Le voyageur et le cheval aveugle (Embrun, novembre 1872)

Vers 19 heures, un jour de novembre 1872, alors que la lumière du jour avait fortement décliné, un marchand de volailles venant du Piémont voyageait dans les environs d’Embrun (Hautes-Alpes) et traversait un village dans une voiture attelée d’un cheval, non munie d’une lanterne allumée, ce qui le mettait en contravention des règlements routiers.
Il croisa un agent de la force publique qui, voyant la voiture sans lumière, l’aborda en lui lançant la formule séculaire : « Au nom de la loi, je vous somme d’arrêter ! »
Voiture à cheval. DR.
Voiture à cheval. DR.
À cette injonction, l’attelage stoppa immédiatement sa route et l’agent s’avança au niveau du contrevenant.
« Pourquoi cette voiture n’est-elle pas éclairée ? », lui demanda-t-il.
L’homme lui répondit dans le dialecte du Piémont : « Mon caval a ouilles tourna, lui pas veder loumière, per que fare la candelle ? », c’est-à-dire quelque chose comme « Mon cheval a les yeux tournés. Il ne peut pas voir la lumière. À quoi bon lui servirait une lanterne ? ».
L’argument était imparable et l’agent se trouva dépourvu de contradiction. Au bout d’un court moment, il laissa repartir le marchand piémontais, se contentant de lui dire : « Une autre fois, ayez soin de ne plus prendre votre cheval aveugle pour voyager la nuit. »
  • Source : La Durance, Embrun, 30 novembre 1872.

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