitants sont obligés de vendre du blé au commencement de la récolte pour payer leurs tailles, et la plus grande partie des habitants sont obligés d’acheter pour vivre depuis la Noël. On porte sur le dos des juments ou bourriques. Aucune foire ni marché.
b) Cette petite et pauvre communauté n’a aucune foire ; elle est obligée de vendre ses productions très bornées pour payer ses charges ; loin d’avoir du surabondant, elle n’a pas le nécessaire. Les marchés de la ville de Gap seraient son débouché le plus commode.


12. Quel est l’état des bois et forêts et quelle est leur proportion avec les besoins ?

a) De jeunes pins que la grande quantité de neige a presque détruits, quelques véges (osiers) et buissons dans l’île, dont les habitants se servent pour leur chauffage et pour chauffer le four quand ils font cuir leur pain.
b) Les bois et forêts de la communauté ne sont pas proportionnés aux besoins qu’en auraient les habitants. Elle ne jouit même que d’une partie de ses bois et de la plus mauvaise, qui n’est complantée que de pins, qui ne peuvent servir ni pour les toits, ni pour autre emploi important, au point que les habitants sont en peine pour trouver sur leur sol du bois qui puisse être employé pour faire des tuyaux ou bourneaux pour la conduite de l’eau de la fontaine du village. Le bois le plus peuplé et le meilleur appartenant à la communauté est possédé par le seigneur, qui l’a pour la somme de 325 livres, avec la faculté de rachat de la part des habitants, qui n’ont pu obtenir ce rachat, malgré leurs offres réitérées. Ce bois est planté de fayards, de trembles et de pins, et vaut beaucoup mieux par la qualité du bois, par l’étendue et la production du terrain, que celui dont jouit la communauté. Celui-là s’appelle Mal-Boisset ; ceux dont jouit la paroisse sont le Devès, l’Ubac et les Arzilliers, dans lesquels il n’y a presque plus rien. Ils se repeupleraient si la communauté pouvait rentrer dans la jouissance de Mal-Boisset, en remboursant 325 livres, prix infiniment au-dessous de sa valeur.


13. La communauté a-t-elle des communes [c’est-à-dire : des biens communaux], de quelle espèce sont-elles, quelles est la minute du sol et quels sont les moyens de les rendre plus utiles ?

a) Une île, laquelle est continuellement engravée par le torrent de Saint-Pancrace, lequel sépare le terroir de la Bâtie-Neuve d’avec celui dudit Montgardin. Elle pourrait se garantir par la force des digues, de même qu’une grande partie de terrain taillable.
b) Il n’y a presque point de communs. Le torrent de Saint-Pancrace, près la Bâtie-Neuve, a emporté une petite île qui était commune. Il y a sur les confins du terroir, du côté de Chorges, un terrain presque tout pierreux et qui ne produit rien, de la contenance d’environ 10 à 12 charges de semence, qui, divisé entre les particuliers, pourrait, après bien des travaux, produire un peu de blé.


14. Quelles sont les rivières qui traversent la communauté, la qualité du terrain, et celle des eaux ?

a) Aucune rivière, trois torrents qui font un dommage considérable. Le terrain est mauvais. Les eaux sont bonnes. Les terres qui sont à l’arrosage sont passables, mais l’eau est très rare dans le pays ; une partie vient du terroir de la Bâtie-Neuve ; l’eau de dessous du moulin du pays en arrose quelque peu. Il faudrait construire des canaux pour agrandir l’arrosage. La misère des habitants ne leur permet pas de faire cette construction.
b) La petite rivière, appelée la Vence, traverse la plaine, en dessous du village. Ses eaux ne servent qu’au moulin du seigneur ; elles ne peuvent servir à l’arrosage des prés, parce qu’elles sont de mauvaise qualité. A chaque extrémité du terroir, il y a deux torrents qui causent beaucoup de dommage. Celui des Collets, qui vient de la montagne de Chorges et fait la rivière de la Vence, viendrait traverser la plaine s’il n’était contenu. C’est le seul qui donne les eaux d’arrosage pour les prairies. Si la communauté avait des secours, elle pourrait construire un autre canal et doubler l’eau de la Vence, ce qui serait très avantageux. L’autre torrent, appelé Saint-Pancrache, sur les confins du territoire de la Bâtie-Neuve et de Montgardin, cause les plus grands ravages sur les terres de la communauté, qui sont plus basses que celles de la Bâtie-Neuve. Ce torrent, très impétueux et qui entraîne beaucoup de pierres ou de graviers, surtout à la fonte des neiges et après de fortes pluies, a détruit presque en entier une île appartenant à Montgardin. Sans des digues, le terroir le plus précieux sera emporté. Il y a encore un torrent appelé Combe-Chabert, qui vient des montagnes de Montgardin, Chorges et Espinasses. Lors des fontes des neiges ou des pluies, il cause le plus grand dégât dans les prés de la plaine. En 1787, il a couvert de pierres et d’un gravier énorme une étendue considérable. Ce n’est qu’avec des secours des États de la province que les particuliers pourront lui creuser un lit qui en conduise l’eau dans la Vence, et, en nettoyant ce lit dans l’été, les terres seraient à l’abri de son irruption.


