Dans la soirée du samedi 19 août 1871, les gendarmes Raynaud et Chastanier, de la brigade de Pertuis, allaient en correspondance à la Bastidonne.
Vers onze heures et demie, ils se trouvaient en avant de la borne kilométrique no 63, à quatre kilomètres de Pertuis, à deux kilomètres de la Bastidonne, lorsqu’ils aperçurent, au milieu de la route, une large tache noirâtre ; au sommet de cette tache, ils trouvèrent un livret portant le nom d’Oscar Loneux. Ils remarquèrent alors, se dirigeant du côté nord de la route, une trace semblable à celle qu’aurait produite un corps humain traîné dans la poussière. Ils suivirent cette trace ; et, bientôt, ils découvrirent sur des ronces bordant le fossé en contrebas de la route le cadavre d’un homme jeune, grand et vigoureux. Ce cadavre était celui d’Oscar Loneux, âgé de 26 ans, ouvrier charpentier, venant de la Brittane et se rendant à Mérindol.
Le juge de paix de Pertuis et les magistrats d’Apt, informés de ce crime, se transportèrent successivement sur les lieux ; ils y procédèrent aux constations suivantes :
Le crime
Au milieu de la route, on voyait une traînée continue de sang d’une longueur de sept mètres et d’une largeur de 10 à 12 centimètres. Cette traînée avait son départ dans une mare de sang, à côté et à 25 centimètres de laquelle se trouvait une autre tache de sang de 30 à 35 centimètres de diamètre. Entre cette seconde tache et le talus du chemin, on remarquait la traînée du cadavre jusqu’à un amas de pierres d’où le malheureux Loneux avait été précipité sur les buissons auxquels il était resté suspendu.
En amont des deux mares et sur une longueur de 21 mètres environ, on observait des gouttes de sang parsemées ; à chaque distance d’un pas d’homme correspondait une goutte principale et autour d’elle plusieurs petites gouttes ; on eût dit que l’on avait secoué là une main ensanglantée.
Sur ce parcours, une baguette de pistolet avait été abandonnée par les assassins ; elle fut reconnue plus tard comme étant celle du pistolet volé au malheureux gardien du pont de Mallemort.
Sur ce parcours encore, et longeant les gouttes de sang, une empreinte de pied d’homme se distinguait des autres empreintes laissées sur le sable de la route ; c’était celle d’une chaussure ferrée, dite galoche, généralement portée par les ouvriers piémontais.
Le cadavre de Loneux présentait deux plaies à la partie antérieure du cou. L’une, à gauche, sous le maxillaire inférieur, légèrement triangulaire, longue d’un centimètre, profonde d’un centimètre et demi, avait été produite par un poignard ou un couteau pointu. L’autre, sur le côté droit du cou, sous le maxillaire inférieur, et dirigée dans le sens de la branche horizontale de cet os, était large, béante, de forme triangulaire aussi. Elle commençait en avant, immédiatement après la trachée artère, et s’étendait en arrière sur une longueur de 8 à 9 centimètres. Les muscles du cou, les nerfs, la carotide primitive de ce côté, avaient été complètement divisés. La pointe de l’arme était venue se perdre dans le pharynx et n’avait été arrêtée que par les apophyses transversales des vertèbres cervicales.
Ces deux blessures avaient été produites avec le même instrument ou avec deux instruments semblables. La première, celle de gauche, avait été faite à la victime par un assassin placé en face d’elle.
La deuxième, celle de droite, avait été faite par un assassin placé derrière la victime, dont il maintenait le bras gauche, tandis que la main droite et de bas en haut, il frappait la partie droite du cou.
La mort avait été rapidement déterminée par l’hémorragie qui avait suivi la section de la carotide et par l’asphyxie résultant de la pénétration du sang dans les voies aériennes.
La tête, la face, les mains, les autres parties du corps n’offraient aucun signe de lutte ou de violence. Les coups portés à l’improviste par des mains exercées n’avaient pas laissé à Loneux le temps de se défendre. Des hommes couchés sur une aire, à 200 mètres, n’avaient rien entendu.
L’heure du crime avait été facilement déterminée. Loneux partait de la Bastidonne au moment où neuf heures sonnaient ; il avait été assassiné à 2 kilomètres de cette localité ; un quart d’heure peut-être, une demi-heure certainement, lui avait suffi pour franchir cette distance. Le crime s’était donc accompli entre neuf heures et quart et neuf heures et demie du soir.
Les auteurs présumés de ce crime sont Fontana, Garbarino, Trinchieri et Galetto. La femme Arèse est encore complice par recel. On a volé à la victime une montre en argent, un sac de nuit contenant divers effets d’habillements, des chaussures et un porte-monnaie contenant 25 francs.
- Source : Le National, dimanche 7 juillet 1872, p. 4.