Les héros de la mer

tempete-de-mer-avec-epaves-naviresLa Provence est liée depuis toujours à la mer et aux marins qui l’ont sillonnée. Lorsque des accidents ou des naufrages survenaient, des hommes ont mis leur vie en jeu pour sauver leurs semblables. Voici une liste de Provençaux récompensés en 1832 et 1833 par des médailles remises suite à des actes de courage et de dévouement et accordées au nom du Roi par le ministre de la marine et des colonies.
  • PIGNATEL Jean Pierre
  • PIGNATEL Jean Joseph
  • PIGNATEL Jeannet
  • SANGUINETTI Bénédit, patrons de bateau
Le 4 février 1832, une embarcation du brick grec l’Achille, montée par quatre matelots, un passager et un garde de santé, se rendant de la chaîne du port de Marseille au lazaret, fut entraînée par la grosse mer et vint se briser sur le rocher de l’Émeraude.
Aussitôt que cet événement fut connu au lazaret, quatre patrons de bateau, les nommés Pignatel (Jean-Pierre), Pignatel (Jean-Joseph), Pignatel (Jeannet) et Sanguinetti, se sont jetés dans un frêle bateau et, malgré la violence de la mer et le danger que leur présentait le rocher sur lequel ils se dirigeaient, ils sont parvenus à arracher trois des naufragé à une mort imminente.

Une médaille d’argent à chacun de ces quatre marins le 7 mars 1833.


  • MIREUR Joseph, sous patron des douanes, à Agay.

Le 26 janvier 1832, vers onze heures du soir, la tartane française La Vierge de la Garde échoua par l’effet d’une tempête dans la rade d’Agay, département du Var : trois hommes composant l’équipage de ce navire étaient exposés à une mort que rendait imminente l’éloignement où ils étaient de terre, lorsque leurs cris de détresse furent entendus par le sieur Mireur. Cet employé se jeta aussitôt à la nage, atteignit le bâtiment d’où il ramena le capitaine, après avoir lancé à trois de ses camarades qui s’étaient avancés dans la mer une corde au moyen de laquelle ceux-ci sauvèrent le matelot et le mousse qui, peu d’instants plus tard, auraient été ecrasés par la chute de la vergue.

Médaille d’argent au sieur Mireur le 7 janvier 1832.

  • BARLE Joseph César, lieutenant des douanes à Cavalaire

Le 12 avril 1832, au moment où la tartane Les Enfants Chéris et le bateau Les Deux Amis étaient poussés par la tempêté dans le fond de la baie de Cavalaire[-sur-Mer], les préposés des douanes accourus aux cris de détresse des naufragés n’hésitèrent pas, malgré la violence de la mer, à se jeter à l’eau pour porter à bord du premier bâtiment une corde, au moyen de laquelle les matelots de ces deux navires sont parvenus à se sauver.
Dans cette circonstance, le sieur Barle s’est signalé d’une manière toute particulière : voyant que le capitaine de la tartane Les Enfants Chéris était entraîné par la mer, il s élança au milieu des flots et, bravant les plus grands dangers, il eut le bonheur de le ramener à terre sain et sauf.

Une médaille d’argent le 5 mai 1839.


  • PONSARD Joseph, pêcheur à Martigues

Le 21 mars 1832, un chasseur, le nommé Goiraud, se trouvant dans un bateau qui chavira à environ une lieue de l’étang de Berre, courait le plus grand danger, lorsque le sieur Ponsard, n’écoutant que le besoin de sauver son semblable, prit sur lui de monter un bateau un peu plus fort et, avec la rapidité de l’éclair, alla malgré le mauvais temps le recueillir au moment où les forces du malheureux Goiraud l’abandonnaient.

Médaille d’argent le 23 juin 1832.