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15. Quelle est la quantité de gros et menu bétail de tout espèce ? Quels seraient les moyens d’augmenter le nombre des élèves et d’améliorer les espèces ?

a) Très peu de bœufs pour la charrue, des juments et des bourriques aussi pour la charrue. Quelques habitants ont des moutons, en petit nombre, par le défaut de moyens et de fourrages.
b) Presque tous les habitants labourent avec une jument ou des bourriques. Il n’y a que 4 à 5 paires de boeufs. Il n’est pas possible de nourrir des vaches. La qualité des eaux ou des fourrages leur convient si peu qu’elles deviennent raides au bout de quelques mois. Le défaut de pâturage, le manque de fourrages et le peu de facultés font que les particuliers ont très peu d’acérage. En 1785 et 1786, une maladie épidémique enleva presque tous les bestiaux. Depuis cette époque, les habitants, qui n’ont rien obtenu en dédommagement de leurs pertes, sont dans la plus grande misère.


16. Y-a-t-il dans la communauté ou à portée des artistes vétérinaires ou des maréchaux experts qui jouissent d’une réputation acquise et justifiée par des succès ?

a) Aucun dans l’endroit. On va à Chorges ou ailleurs pour le forgeage des outils de culture.
b) Il n’y a qu’à Chorges et à la Bâtie-Neuve deux maréchaux à qui l’ont puisse avoir recours pour les maladies des bestiaux, mais leurs connaissances sont très bornées, n’ayant point étudié dans une école vétérinaire.


17. Quels sont les objets d’industrie ou de commerce des habitants, les moyens d’amélioration dont ils seraient susceptibles et les établissements en ce genre qu’on croirait utiles à la communauté et au canton ?

a) Aucun. Ni industrie ni commerce.
b) Les habitants ne peuvent se livrer à aucune branche d’industrie ou de commerce, et ils ne peuvent suggérer un projet utile à cet égard. C’est aux habitants des villes et gros lieux, qui peuvent en profiter, à réfléchir sur cet article.


18. Quel est le régime municipal ?

a) Aucun.
b) Deux consuls administrent les affaires de la communauté. Il y a un châtelain, nommé par le seigneur, et un secrétaire, nommé par la communauté.


19. La communauté a-t-elle des revenus ?

a) Environ 250 livres1. La communauté doit 14 000 livres au seigneur du lieu, dont 6 000 livres dont elle paye l’intérêt au 2 1/2 p. 0/0 et les autres 8 000 livres au 5 p. 0/0, sans déduction du 20e. En tout, elle paye au seigneur annuellement 665 l. 13 s. 5 d., non compris les taxes et cens.
b) La communauté n’a aucune espèce de revenu.

Note

1. Les charges locales de Montgardin en 1789 ne sont pas connues. Le total de celles de 1790 s’élève à la somme de 183 livres (Ordonnance du 29 septembre 1789), savoir : cierge pascal, 6 livres ; entretien de l’église, 12 livres ; entretien de la maison commune, 10 livres ; entretien des fontaines, 12 livres ; gages du maître d’école, 62 livres ; gages du garde champêtre, 30 livres ; gages du sonneur, 6 livres ; luminaire de l’église, 20 livres ; entretien du four communal, 10 livres ; ports de lettres, 6 livres, etc. En 1791, ce total est de 1 147 l. 15 s. 7 d., dont 36 pour le greffier, 241 l. 10 s. pour la recette des contributions, 673 l. 5 s. 7 d. pour « intérêts dus à M. Revillasc », seigneur du lieu.


