Un coup de vase à la figure (Aix-en-Provence, 29 novembre 1838)

Les 29 et 30 novembre 1838, le tribunal de police correctionnelle d’Aix-en-Provence jugeait une affaire qui s’était déroulée quelques jours plus tôt dans la cité du Roi René.
Il s’agissait de deux femmes, dont le nom ne nous est malheureusement pas parvenu, qui habitaient dans le même bâtiment. L’une était un peu âgée, avait le râtelier dégarni, mais avait encore une certaine vigueur, non pas physique mais en ce qui concernait sa capacité à parler.
L’autre, au contraire, était jeune et jolie, et de mise plus élégante que sa rivale. Elle savait s’habiller et parler.
Un conflit opposait les deux personnes, conflit dont l’origine ne nous est pas connue. Elles se croisèrent un jour dans les espaces communs du bâtiment et l’une des deux lança à l’autre un regard si méprisant que l’autre se sentit obligée de répondre. Et c’est ainsi que les insultes fusèrent.
Finalement, l’une d’elles s’empara d’un « vase de nuit en terre jaune, avec les grosses immondices y contenues » – un pot de chambre en somme – et le lança à la figure de l’autre. Et vous ne devinerez pas qui était l’auteur de ce lancer ? La jeune femme, la plus élégante, la mieux élevée. C’est dire qu’elle devait éprouver une rage qu’elle n’arrivait plus à contenir.
Le choc du vase, bien entendu, produisit un coup, le coup une blessure, la blessure une incapacité et l’incapacité un dépôt de plainte à la police. Et voilà les deux femmes convoquées devant le tribunal de police.
Un médecin fut appelé pour expliquer les effets du coup reçu par la plaignante. Une des questions évoquées était de savoir si le vase s’était cassé sur le visage de la vieille femme ou si ç’avait été le cas plutôt au moment où il rencontra le sol. L’éminent docteur indiqua péremptoirement qu’un vase ne peut se rompre que sur un corps dur et que le visage de la plaignante, certes osseux et proéminent, n’offrait pas après examen assez de consistance et de dureté pour rompre un vase au premier choc.
Après ce témoignage, d’autres furent convoqués. L’un d’eux, sollicité par la prévenue, déposa que lorsque la vieille femme avait quitté un précédent logement, tous les locataires allumèrent un feu de joie.
En résumé, l’affaire présentée au tribunal consista à 90% en des commérages d’un côté comme de l’autre. Ce qui nous intéresse, nous sommes bien d’accord, est de savoir ce que fut la décision du tribunal.
Cinquante francs d’amende pour la prévenue et cinq cents francs de dommages et intérêts, ainsi que la condamnation aux dépens.
Affaire suivante…

  • Sources : Le Mémorial d’Aix, 1er décembre 1838, p. 2, 3.

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