Préhistoire et Protohistoire
Les sites de la Pène
Un site du Chalcolithique ou du Néolithique final a été mis au jour sur la chaîne de la Pène, au lieu-dit le Touret de Roquerousse. Des céramiques de très mauvaises qualité y ont été découvertes, prouvant que les anciens marais des Baux étaient une zone peuplée dès les temps les plus reculés1.
Au lieu-dit Saint-Jean, à la Pène, des traces de labour profonds et les vestiges de deux cabanes des IIe et IIIe siècles ont été découverts par l’archéologue Otello Badan2.
Au Touret de l’Isle, un habitat du Ier siècle av. J.-C. a été découvert, accompagné de céramiques et d’amphores italiques et gauloises2. Non loin, au Deven, une dizaine de cabanes aux murs en pierre sèches ont été signalées. Des céramiques massaliètes y ont été trouvées2.
Peuplement gaulois
La chaîne des Alpilles marque la frontière nord des tribus indigènes que constituaient les Nearchi d’Ernaginum et les Anatilii du nord de la Crau4. Les découvertes archéologiques faites ces dernières années montrent que ces populations étaient constituées majoritairement de bergers et d’agriculteurs.
Oppidum du Castellas
L’oppidum du Castellas, près du mas de Verassy, a été décrit par des auteurs grecs et romains qui attestent de son peuplement à la fin de la Préhistoire. Ce site se situe au commencement du chemin des Plaines-Marguerite1. Son altitude maximale se situe à 121 mètres, mais sur sa pente méridionale, à une altitude de 55 mètres, on note la présence de constructions gallo-romaines et notamment des restes d’une salle dallée avec un foyer et des bases de colonnes2. Cette salle pourrait être une cour. Selon H. Tréziny, il pourrait s’agir d’un édifice public, comme un lieu de culte, lié à l’oppidum2. Une inscription votive y a été mise au jour.
Des pièces (oboles de Marseille de diverses formes, bronzes des Arécomiques) ont été découvertes sur le site avant 1960.
Un chemin protohistorique de pied de côte reliait le site aux autres oppida de la région : les Caisses de Jean-Jean (Mouriès), le Castelas (Aureille), Lamanon5. Ce chemin passait plus au nord que la voie Aurélienne, plus tardive.
Le site du Castellas est créé à la fin de l’âge du Fer après une longue période de désertification du sud des Alpilles, alors que les populations rurales émigraient vers l’opulent comptoir grec d’Arles. Contemporains du Castellas, les sites de Glanum et d’Ernaginum sont en pleine expansion. Le Castellas ne semble toutefois pas avoir bénéficié d’une population aussi nombreuse. Il s’agit d’un habitat en dur qui se distingue de l’habitat préhistorique en matériaux légers5. En revanche, et malgré le nom du site, aucun trace de château (ou castellas en provençal) n’a été trouvée, même s’il semble que le Maussane protohistorique se trouvait bien là.
Alors que la romanisation est en route, les populations désertent la plupart des oppida, dont le Castellas, et émigrent vers les villae, provoquant du coup l’abandon définitif de ce site élevé.
Antiquité
L’aqueduc de Maussane à Arles
L’aqueduc de Mausssane, aussi dénommé aqueduc de Caparon, traversait les communes de Maussane et de Paradou. On pense qu’il captait ses eaux à la petite source du vallon de Manville7 et que la conduite était canalisée au moyen de porte-eaux. Des vestiges ont d’ailleurs été découverts sous le moulin de Manville et l’on pense qu’il a été construit sur l’aqueduc. Un autre aqueduc le rejoignait à Paradou, dont la source est formellement identifiée : ses eaux provenaient de l’Arcoule, au lieu-dit La Burlande6. Aux rochers de la Pène a été découvert un bassin de régulation des eaux de l’aqueduc possédant trois ouvertures qui donnaient sur autant de canaux.
L. de Boisseson a recensé neuf points de passage de l’aqueduc, pour l’essentiel au quartier de Flandrin. On peut aussi observer, dans la cave d’une maison de ce quartier, la voûte de la canalisation romaine. Plus loin, au quartier de la Remise, des moellons du piédroit gauche sont visibles2. Selon L. de Boisseson toujours, une ligne sombre repérée à l’aide de photographies aériennes pourrait signaler le passage de l’aqueduc au quartier du mas de Mérigot.