20. Quelles sont les charges locales ou dépenses ordinaires de la communauté, les dettes de la communauté ou les charges extraordinaires auxquelles elle peut être tenue ?

a) Ils les rendent toutes les années, à la fin de la recette qui n’est guère finie qu’à la fin de trois ou quatre ans.
b)

Les charges locales montent à1 :
199 l. 0 s. 0 d.
Les tailles, à 773 0 0
Le quartier d’hiver, à 553 5 0
Il y a encore d’imposé sur les trois ordres 290 17 0
Au collecteur pour droit de recette 90 0 0
La capitation monte à 330 0 0
Les vingtièmes, à 361 7 0
La communauté impose encore pour les intérêts des capitaux dus au seigneur 665 13 5
Ces capitaux consistent en onze mille livres, dont la communauté paye l’intérêt au deux et demi pour cent, sept mille huit cents livres qui sont au cinq pour cent. Cette dette de dix-huit mille huit cents livres, la seule que doivent les habitants, elles est encore trop forte par rapport aux facultés des habitants, les vingtièmes des sept mille huit cents livres n’ont jamais été déduits aux habitants, malgré leur réclamation ; on a imposé encore sur la communauté, pour les prisons nouvellement construites à Embrun, la somme de 127 16 4
Total des impositions
3 390 l.
18 s.
9 d.
Note

1. Voir la note de la question 19.


21. Les comptes des collecteurs et receveurs ont-ils été rendus chaque année, quels sont ceux qui ne l’ont pas été et les raisons qui en ont empêché ?

a) Aucun, à l’exception de la 24e, qui est peu de chose. Elle est distribuée en espèces par le curé1 et les officiers municipaux du lieu aux pauvres dudit lieu.
b) Il y a trois ans que le collecteur des impositions n’a rendu aucun compte, quoiqu’il en ait été requis plusieurs fois. La dépendance où la communauté a été jusqu’à présent des sieurs Astier, père et fils, dont le premier est collecteur et le second a été secrétaire jusqu’à ce mois d’avril et presque seul administrateur des affaires de la communauté, a empêché la reddition des comptes.

Note

1. Joseph Masse, dès 1769, mort en 1790.


22. Quelles sont les propriétés ou revenus des pauvres en y comprenant le vingt-quatrième ? De quelle manière sont-ils administrés et seraient-ils susceptibles d’améliorations ?

a) Aucune.
b) Les pauvres n’ont d’autre revenu que la 24e, qui est peu de chose. Elle est distribuée par le sieur curé de la paroisse et les consuls. Il n’y a aussi aucune fondation pour hôpital ou pour l’éducation publique, mais il est à observer que les sieurs Jean et Antoine Bonnet, anciens fermiers du prieuré, s’obligèrent, il y a environ neuf ans, par acte reçu par Me Grimaud, notaire à Gap, de payer aux consuls, comme procureurs des pauvres, la somme de 400 livres en quatre payements, d’année en année. Cet acte finit un procès que la communauté avait intenté aux sieurs Bonnet, de Montgardin, pour le payement de la 24e, et fut fait par l’entremise de Me Labastie, avocat du Roi à Gap, faisant les fonctions de procureur de Roi.
Bonnet père est mort depuis quatre ans sans avoir rien payé. Son fils a accepté son héritage sous le bénéfice de la loi. Il n’a pas signé l’engagement de son père, quoiqu’il fût fermier comme lui. Les consuls n’ont fait aucune formalité pour le payement dû aux pauvres, crainte de faire des frais qui ne produisent rien.


23. Y a-t-il des fondations pour les hôpitaux ou pour l’éducation publique et de quelle manière sont-elles administrées ?

a) Le dernier parcellaire a été fait en l’année 17381. Il est en très mauvais état et il y a beaucoup d’erreurs ; les papiers et titres de la communauté sont de peu de conséquence, tous les anciens papiers ayant été brûlés ou enlevés l’an des ennemis2 ; ils sont à la sacristie de l’église dans un coffre à trois serrures3 ; chacun des consuls en a une et le secrétaire a l’autre.
b) Le dernier parcellaire a été fait en 1745 ; il y a beaucoup d’erreurs et n’est absolument pas en état. Les coursiers de même.

