« Nous maire et consuls de cette communauté d’Aubagne, certifions et attestons que le vingt-trois du présant mois de mars mil sept cens neuf, Mathieu Isnard, de ce dit lieu, estant au devant sa porte sur les quatre heures de matin pour charger son mulet de serments pour les porter à moudre en la ville de Marseille, il vit venir un loup qui se jetta sur luy pour le dévorer et luy ayant mis les pattes sur les espaulles, commenssa à luy déchirer le visage, luy ayant emporté une partie de la joue et rompu une dent.
Ce que voyant ledit Isnard luy porta un coup de pied au ventre qui l’obligea à abandonner, mais appréhendant qu’il ne revint aux prises, ce qui arriva, il entra pour chercher une barre de bois, laquelle il trouva heureusement et revint sur la porte un estant, ce loup enragé retourna pour se jetter une seconde fois sur luy et le dévorer, sy ledit Isnard luy ayant porté un coup de cette barre ne luy eût donné sur le nés qui, l’ayant estourdy de ce coup, le tomba par terre. Et alors ayant crié au secours y accourut des voisins qui voyant cet accident et que ledit loup estant un peu revenu de son étourdissement commenssait à remuer pour se rellever, ils achevèrent de le tuer, et le jour estant arrivé on aprit que ce loup estait venu venu du costé de Marseille et qu’il avait dévoré plusieurs personnes qu’il avait rencontré long le chemin, entre autres un garçon de Gémenos qui s’en allait à Marseille, qui avait le crâne de la teste emporté et une oreille dont il en mourut l’ayant longtemps traisné parterre ; une femme dudit Aubagne qui a une joue emportée et plusieurs dents cassées qu’on croit qu’elle en mourra ;
Jean David, du mesme lieu, allant aussy à Marseille, eut rencontre de ce loup qui luy sauta dessus et luy déchira tout le visage, en grand danger de la vie1 ;
La femme de Charles David, dudit Aubagne, avec sa fille, ont aussy eu leurs visages tous déchirés qu’il a fallu les coudre ; une demoyselle de Toulon, aussy à Marseille avec un homme pour la conduire et une autre femme furent attaqués par ce loup et dangereusement blessés au visage et mesme leur bourrique fust mordue et blessée sans que ledit homme eut le temps de mettre main à l’espée qu’il avait à son costé et plusieurs autres personnes tant du voisinage de ce lieu que en terroir de Marseille, qui se plaignent du ravage que ce loup a fait, et d’autant que ledit Isnard se trouve griefvement blessé et en grand danger de la vie, n’ayant pas de quoy survenir à sa maladie et n’estant pas en état de pouvoir travailler pour secourir sa famille.
On ne doute pas que le public ne soit porté à le secourir, tant par charité que pour avoir coupé chemin au ravage que cette beste enragée aurait pu faire dans les lieux circonvoisins, et pour certifier la vérité de ce que dessus nous luy avons fait ces présantes qu’avons fait dresser et fait apposer les armes de la ville par nostre secrétaire qui s’est avec nous soubsigné.
- Archives communales d’Aix-en-Provence, CC396.
1. Jean David est décédé à 45 ans le 16 avril. La cause en est quasi-certaine : la rage.
ça fait froid dans le dos, cette histoire…
surian