Le village à l’époque gallo-romaine
Contrairement à de nombreux villages de Provence, Maussane ne doit pas son plan à l’antiquité romaine. Il ne semble pas y avoir eu de bourg organisé. En revanche, de nombreuses villae y ont été construites sporadiquement. Ainsi, une de ces villae a été découverte à l’ouest du quartier des Fléchons. Divers objets accompagnaient cette découverte : de la sigillée du sud de la Gaule, des fragments d’amphores gauloise et africaine, des tuiles dans les murs et les champs2. Le site du château de Monblan, sans doute habité depuis le IIe siècle av. J.-C., voire le IIIe siècle av. J.-C., au vu de l’habitat mis au jour avec des fragments de céramique, a livré en 1933-1934 un bloc de pierre contenant une inscription originale : Sex(to) Fa/uonio / Eutyc(h)o (« À Sextius Favonius Eutychus »)8.
Au quartier de la Remise a été découverte en 1975 une stèle comportant les bustes d’un homme et d’une femme. Malheureusement, cette découverte ne put être photographiée car elle disparut rapidement2.
La vie quotidienne des hommes et des femmes qui habitèrent la région ne peut être restituée de manière précise. Selon Fernand Benoit, « une exploitation superficielle antique des minerais de fer des carrières de bauxite » aurait existé au quartier des Trencades, au nord de la colline du Castellas9.
Moyen Âge
Les villæ maussanaises (VIe‑XIIe siècles)
Les habitants du lieu sont alors soumis aux puissants seigneurs des Baux.
Au Xe siècle, alors que Pons le Jeune tient la maison des Baux, les habitants des villae de Maussane vont à l’office religieux en l’église de Paradou, alors dénommée Saint-Martin-de-Félaurie12.
Les guerres baussenques
Les seigneurs des Baux perdent temporairement une grande partie de leur territoire lors de la guerre de succession de 1156 qui se solda par la prise des Baux, d’Arles et de Trinquetaille par le comte de Barcelone, Raymond Bérenger, mais l’établissement d’un traité permet à Hugues des Baux, de conserver son château, ses pâturages et ses terres de la vallée, incluant Maussane. Mais une nouvelle attaque de Raymond Bérenger en 1161 provoque la prise d’Arles, de Trinquetaille et de trente places fortes de la famille de Baux13.
Maussane et les villages de la vallée reviennent dans le giron des Baux après la libération d’Hugues IV des Baux en 1206. Celui-ci s’était révolté contre le comte de Provence, Alphonse II, et avait été arrêté. Mais une intervention de gentilshommes provençaux lui permit de recouvrer la liberté et de récupérer de nombreuses terres, comme en témoigne le traité d’octobre 1206, formulé dans les termes suivants :
« Ildephonse, comte et marquis de Provence, donne en fief à Hugues des Baux et à ses successeurs le château de Mouriès et la villa de Mamuzane3 avec toutes leurs dépendances et tout ce qu’ils possèdent dans iceux, tant en hommes qu’en terres cultes et incultes, prés, pâturages, bois, fermages, justice et district ; en outre il en saisine et confirme audit des Baux, tout ce qu’il possède au nom de Barrasse, son épouse, dans la ville de Marseille, le bourg d’Arles et ailleurs, sous la condition de l’hommage et de la fidélité, lui accorde de plus la permission de pouvoir acquérir tout ce qu’il désirera dans le comté de Provence, sous la même condition de l’hommage14. »
Mais, très endetté en raison des guerres menées, Hugues doit céder une partie de ses possessions, comme la terre de Villeneuve en Camargue, le château de Montpaon, sur le terroir de l’actuelle Fontvieille, mais conserve les terres baussenques, dont Maussane.
Ancien Régime
La Réforme
La peste sous l’Ancien Régime
On ne connaît pas avec précision le nombre des morts de la Grande peste de 1720-1721 à Maussane. Selon Odile Caylux, 1 101 habitants des Alpilles ont été emportés par l’épidémie, dont 938 à Saint-Rémy et 108 à Orgon17. Quelques Maussanais ont probablement été du nombre. En témoigne l’érection au cœur du village d’un oratoire dédié à saint Roch, sensé protéger les populations de la peste.
