[Provençal] Damisello Elia

DAMISELLO ELIA me semoundeguè aquesto carto poustalo de Miramas emai me la countè tambèn. N’en vaqui lou raconte :

Sus aquesto carto poustalo, i’a un moussu em’un capèu mòu e uno cano : èro moussu Pons. Se tèn davans soun magasin de grano. Un entre-paus qu’eisistavo encaro i’a quàuquis annado d’acò. Lou couneissiéu bèn bord que restave just procho d’aqui.

Miramas. Avenue de Saint-Chamas. Cliché Parraud.

Miramas. Avenue de Saint-Chamas. Cliché Parraud.

Quouro ère pichouneto, quouro manjave dins li 5 an, èro toujour ma sorre einado qu’avié lou dre de faire li croumpo e l’unico que ma mama me fisavo, èro d’ana querre dous iòu fres. Me mandavo de-vers moussu Pons e me faguè :
« Vaqui, Elia. Te doune de mounedo. Vai croumpa dous iòu fres. Vous li farai couire à la coco. Mèfi ! Tèn bèn li sòu e li semeno pas. » Coume èro pichoto, me regardavo m’aliuncha de pòu de sabe pas de-que…
Me vese encaro intrant dins lou magasin. La dono que m’aculissié cargavo un fichu de franjo blanco coume avans e uno blodo negro.
Pausave li dardeno sus lou coumtadou e demandave li dous iòu fres. Darrié l’entre-paus de moussu Pons, dins la cours, se troubavo un galinié. Alor, afin de me faire gau, la damo sourtié e revenié lèu emé dous bèus iòu que noun plagavo dins de journau fin que pousquèsse agué lou plesi de li touca.
« Ah ! Noun ! cridave un jour. Ma mama m’a di de croumpa dous iòu fres … pas caud ! »
Aquéu jour d’aqui, la damo m’espliquè bèn que lis iòu èron fres bord que la galino venié tout bèu just de poundre  e qu’èron caud coume soun cors.
Mai fauguè que ma maire me lou diguèsse encaro un cop pèr que coumprenguèsse enfin e que faguèsse alor fisanço !

MARTINO BAUTISTA

*

MADEMOISELLE ELIA m’offrit cette carte postale de Miramas et de plus elle me la raconta. Voici le récit :

Sur cette carte postale, il y a un monsieur avec un chapeau mou et une canne : c’était monsieur Pons. Il se tient devant son magasin de graines. Un entrepôt qui existait encore il y a quelques années de cela. Je le connaissais bien car j’habitais tout près de là.
Quand j’étais petite, vers 5 ans, c’était toujours ma sœur aînée qui avait le droit de faire les commissions et la seule que ma mère me confiait, c’était d’aller chercher deux œufs frais. Elle m’envoyait chez monsieur Pons et me disait : « Voici, Elia. Je te donne la monnaie. Va acheter deux œufs frais. Je vous les ferai cuire à la coque. Attention ! Tiens bien les sous et ne les perds pas. » Comme j’étais petite, elle me regardait m’éloigner de peur de je ne sais pas quoi…
Je me vois encore entrant dans ce magasin. La dame qui m’accueillait portait un fichu à franges blanches comme avant et une blouse noire. Je déposais l’argent sur le comptoir et je demandais les deux œufs frais. Derrière l’entrepôt de monsieur Pons, dans la cour, se trouvait un poulailler. Alors, afin de me faire plaisir, la dame sortait et revenait vite avec deux beaux œufs qu’elle n’emballait pas dans un journal pour que je puisse avoir le plaisir de les toucher.
« Ah non ! m’écriai-je un jour. Ma mère m’a dit d’acheter deux œufs frais… pas chauds ! »
Ce jour-là, la dame m’expliqua bien que les œufs étaient frais parce que la poule venait tout juste de les pondre et qu’ils étaient chauds comme son corps.
Mais il fallut que ma mère me le redise encore un coup pour que je comprenne enfin et que je fasse alors confiance !

MARTINE BAUTISTA