Émeute de gens affamés (Arles, 2 janvier 1752)

Le 2 janvier 1752, sur les sept heures du soir, de bons habitants préviennent les consuls qui étaient réunis dans l’Hôtel de Ville que, dans le quartier, il était attroupé un certain nombre de gens du bas peuple, les uns avec des armes à feu, la plus grande partie avec des tridents, des haches et des faux, ayant fifres et tambours : ils tenaient des discours séditieux ; ils projetaient de forcer les boulangeries, d’enfoncer certains greniers à blé […].
Les consuls demandent la raison de ce mouvement.
Les mutins réclament d’un ton de maître le blé à 8 livres le setier, le vin à 2 sols le pot, la franchise de la farine, le renvoi des paysans étrangers, sans quoi ils sont prêts à enfoncer les greniers, à piller les maisons des principaux habitants, à s’emparer de la ville et à exterminer tous les paysans étrangers.
[…] Le consul Gros lui répond brutalement.
Un des mutins braque son pistolet, le consul leur promet de leur faire livrer du blé à crédit ou à bas prix, de leur distribuer du pain et de leur fournir du travail.
Même mutinerie du côté de la place. Elle se poursuit jusqu’à une heure de la nuit.
Impuissant à maîtriser la sédition, le consul fait demander un régiment à Nîmes.
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Le lendemain, 3 janvier, les mutins était quatre cents, ils menaçaient l’Hôtel de Ville. Les consuls sollicitent l’intervention de l’archevêque de Jumillac ; il apaise la foule, il obtient de Gros [le consul] qu’il ouvre ses greniers. Comme il se présente des gens qui peuvent acheter du blé, le lendemain, il est décidé à l’Hôtel de Ville que les distributions seront faites aux personnes nanties d’un certificat, par lequel leur curé atteste leur pauvreté.
Le 4 janvier, l’archevêque fait lui-même la distribution de pain à l’Hôtel de Ville.
Un « insolent » alla jusqu’à demander une distribution d’argent : il fut emprisonné.
Un conseil dans la forme fut tenu, présidé par l’archevêque, au milieu de quatre conseillers, membres du chapitre. Il y fut délibéré que nobles et bourgeois prendraient les armes pour se garder.
Si cette belle résolution avait été prise le même soir que cette poignée de mutins fit sa première démarche, cette hydre prétendue aurait été étouffée à sa naissance, et on n’aurait pas alarmé la Ville, la Province, le Royaume, la Cour à laquelle on fit un portrait si affreux de cette révolte, qui n’était rien au fond. Vingt-deux mutins furent arrêtés, emprisonnés.Les distributions se continuèrent.
Le 6, arrive le royal italien, avant-garde et bataillon, pour relever la garde bourgeoise. Ils devaient peser surtout sur les artisans, absolument étrangers à l’émeute.
Le 9, la distribution cesse. La noblesse et la bourgeoisie adressent des remerciements à l’archevêque.
Le 11, le régiment italien est relevé par le régiment de Brissac. Le 12, départ du régiment italien ; l’on commence le procès des prisonniers transférés à Aix, d’après le jugement : François Ribe, le tambour de la révolte, fut condamné à être pendu, six mutins furent condamnés par contumace à être pendus en effigie, huit aux galères à vie, quatre à 10 ans, un à 5 ans, tous ceux-là par contumace ; cinq, dont le fils du tambour, à faire amende honorable, à être marqués, aux galères à vie ; deux à 15 ans, deux à 10, un à 3 ans ; une femme à être fouettée par les carrefours d’Arles, etc.
Le malheureux Ribe fut pendu à 25 pieds sur terre « afin que rien ne fût capable de le cacher à la vue du public ». Après l’exécution, le bourreau marqua, sur l’échafaud, les condamnés GAL. sur l’épaule.
Le récit se termine en des termes d’attendrissement sur la séparation des prisonniers quittant leurs familles pour Toulon.

Photographie : Vue générale de la ville d’Arles depuis Trinquetaille. DR.