Note

1. Par Etienne Davin, notaire de Bréziers ; in-folio de 286 feuillets.
2. C’est-à-dire en 1692, époque de l’invasion du Haut-Dauphiné par l’armée du duc de Savoie et de ses alliés.
3. Les archives anciennes de Montgardin ont été déposées aux Archives départementales, à Gap, le 7 février 1888 et le 26 octobre 1893 ; elles y sont classées en 44 articles.


24. À quelles époque le dernier parcellaire a-t-il été fait, et dans quel état se trouve-t-il, ainsi que les coursiers ? Les papiers et titres de la communauté sont-ils conservés, et quelles sont les précautions prises pour leur garde ?

a) –
b) La communauté a fort peu de papiers et de titres. Il y a dans la sacristie de l’église paroissiale un coffre de bois blanc fermant à deux clés, qui sert d’archives.


Conclusion du premier mémoire

Montgardin est situé à une distance de quatre lieues et demie d’Embrun et à trois lieues de Gap. Il est sur un coteau fort élevé. Les avenues sont très difficiles de part et d’autre. Ce n’est que rochers escarpés tout autour et exposés à tous les vents qui y font un dommage considérable, surtout aux couverts ; quelquefois il les enlève en entier. Presque sans eau au gros de l’été et au gros de l’hiver surtout, faute de moyens pour y conduire une source assez suffisante pour l’utilité des habitants. Le manque d’eau est souvent la cause de la perte de leurs bestiaux.
La plaine de cette paroisse a le coup d’œil ; il paraît des plus beaux à cause des prairies qui y sont ; mais les habitants sont obligés de convenir de leur misère et mettre sous vos yeux, Messieurs, ce qu’il en est. Montgardin est un pays qui est extrêmement chargé, tant pour les charges royales que pour les charges seigneuriales et intérêts qu’il est obligé de payer annuellement, et pour acheter du blé pour sa nourriture, attendu qu’il ne perçoit pas dans ses fonds de quoi vivre la moitié de l’année. Il a été et est obligé de vendre ses possessions, guère ses champs, il ne trouve pas qui les achète ; mais ses prés, non à des gens du lieu, mais à l’étranger. Cela se prouve par le désistement d’une partie des habitants, en sorte que presque tous les prés sont possédés par le seigneur ou par les étrangers, de même qu’une grande partie des autres fonds, et la meilleure, par le seigneur.
Ce manque de fourrage ôte l’engrais de ses terres. Sa misère se prouve encore par l’aliénation d’un bois, planté de hêtres ou fayards, qui est engagé au seigneur pour la somme de 325 livres, somme bien modique pour une communauté, et il n’est pas possible qu’elle puisse se la procurer pour le rachat de cette forêt.
On paye, dans le pays, la dîme en grains, à la cote 13e, en sorte qu’il faut payer la dîme des semences deux fois. En outre, les dîmiers désemencent la terre tous les treize ans. Ce village est extrêmement ouvert et exposé aux vents, de sorte qu’il n’y a presque pas d’années où la grêle ne tombe dans le territoire ou à des quartiers. Les orages y sont fréquents.
Le terrain de ces village et hameaux est très ingrat. C’est une terre vague à demi-pied de profondeur et presque toute sur des rochers, et, à des quartiers, elle est forte ; le dessous est amer et terre glaise et au moindre orage il se forme des ravins considérables, ce qui fait des dégâts terribles, emporte les terres en pente et nite (« couvre de terre, de limon », N.d.E.) une grande partie de la plaine. C’est un terrain sec, où le manque de pluie l’espace de huit jours, la récolte périt totalement. Ces village et hameaux ont beaucoup de torrents qui y font un dommage très considérable. Le torrent de Saint-Pancrace, qui vient des montagnes de la Bâtie-Neuve et dérive dans le terroir dudit Montgardin, fait un dommage considérable. On pourrait le prévenir par des digues ; les habitants sont hors d’état de faire telles dépenses sans secours. D’une vérification faite par ordre de Mgr l’Intendant, l’année 1786, ce ruisseau avait emporté 23 charges de semence taillable et ce qu’il a emporté du depuis. Celui de Jouventy, qui part des montagnes de Chorges et de ladite Bâtie, fait aussi beaucoup de dommage. Celui de Combe-Chabert, qui part des montagnes de Chorges, d’Espinasses et d’une partie du terrain de Montgardin, fait aussi un mal très considérable à la plaine, le tout faute de secours.
Les habitants de ce lieu prennent la liberté de faire ci-après un état, à MM. de la Commission intermédiaire, des impositions et charges que la communauté paye, pour qu’ils aient égard dans la distribution du dégrèvement et des ateliers de charité :

