Le 2 mars 1868, une vieille dame, la veuve Chaffrey était agressée par trois individus dans une rue de Marseille. Ses agresseurs étaient trois membres de la même famille, Mademoiselle C., son cousin et sa tante.
Malheureusement, la pauvre dame ne parvint pas à se remettre des coups qu’elle avait reçus et elle mourut quelques jours plus tard.
C’est dans ce contexte que, le 17 avril suivant, les trois prévenus comparaissaient devant la chambre correctionnelle de Marseille, sous la présidence de M. de Mougins-Roquefort.
L’accusation considérait que la demoiselle C. était celle qui avait porté les premiers coups à Mme Chaffrey. Sa tante, Mme T., est ensuite venue l’aider, bientôt suivi de son cousin.
Dans la rixe, il y avait eu des vêtements déchirés, des chevelures tirées et des chignons jetés au vent.
Naturellement les prévenus s’efforcèrent d’atténuer les faits qu’on leur reprochait.
Des femmes témoins de l’histoire furent appelées à la barre. Mais, parlant un patois qui était un mélange de provençal et d’italien, certaines parties de leur discours resteront secrètes.
Le président appela la tante ensuite.
« Que répondez-vous aux charges qui s’élèvent contre vous ? lui fit-il.
— Je rendais les coups que je recevais, répondit-elle.
— Vous avez frappé assez fort, puisque le bâton s’est cassé sur les bras de la veuve Chaffrey », précisa le président.
Des murmures surgirent dans la salle.
Le président, s’adressant à une témoin féminine coiffée d’un fichu coloré, lui demanda :
« Quel est votre âge ?
— Quatre-vingt-deux ans.
— Je vous en fais mon compliment, vous les portez bien. (Rires dans la salle.) Il paraît que l’air est bon à Saint-André ! »
Un officier de santé de soixante-cinq ans, portant des lunettes, vient déclarer que la veuve Chaffrey avait l’humeur quelque peu procédurière et qu’elle venait souvent chez lui lui demander des certificats pour produire en police correctionnelle.
Le président à Mlle C., la prévenue : « La veuve Chaffrey se portait-elle bien ? »
Réponse : « Elle était plus grande que moi. »
Le président : « La taille ne fait rien à la santé. »
Finalement, l’avocat de la défense, Me Germondy, plaida l’acquittement des trois prévenus, faisant valoir l’humeur querelleuse de celle qui n’était plus et son penchant à l’ivrognerie.
Le tribunal, après avoir entendu la défense, condamna la demoiselle C. à quinze jours de prison, la femme T., la tante, à vingt jours, et le jeune T., fils de la précédente, à huit jours.
Et l’affaire était close…
- Source : Le Petit Marseillais, 21 avril 1868, p. 3, 4.