La paroisse Sainte-Croix
Les habitants de Maussane ont de tout temps été contraints de célébrer le culte catholique en l’église Saint-Martin de Paradou. Cette situation causait de nombreux mécontentements au point de faire des tentatives auprès des autorités religieuses pour obtenir la création d’une paroisse. La première demande remonte au 6 mai 1681 à l’ocassion du passage à Paradou de Mgr de Grignan, M. de Laugier de Monblan requiert de celui-ci un vicaire résidant à Maussane1 et, ce, malgré la vive opposition des habitants de Paradou qui ne veulent pas voir disparaître leur paroisse21.
Mais la deuxième demande aura davantage de poids. Le début du XVIIIe siècle voit Maussane dépasser Paradou en nombre d’habitants. La demande de création d’une paroisse apparaît de plus en plus légitime. L’archevêque François de Mailly imagine le transfert de la paroisse Saint-Martin de Paradou vers Maussane. Du reste, la construction d’une église à Maussane est entamée. Malheureusement, l’année 1709 et son terrible hiver interrompent les travaux1. Les oliviers gèlent tous, toute l’activité de la vallée des Baux cesse du jour au lendemain. Il faudra attendre les années 1720 pour voir revenir une activité économique suffisante pour faire vivre les habitants.
Le 27 août 1750, Joseph Laugier de Monblan, seigneur de Monblan, achète un terrain au centre du village. Il s’agit d’un lieu d’entrepôt de toutes sortes de déchets issus de la culture des champs. C’est à cette endroit que va s’élever un édifice religieux qu’il va entièrement financer, afin de doter Maussane des meilleurs arguments pour obtenir la création d’une paroisse.
En fin de compte, la paroisse Saint-Martin de Paradou est conservée mais grandement amputée car la paroisse de Maussane est créée (1752) et le curé perpétuel, en la personne de M. Laugier, nommé21. Le 3 septembre 1754, l’église Sante-Croix est offerte aux Maussanais22. Le 27 septembre 1754, elle est consacrée par l’archevêque d’Arles, Jean-Joseph de Jumilhac.
En souvenir de la générosité du seigneur, une plaque est apposée sur le mur du côté du collatéral droit. On y lit, aujourd’hui encore : « À la mémoire de messire J. Laugier de Montblanc, fondateur de cette église, bienfaiteur des pauvres, etc., né en 1708, décédé en 1775, les habitants de Maussane reconnaissants. »
Le campanile n’étant pas achevé, car de Monblan souhaitait que les Maussanais en réalisent l’ouvrage pour avoir le sentiment d’avoir travaillé à leur propre église, une incompréhension se fait jour, certains estimant que le seigneur n’a plus d’argent pour achever le bâtiment. Pour faire taire ses détracteurs, de Monblan fait réaliser à ses frais un pont près de son château1.
Finalement, cet homme restera de longues décennies en odeur de sainteté dans le village, même bien après sa mort.
Révolution
Comme l’ensemble de la Provence, Maussane a connu une période post-révolutionnaire très agitée, particulièrement après la chute de Robespierre (9 thermidor an II). De nombreux événements ont plongé le village et toute la vallée des Baux dans la Terreur blanche.
À l’issue de la Révolution, Maussane est aux mains des Jacobins, mais la vie civile ne parvient pas à s’organiser en raison des perturbations apportées par des éléments extérieurs au village1. Les idées révolutionnaires ne rencontrent pas de véritable résistance. Une Garde nationale est créée en janvier 17911. Une société populaire, les « Amis de l’Égalité et de la Liberté » (plus tard rebaptisée « Amis de la Liberté, de l’Égalité et de la République ») se crée en septembre 1792. Dans le village, toutefois, les révolutionnaires ne sont pas extrêmement virulents contre les représentants de l’église catholique. L’église Sainte-Croix ne fait l’objet d’aucune déprédation, la personne du prêtre, Pierre Vincent, est respectée23, même s’il se rétracte après avoir abjuré24.
L’arrêté du 8 brumaire an IV (30 octobre 1795) provoque l’éclatement du territoire des Baux en quatre communes distinctes : Les Baux, Maussane, Mouriès et Paradou. Maussane devient chef-lieu de canton25.
