« Joseph Jacob n’a pu recevoir les sacrements à cause de l’éloignement et de la rigueur de la saison. On me vint avertir le vendredy matin 15 pour luy aller administrer les sacrements et l’on pria en même tems MM. les notaires d’y monter pour recevoir son testament, mais la saison etoit si rigoureuse, les chemins si pleins de neige qui tomboit toujours avec une terrible bize qu’aucun notaire n’eut le courage d’y aller. Je partis sur les neuf heures du matin en portant avec moy le trez St Sacrement, mais quand nous fumes a milieu chemin de Calleyere, il vint des hommes exprez nous annoncer qu’il etoit mort. J’envoyay incessant un exprez a la ville faire sonner au clocher de la grande Eglise et faire sonner la petite clochete par la ville afin que la Confrairie du tres St Sacrement vint a la porte de la ville a la rencontre du St Sacrement que je fus obligé de raporter, a la metropolle, ou je donnay la benediction a la maniere acoutumée.
« Le lendemain samedy 16e on porta a la ville le corps dud. Jacob pour l’inhumer, les chemins etoient si mauvais que près de trente hommes qui s’ayderent a le porter resterent depuis le chateau de Caleyere jusques a la ville depuis le grand matin jusques a onze heures avant midy.

« C’estoient Joseph et Jacques Honnoré, frères, avec Champsaur, vallet de mon frere le juge. Malgré leur secours, je tombay deux ou trois fois et ma toise s’enfonca prés de 5 pieds dans la neige. Enfin nous arrivames et entrames dans la maison de Joutelle precisement a la nuit clause. J’ordonnay la benediction du St Sacrement a ceux qui lavoient accompagné et je les fis rettirer dans lescurie pendant le tems que je confessay ma malade, que je communiay et a qui je donnay tout de suite la ste Extremonction. Je fus edifié de voir tant de monde accompagner le St Sacrement dans une si mauvaise saison, dans un tems si affreux et par des chemins si difficilles. Je comptay et j’escrivis le nom de touts, qui se monta a quarante hommes. Ce fut un effet de la providence, car sans un si grand nombre de personnes assemblées a l’occasion de l’enterrement de Joseph Jacob, il auroit absolument esté impossible d’avoir pû penetrer jusques au domaine de Joutele administrer les sacrements a cette personne malade. Aussy, dez quelle les eut reçus, nous nous en revinmes en Caleyere a la lueur des lanternes que nous avions porté et de fagots de paille dont nous fimes provision au Jotele et que nous alumions pour nous eclairer. Nous revinmes avec peine, tant a cause de la nuit que de la neige qui, tombant toujours avec le vent, avoit demasqué la trace que nous avions fait en allant. Mais nous etions si consolez d’avoir pu secourir la malade que nous vinmes toujours en chantant le Tedeum, des pseaumes et des cantiques en actions de grace. Enfin j’arrivay au chateau de Caleyere sur les 10 a 11 heures du soir, ou je couchay. Le landemain dimanche, j’y dis la messe et confessay et communiay plusieurs malades et infirmes, et aussy plusieurs sains, par dévotion. »
- Registre paroissial d’Embrun (Sainte-Cécile), 1724
- Archives départementales des Hautes-Alpes