Outrage aux bonnes mœurs (Aix-en-Provence, 15 avril 1899)

L’an 1899 et le 17 avril,
Devant nous, Comte Auguste, commissaire central de police à Aix (B. du R.),
Se présente le sieur Soubrat Joseph, 32 ans, cantonnier, demeurant à Aix, rue Célony, 33, lequel déclare :
arc-pont
« Hier, à 1 h 1/2 de l’après-midi, je descendais de ma campagne sise au quartier de la Cible, avec mon beau-frère, le sieur Roux, demeurant rue Saint-Laurent lorsque, arrivés sur le bord de l’Arc, nous trouvâmes couchés sur la rive droite près la passerelle le nommé A., père, et fils, âgé d’une dizaine d’années, et un jeune homme nommé R., d’une vingtaine d’années, ainsi qu’un quatrième individu, aussi d’une vingtaine d’années, que je ne connais pas de nom (c’est, je crois, un Allemand).
« Le fils A. avec R. et l’autre montèrent sur la passerelle, tombèrent leurs pantalons sur leurs pieds, puis, relevant leurs chemises, ils se mirent à crier des mauvaises raisons, telles que «vaches, putains, connards, etc.» aux personnes présentes qui promenaient le long de l’Arc et parmi lesquelles plusieurs dames et demoiselles que je ne connais pas.
Ces individus, malgré mes observations et celles d’autres personnes, continuèrent à faire ces saletés pendant plus d’une heure. Pendant ce temps, le père A. resta toujours couché au même endroit, mais sans faire aucune observation à son fils et aux autres individus.
A une observation qu’avec mon beau-frère je faisais à ces individus, celui que je ne connais pas répondit: «Je suis un élève de Cour d’Assises, je ne crains pas la prison», puis il ajouta en se tournant vers le petit A.: «Va dans ma veste qui est près de ton père et apporte-moi ma dague; il faut que d’ici ce soir je découse quelqu’un».
Puis ils se couchèrent sur la passerelle, empêchant les gens de passer, les injuriant. Il fallut se mettre à plusieurs et les faire déguerpir de force. »Témoins:
1° témoin: Moutet Dominique, 38 ans, surveillant de travaux à la mairie.
2° : Philip Antoine, 46 ans, rue Chastel, 1.
3° : Bontemps Guillaume, cordonnier, rue d’Italie, 8.
4° : Roux Henri, 38 ans, maçon, rue Saint-Laurent, 14.

R. Marius, né à Aix (B. du R.) le 24 juin 1882, fils de Pierre et de D. Honorine, manoeuvre, rue de l’Ecole, caserne de passage, ne reconnaît pas ce qui lui est reproché, était un peu ivre. Il n’y a que V. qui ait tombé son pantalon et qui s’est couché sur le pont avec A.
V. Félix, né à Digne (Basses-Alpes) le 7 novembre 1882, de Joseph et de L. Christine, manoeuvre, cours des Minimes, maison Bonnieux, nie tout ce qui lui est reproché et ne se rappelle de rien.
L’inculpé V. Félix, avec le témoin Soubrat. Ce dernier dit parfaitement le reconnaître pour être l’un de ceux qui, le dimanche (16 courant), dans l’après-midi, sur les bords de la rivière de l’Arc, injuriait et menaçait les gens et avait baissé son pantalon, relevé sa chemise, montrant ses nudités. L’inculpé V. déclare ne se rappeler de rien.
Faisons comparaître le nommé A. Maximilien, né à Istres (B. du R.), 50 ans, le ……… (1) de M. et de S. G., marié, chiffonnier demeurant à Aix, rue Gibelin, 5, jamais condamné.
« Dimanche dernier, 16 courant, avec mon fils Gaston et ses camarades R. et V., nous sommes allés promener sur les bords de l’Arc où nous sommes arrivés vers une heure et demie de l’après-midi. Je suis resté avec eux vingt minutes environ près de la passerelle de la Cible et, pendant ce temps-là, ils ont resté tous trois avec moi tranquilles et sans faire de bruit. Je les ai quittés, etc. etc. (1) »


L’an mil huit cent quatre vingt dix neuf, le 22 avril,
Nous Comte, c[ommissai]re c[en]tral,
En notre procès-verbal n°205 en date du 17 avril 1899, constatant l’outrage public aux bonnes moeurs dont sont inculpés les nommés R. et V. et le jeune A., ce dernier n’ayant pas encore pu être entendu,
L’interrogeons ce jour ainsi qu’il suit:
« Je me nomme A. Gaston, né à Lambesc (BdR), le ………….. 1889 (1) de Maximilien et de Antoinette M., demeurant chez mon père rue Esquiche-Coude (2). »
Sur interpellation déclare:
« Dimanche dernier, 16 courant, dans l’après-midi, j’étais sur les bords de l’Arc, près de la Fontaine d’Argent avec mon père et les nommés R. et V.
« Mon père nous quitta pour aller cueillir des asperges. À un moment, R. et V. montèrent sur la passerelle et empêchaient les gens d’y passer et les insultant. Puis tous deux quittèrent leurs pantalons et soulevèrent leurs chemises jusque sur les épaules ce qui fait qu’ils étaient comme nus. Ils montraient leurs nudités aux gens (des demoiselles et des hommes).
« Pendant que des gens voulaient les faire rester tranquilles, V. dit à R. d’aller dans sa veste chercher son couteau, qu’il voulait tuer quelqu’un.
« Ça dura longtemps puis des gens les empoignèrent et les firent déguerpir. Pendant tout ce temps, moi, je restai couché dans l’herbe sur le bord de l’Arc. Je ne montai pas sur la passerelle et ne quittai pas mon pantalon. »
Et après lecture, persiste et dit ne savoir signer.

[Le commissaire central]

De tout quoi nous avons dressé le présent qui sera transmis à M. le Procureur de la République aux fins de droit.

[Le commissaire central]

Notes

(1) Sic.
(2) Rue Esquicho-Coudo, dans le bourg Saint-Sauveur.

Photographie : Bord de l’Arc. DR.

 

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