Les facéties de Gaspard de Venel (Aix-en-Provence, 1633)

Gaspard de Venel, conseiller au parlement d’Aix en 1633, avait une réputation de plaisantin. Époux de Magdeleine de Gaillard, on se souvient de lui comme d’un homme aux plaisanteries douteuses. En voici deux exemples :

Les deux capucins

Saint François d'Assise en tenue de capucin (Francisco de Zurbarán, 1658).
Saint François d’Assise en tenue de capucin (Francisco de Zurbarán, 1658).

Deux capucins sans argent se présentent un jour à son domicile afin de quêter pour leur couvent. Gaspard de Venel leur ouvre grand sa porte et leur offre l’hospitalité. Après avoir mangé, ils sont conduits à leur chambre, une pièce fort agréable et au lit moelleux. Les deux religieux entament leur sommeil réparateur. Au milieu de la nuit, l’un d’eux, pris d’un besoin pressant, sort du lit, ou plutôt tombe du lit, une vraie chute qui le fait se retrouver à quatre pattes. A tâtons et l’esprit toujours embrumé, il cherche l’objet nécessaire pour se soulager et, son affaire terminée, retourne au lit. Hélas ses mains tâtonnantes ne trouvent rien, il semble que le lit n’est plus là. L’autre capucin, réveillé par les appels de son compagnon, sort du lit, en faisant la même chute. Lui non plus ne retrouve plus le lit. Au bout d’un long moment, ils renoncent à s’y recoucher et préfèrent terminer leur nuit sur des chaises. Surprise : au petit matin, lorsqu’ils se réveillent, le lit est à sa place. Pendant leur sommeil, de Venel, dissimulé derrière les draperies, avait fait monter le lit au plafond à l’aide de cordages et, avant l’aube, l’avait fait redescendre à sa place.

Un doux rêve

Lit d'Ancien Régime
Lit d’Ancien Régime.
© ignis. GFDL,cc-by-sa-2.5,2.0,1.0.

Cette histoire est sans doute la plus belle de toutes : un paysan ivre-mort cuvait sa vinasse sur un banc du bourg Saint-Sauveur. Monsieur de Venel venant à passer, il lui vint une idée : il fit ramasser l’ivrogne et l’installa dans sa meilleure chambre et son meilleur lit. A son réveil et une fois ses esprits recouvrés, le lendemain, le paysan se retrouva dans un endroit somptueux qu’il n’avait bien sûr jamais vu. Il appela. Quatre laquais entrèrent dans la chambre et lui servirent du « monsieur le Duc nous fait l’honneur de descendre chez M. de Venel ». On le lava et on le vêtit de vêtements délicatement ouvragés. Une fête fut même organisée en son honneur. La femme du bougre, à la recherche de son homme depuis la veille, se présenta au n° 10 de la rue. Mais le paysan s’était visiblement vite accoutumé à son nouveau statut, jetant à sa femme un « Quelle est cette aventurière qui prétend être ma femme ? Je ne la connais pas. » Toute bonne chose ayant une fin, après le bal, l’homme fut drogué au moyen d’un somnifère, dépouillé de ses habits et redéposé sur son triste banc. À son réveil, il clamait à qui voulait l’entendre qu’il avait fait un rêve extraordinaire…

  • Sources : A. Bouyala-d’Arnaud, Evocation du vieil Aix-en-Provence, 1964

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