  • GRIMAUD Jean Hippolyte, ouvrier à Porquerolles (commune de Hyères, Var)

Le nommé GRIMAUD Jean Hippolyte, ouvrier employé à la fabrique de soude de Porquerolles, s’est précipité à la mer le 27 juin 1832, par un très mauvais temps, pour se porter au secours d’un mousse nommé David qui, entraîné par la violence des vagues, était exposé à une mort certaine. Ce n’est qu’après de nombreux efforts et après avoir bravé avec courage et volontairement les plus grands dangers que Grimaud est parvenu au péril de sa vie à sauver le jeune David.

Médaille d’argent le 27 juin 1832.

  • DENIS Jean, marin d’Arles

Le 22 novembre 1831, un enfant étant tombé dans le bassin du port de Marseille, à l’ouest de la palissade du Juge-du-Palais, le sieur Denis, embarqué sur un bâtiment voisin de la scène, se fila aussitôt dans l’eau par un cordage et, aidé du sieur Bardou, garde du guet, qui s était élancé dans un canot, parvint à ramèner à terre l’enfant qui se noyait, ne sachant pas nager.

Médaille d’argent le 4 août 1833

  • VERANDI Jean Baptiste, ouvrier poulieur au port de Toulon

Le 2 octobre 1830, un enfant de huit ans, tomba à la mer d’un radeau assez éloigné du port de Toulon et placé entre deux bâtiments en radoub. Le nommé Verandi, voyant le danger que courait cet enfant, se précipita à son secours. Blessé dans la chute qu’il fit sur le radeau, il poursuivit sa généreuse entreprise sans tenir aucun compte de sa blessure et du sang qu’il perdait et, plongeant jusqu’à trois fois, il parvint enfin à saisir et à retirer de l’eau l’enfant qui se noyait.
Ce trait de courageuse humanité n’est point le seul dont le sieur Verandi puisse s’honorer ; en effet le 6 mars et le 4 novembre 1831, il s’est encore élancé à la nage pour secourir deux autres enfants qui se noyaient dans le même endroit et qu’il est parvenu aussi à sauver.

Médaille d’argent et gratification le 18 décembre 1832.

  • CALVO Dominique, négociant à Marseille

plongeur-merLe 8 décembre 1829, un enfant de huit ans s’étant laissé tomber à la mer dans le port de Marseille, il fut sauvé d’une mort certaine par M. Calvo qui, tout habillé et malgré la rigueur de la saison, se précipita dans les eaux et, après avoir longé plusieurs fois sous les navires, parvint non sans péril, à accomplir son action généreuse.
Le 24 mai 1832, un accident semblable vint encore mettre à l’épreuve les sentiments philanthropiques et généreux de M. Calvo. Un tout jeune enfant qui s’amusait sur les pontons qui avoisinent le chantier de construction fut précipité dans les eaux et disparut bientôt sous les bois flottants qui se trouvaient en très grande quantité dans cette partie du port. M. Calvo, qu’un hasard heureux amenait sur les lieux, se jeta sous les pontons malgré tout le danger de la localité, et parvint à saisir le jeune naufragé mais il aurait péri lui-même par l’obstacle que les bois lui opposaient pour revenir au-dessus de l’eau s’il n’eût été secouru par un marin qui le dégagea de cette position périlleuse.

Médaille d’or le 20 février 1833.

