- Source : Roux-Alphéran, « Les Rues d’Aix », 1848, tome 1
La maison qui fait le coin de la rue Beauvezet, à droite de la ruelle qui conduit à la place de l’Annonerie-Vieille, fut, pendant la nuit du 10 au 11 décembre 1748, le théâtre d’un événement tragique occasionné par la funeste passion du jeu. Le chevalier de G., qui occupait le premier étage de cette maison, avait passé la soirée chez M. le duc de Villars, gouverneur de la province, où l’on jouait habituellement très gros jeu et où il avait perdu une somme considérable.
Il sort vers minuit pour aller chercher encore de l’argent et rentre chez lui à petit bruit, sans réveiller ses domestiques. En traversant sa chambre à coucher, il aperçoit de la lumière dans le cabinet attenant et ne doutant pas qu’un voleur ne s’y soit introduit, il met l’épée à la main et avance en criant : « Qui va là ? »
Le voleur, averti par ce cri inattendu, éteint la bougie et cherche à s’enfuir en regagnant l’escalier qu’il connaissait bien. Mais il est atteint par un coup d’épée que le chevalier de G… lui donne malgré l’obscurité qui les environnait, ce qui ne l’empêche pas de retrouver la porte de la rue et de s’évader. Le chevalier sort aussitôt après et, au lieu de le poursuivre, retourne chez M. de Villars où il raconte ce qui vient de se passer. Chacun en rit et en plaisante ainsi que lui; mais quels ne furent pas les regrets et la consternation de tous, lorsqu’on apprit le lendemain matin, qu’un jeune homme de qualité dont le nom s’éteignit avec lui, avait été trouvé mort sur un banc du cours, vers la rue de la Miséricorde, ayant perdu tout son sang à la suite d’un coup d’épée qu’il avait reçu ! Le malheureux avait joué et perdu aussi chez M. de Villars, et voyant le chevalier de G… trop occupé de son jeu, pour qu’on pût croire qu’il songeât à se retirer, il avait conçu le fatal projet d’aller le dépouiller en son absence, d’une somme d’argent qu’il lui connaissait.