Taille……………………………………………………………………………….. 773 l. 0 s. 0 d.
Quartiers d’hiver………………………………………………………………. 553 5 0
Accessoires……………………………………………………………………. 138 20 0
Le seigneur du lieu………………………………………………………….. 665 13 5
Droit de quittance……………………………………………………………. 2 0 0
Charges locales ou pour les prisons de la ville d’Embrun….. 509 3 4
Droit de recette……………………………………………………………….. 71 0 0
Vingtième……………………………………………………………………….. 361 18 0
Capitation……………………………………………………………………….. 330 0 0
TOTAL……………………………………………………………………………. 3 405 l. 9 s. 9 d.

Certifié par nous, officiers municipaux de ladite communauté de Montgardin, tout ce que dessus véritable.
Fait audit Montgardin, le 10 avril 1789.
Signé : J. Richard, consul, J. Gachet, consul, E. Masse, député.

Conclusion du second mémoire

Les habitants observent, en finissant, que le torrent le plus désastreux qui ravage leur terroir, est une nuée de lapins, qui détruisent leurs récoltes du côté de l’Adroit et qu’ils ne peuvent tuer sans s’exposer. MM. de la Commission intermédiaire sont priés de prendre cet objet important en considération et MM. les Procureurs généraux syndics voudront bien les servir pour faire cesser ce fléau destructeur.
Le moulin appartient au seigneur. Le seigneur prétend qu’il est banal. Le droit de mouture est de 1 émine sur 32. Les anciens habitants disent que ce droit n’était que de 1 émine sur 64.
La plupart des habitants payent encore au seigneur la tasque, c’est-à-dire une seconde dîme plus forte que la première, qui est au 13e, tandis que la tasque est de 11 charges 1. Plusieurs payent encore des censes pour les maisons et les vignes, et des corvées.
Le seigneur prétend encore que toutes les eaux coulantes lui appartiennent. Il y a procès pendant au Parlement.
Comme le village est situé sur une élévation, la fontaine cesse de fluer au gros de l’hiver et de l’été. La communauté aurait besoin de secours pour ajouter à la source, qui sert aujourd’hui, une source plus forte. Ce bienfait serait d’autant plus précieux que, pendant le gros de l’été, les bestiaux, ne pouvant boire de l’eau propre et abondante, dépérissent, et c’est là une des principales causes de leur perte.
Une autre cause de la même perte, qui a ruiné la plupart des habitants, est l’âpreté du chemin qui, de la plaine, conduit au village. Ce chemin est trop en pente et a été négligé pendant trop longtemps, par rapport à la misère des habitants. Il est instant de le réparer et sabler. Un dégrèvement pour cet objet et le précédent exciterait la reconnaissance la plus vive des habitants.
Nous, consuls de la paroisse de Montgardin, certifions le présent état et observations ci-dessus véritables et justes, et non le premier état qu’on nous a fait souscrire, par erreur, Jean Richard, ancien consul, et Jean Astier, ci-devant secrétaire, nous ayant enlevé le premier état, dans le temps que nous le faisions, parce qu’ils ne voulaient pas que nous y missions des articles essentiels. C’est pourquoi nous prions MM. de la Commission intermédiaire de n’avoir aucun égard à l’état envoyé par M. Ardoin, avocat à Embrun, comme étant imparfait.
À Montgardin, le 26 avril 1789.

Signé : J. Gachet, consul, E. Masse, consul.

Crédit photographique

© Jean Marie Desbois, 2001.