Un père indélicat (Aix-en-Provence,
20 février 1874)

L’an mil huit cent, etc.
Nous, Hivert, Pierre-Antoine, commissaire de police de la ville d’Aix, etc.
Informé que les enfants du sieur Boulanger, Baptiste, employé à l’usine à gaz à Aix, demeurant à la rue de la Fonderie, n°15, à Aix, avaient trouvé et remis à leur père il y a quelques mois, un paquet contenant des valeurs en or, argent et billets de banque, et des papiers d’affaires, avons fait amener devant nous,

Montre de gousset. © Za, 2005. Creative Commons Attribution ShareAlike 3.0.

Montre de gousset.
© Za, 2005. Creative Commons Attribution ShareAlike 3.0.

1° le sieur Antoine Boulanger, âgé de 15 ans, décrotteur sur le Cours [1], domicilié chez son père, rue Fonderie, n°15, lequel nous a fait la déclaration suivante, en présence des agents Dalmas et Charbonnier :
« Il y a environ cinq à six mois, mon frère Baptistin a trouvé dans l’une des rues d’Aix, vers deux ou trois heures de l’après-midi, un paquet qu’il a placé dans un mouchoir et qui contenait de l’or, de l’argent, des billets de banque, une montre en argent et des autres papiers. Il a remis ce paquet à ma mère qui l’a remis à mon père. J’ai su après que mon père avait brûlé les papiers qui étaient sans valeur. Mon père porte la montre sur lui. »2° le sieur Boulanger, Baptistin, âgé de 11 ans, casseur de pierres, demeurant chez son père, déclare ce qui suit :
« Il y a environ trois mois, j’ai trouvé vers deux heures après-midi, dans une rue dont je ne me rappelle pas le nom, près du Cours, un sac en toile, comme un sac de plomb, qui contenait des pièces d’or, des pièces de 5 francs en argent, des billets de banque, une montre et des papiers. J’ai placé ce sac dans mon mouchoir et je l’ai porté à ma mère qui l’a remis à mon père. Mon père a ensuite brûlé les papiers qui étaient dans le sac en disant qu’ils ne valaient rien et il m’a bien recommandé de ne rien dire à personne, mais je l’ai dit quand même à mon frère. Je n’avais jamais vu de montre à mon père avant cette époque. Je n’ai pas compté l’argent qui se trouvait dans le sac. »

Conduit sur les lieux, cet enfant a désigné d’une façon peu précise la rue des Chapeliers, près la rue des Bagniers, comme étant l’endroit où il a trouvé le sac en revenant d’acheter du cirage.
Nous avons ensuite procédé à une visite domiciliaire, muni d’une délégation de M. le juge d’instruction, chez le sieur Bonancea dit Boulanger, Jean-Baptiste, âgé de 44 ans, sujet italien, demeurant rue de la Fonderie, n°15, à Aix, près des deux enfants ci-dessus, laquelle ne nous a fait découvrir qu’une montre en argent, ancien modèle, et deux reçus de cent francs chacun, en date du 5 décembre 1873 et 4 janvier 1874, pour la location de la maison dont il est le principal locataire.
Le sieur Bonancea, interrogé par nous, répond qu’il a acheté la montre, tantôt à Manosque, tantôt à Aix, pour le prix de 18 francs d’un individu qu’il ne peut nous désigner. Il affirme que les 200 francs de location qu’il a payés proviennent de son travail et de celui de sa femme qui était nourrice et que son fils Baptistin ne lui a jamais apporté de sac contenant des valeurs.
Nous trouvons sur lui une somme de 62 francs, se composant d’une pièce de 20 francs et une pièce de 10 francs en or, deux pièces de 5 francs en argent, une pièce de deux francs et d’un billet de banque de 20 francs.
Il prétend avoir apporté d’Italie les deux pièces d’or.
Il résulte en outre des renseignements recueillis que, il y a peu de mois, le sieur Fageon, maître tanneur aux Infirmeries, à Aix, a perdu dans le quartier où le sac a été trouvé par le jeune Baptistin des valeurs importantes, mais nous n’avons pu l’entendre, attendu qu’il se trouve en voyage.
Le jeune Baptistin Boulanger, interrogé de nouveau sur la montre trouvée chez son père, dit qu’il ne se rappelle pas si elle était dans le sac, mais il maintient qu’il ne l’avait pas avant qu’il ait trouvé ledit sac.
Le sieur Bonancea dit Boulanger, étant prévenu de vol, nous l’avons fait conduire devant monsieur le Procureur de la République pour y être laissé à sa disposition.
Fait à Aix, etc.

  • Registre de police d’Aix-en-Provence

[1] Le cours Mirabeau.