Une chute dans le ravin (Rabou, 10 septembre 1893)

Rabou une dizaine d'années après la mort de Chambon. DR.
Rabou une dizaine d’années après la mort de Chambon. DR.
Originaire du petit village d’Aubessagne, dans le Champsaur (Hautes-Alpes), Joseph Chambon était un vieux berger installé dans les montagnes au nord de la commune de La Roche des Arnauds, et même du petit village de Rabou, site reculé et isolé car très montagneux, situé sur le versant sud de la montagne de Chaudun. Âgé de 62 ans, au moment de notre histoire, il avait pris pour habitude de faire paître ses moutons dans les montagnes de Rabou, vivant non loin au lieu-dit de La Crotte[ref]La Crotte n’est plus habitée aujourd’hui. Tout juste y trouve-t-on encore les ruines d’une vieille chapelle, culminant à 1313 mètres d’altitude.[/ref]. Toujours accompagné de ses deux mulets, c’était un personnage bien connu des habitants de Rabou qui le voyaient débarquer de temps en temps dans le village pour y chercher des provisions.
Avant de repartir, il ne manquait pas de s’arrêter au café où, entre deux verres, il parlait avec quelque habitant avant de reprendre la route de sa montagne.
Ce jour de septembre 1893, c’est dans un état second, car très fortement alcoolisé, qu’il avait quitté le café et qu’on l’avait vu prendre le chemin, forcé de se faire traîner par son mulet qu’il tenait la queue, car l’animal n’avait pas besoin qu’on le guide, habitué qu’il était à faire la route. Personne ne s’était réellement inquiété, malgré la tombée de la nuit – il était 19 heures –, le voyant partir sur un sentier dangereux. Après tout, on était tellement accoutumé à ses allers et venues qu’il faisait partie du paysage des Raboutins[ref]Habitant de Rabou.[/ref].
Passé le village, le chemin devient après quelques centaines de mètres un vilain sentier escarpé sur lequel il faut être vigilant car il est à flanc de montagne et ne présente qu’une végétation très éparse, répartie dans un paysage de cailloux et de rochers (et la dénivellation est raide !)
S’éclairant du mieux qu’il pouvait et ne possédant pas toutes ses capacités, Joseph Chambon, quelques mnutes après sa sortie de Rabou, fit un faux pas involontaire et ses pas chassèrent sur les cailloux instables. Sous l’effet de la surprise, il lâcha la queue du mulet mais ne parvint pas à trouver un endroit où s’accrocher, en raison de la topographie du lieu et de la nuit complètement tombée.
Et ce fut la chute ! Une dégringolade de cent mètres sur la pente instable, heurtant à tout moment pierres et rochers de ses membres, de son buste, mais aussi de sa tête. Dans la chute, il poussa un vif cri que l’écho porta au loin et qui alerta les habitants du voisinage.
Ceux-ci accoururent à la recherche du malheureux, espérant qu’il se tirerait de l’accident sans trop de dommage. Hélas, lorsqu’ils le retrouvèrent, cent mètres en-dessous du sentier des Bans[ref]Appelé aujourd’hui « sentier des Bancs ».[/ref], l’homme gisait dans une mare de sang et il présentait de très graves fractures au visage. Ce fut donc dans un état désespéré qu’il fut porté jusqu’à Rabou où on l’hébergea dans la mairie. Il mourut quelques instants après.
  • D’après La Lanterne, 12 septembre 1893.

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