L’arrivée de la Terreur
Le chaos est total. Les autorités municipales, incapables de gérer la crise et menacées par la fureur de la population, démissionnent en juillet 1793 et sont contraintes de fuir pour Arles. Leurs biens sont pillés27.
Le calme mettra plusieurs années a être complètement restauré. Le dernier meurtre politique est perpétré à Maussane le 22 ventôse an VIII (13 mars 1800) : un révolutionnaire extérieur à la commune est retrouvé assassiné au vallon de Valoste (près des Calans)28.
Époque contemporaine
La tranquillité est seulement troublées par quelques épidémies sporadiques, dont une de choléra en 1865 qui provoque la mort de sept personnes. La contamination provenait de deux marchands ambulants venus de Marseille29.
Notes
2. « Les Alpilles et la Montagnette », Carte archéologique de la Gaule, t. 13/2, 1999, p. 203-207, (ISBN 978-2877540599).
3. Dans la même phrase, « villa de Mamuzana » est mis en pendant avec « castrum de Morerits » (« castrum de Mouriès ») ce qui pourrait indiquer que Maussane ne possédait pas de castrum au cours du Moyen Âge.
4. « Le peuplement à l’époque gauloise : les Salyens », in Les Alpilles…, op. cit., F. Verdin, p. 141.
5. « Les oppida des Alpilles », in Les Alpilles…, op. cit., Y. Marcadal, p. 143-7.
6. « Les aqueducs antiques d’Arles », in Les Alpilles…, op. cit., J.-L. Paillet, p. 37-39.
7. Ce lieu est connu sous le nom provençal de Font di fèbre (« fontaine des fièvres »).
8. Cette découverte est particulièrement intéressante car c’est la première fois que le nomen Favonius est retrouvé en Gaule narbonnaise.
9. Cité in Carte archéologique de la Gaule…, op. cit.
10. Provençal castelas, « grand château ».
11. Visite du mas Saint-Roman.
12. Les Baux et Castillon, Louis Paulet, 1902, rééd. C. P. M. Marcel Petit, Raphèle-les-Arles, 1986, p. 14.
13. Les Baux et Castillon, op. cit., p. 26.
14. Trad. par Louis Paulet, in Les Baux et Castillon, op. cit., p. 30.
15. « La Réforme », in Les Alpilles…, op. cit., G. Audisio, p. 173-5.
16. Histoire des martyrs, Jean Crespin, t. 3, p. 374-382.
17. « Les épidémies de peste dans les villages des Alpilles », in Les Alpilles, op. cit., O. Caylux, p. 175-7.
18. Lire au sujet de l’épidémie de 1581, l’article Peste d’Arles (1579-1581).
19. Selon l’abbé Louis Paulet, historien des Alpilles (XIXe siècle).
20. Les miliciens sont réquisitionnés de force et par un tirage au sort parmi les habitants mâles de la Vallée des Baux. Les hommes non choisis sont pour leur part tenus de contribuer financièrement à l’entretien de ces milices.
21. Les Baux et Castillon, op. cit., p. 221-5.
22. Voir sur Wikipédia la partie consacrée à la description de l’église Sainte-Croix.
23. Il faut sans doute voir dans ce respect le souvenir pieux laissé par la personne de Joseph Laugier de Monblan, bienfaiteur de Maussane par ses dons pour la construction de l’église. De plus, le curé Vincent était déjà en service lors de la mort du seigneur (1775). Il avait veillé sur son corps jusqu’à sa mise en sépulture, à Arles.
24. « La Révolution dans les Alpilles » in Les Alpilles, op. cit., V. Autheman, p. 177-9.
25. L’arrêté consulaire du 17 frimaire an X rattachera Maussane au canton de Saint-Rémy.
26. « Les cinq pendus de l’Escampadou », geneprovence.com.
27. Les Baux et Castillon, op. cit., p. 231-325.
28. « L’assassinat d’un patriote », geneprovence.com.
29. « Comment le choléra est entré à Maussane en 1865 », geneprovence.com.
En octobre 2009, j’ai écrit pour l’encyclopédie Wikipédia cet article sur l’histoire de Maussane-les-Alpilles. Ce texte, ainsi que ses illustrations ont été placés sous licence Creative Commons 3.0.