  • CERNOGORAWICH, capitaine du brig russe Le Thémistocles

Durant la nuit du 15 au 16 juin 1832, le paquebot à vapeur Le Scipion, ayant à bord vingt-deux hommes d’équipage et douze passagers, fut assailli à quinze lieues environ du port de Marseille par une tempête violente qui mit son gouvernail hors de service ; le navire était battu par les lames qui couvraient le pont et qui avaient déjà enlevé une partie des planches des tambours bientôt, à la suite d’un coup de lame affreux, la force du tangage ayant refoulé l’eau des chaudières à l’extrémité arrière, la vapeur se porta à l’avant et, lorsque l’eau fut revenue sur la vapeur, la secousse fut si violente qu’une des chaudières creva et la vapeur, aussitôt, sortit de toutes parts.
Cet accident, dont les suites auraient pu être si funestes pour toutes les personnes qui se trouvaient à bord, n’atteignit que les trois chauffeurs qui, enveloppés par la vapeur, eurent les poumons brûlés et succombèrent quelques heures après. Cependant, la situation du paquebot continua d’être très critique et le danger augmentait avec les difficulté lorsque, vers neuf heures du matin, un brick russe Le Thémistocles, commandé par le capitaine Cernogorawich, étant passé près du Scipion, répondit à son signal de détresse avec un zèle et un dévouement admirables. Ce capitaine dut manoeuvrer pendant une heure avant de faire parvenir une amarre, qu’il était impossible d’envoyer par une embarcation ; enfin, à environ huit lieues sud du cap Sicié, il réussit à prendre le Scipion à la remorque et, bien que destiné pour Marseille, il consentit à le conduire à Toulon, dont il eut beaucoup de peine à atteindre la rade et où il ne parvint à entrer qu’après avoir pris constamment des bordées pendant plusieurs heures, secondé par son équipage dans cette manoeuvre difficile avec le plus grand dévouement.

Médaille d’or le 23 février 1833.

  • LARDENOY Sébastien, caporal de grenadiers as 13e régiment de ligne, à Toulon

Le sieur LARDENOY Sébastien, caporal de grenadiers au 13e régiment de ligne, a arraché à la mort le 6 juillet 1822, deux hommes de ce corps qui se baignaient dans la rade de Toulon et qui, sans son secours et son dévouement, seraient infailliblement noyés.

Médaille d’argent le 17 janvier 1833.

  • NUSS François Xavier, caporal au 18e régiment d’infanterie, Toulon

Le sieur Nuss François Xavier, caporal au 18e régiment d’infanterie, étant de garde au parc d’artillerie de Toulon, le 17 juillet 1830, a sauvé au péril de sa vie un marin qui était en danger de se noyer dans le port.

Médaille d’argent le 30 août 1833.

  • BEIGNE Donat, maître au cabotage à Marseille

Le sieur Beigne, grenadier de la garde nationale de Marseille, étant de service au poste de l’état major établi près du port, passait sur le quai dans la nuit du 24 au 25 juin 1833 lorsqu’il entendit le bruit de la chute d’un homme dans l’eau. N’écoutant que la voix de l’humanité, il se précipite aussitôt dans les flots tout habillé sans avoir pris même le temps de se débarrasser de son sabre et de sa giberne et, bravant courageusement au milieu de la nuit des dangers réels, il parvint à saisir cet homme qu’il ramena à terre après les plus grands efforts. Le sieur Beigne s’est distingué dans plusieurs circonstances antérieures et il a été signalé particulièrement comme ayant montré le plus grand dévouement lors de l’incendie qui a éclaté dans le port en 1822 et qui pouvait avoir les suites les plus désastreuses, sans l’intrépidité qu’il montra ainsi que quelques autres personnes.

Médaille d’or le 14 septembre 1833.

  • JOFFRET Marie Antoine, sous patron de brigade des douanes à Marseille

Le 1er juillet 1833, le sieur Joffret, étant à souper, quitta son repas pour accourir sur la plage aux cris qu’un homme se noyait. Aucun des individus qui se trouvaient sur les lieux n’osait se porter au secours de cet homme nommé Louis, voltigeur au 3e régiment d’infanterie de ligne. C’est alors que Joffret, après s’être débarrassé de ses vêtements se jeta à la nage et parvint à saisir Louis qu’il ramena à terre avec beaucoup de peine et au risque de périr lui-même, car ses forces étaient épuisées par les efforts qu’il avait dû faire pour sauver le soldat Louis qui, ayant été atteint d’une crampe aux pieds et aux mains, se serait sans lui infailliblement noyé.

Médaille d’argent le 28 septembre 1833.

  • BORIES Pierre, portefaix à Marseille

Le 21 janvier 1833, à huit heures et demie du soir, Bories sortant de chez lui après souper se trouvait sur le quai du canal entre les deux ponts, lorsqu’il s’aperçut qu’une femme venait de se jeter volontairement dans l’eau. Bories, mu par un noble sentiment d’humanité, s’élança courageusement tout habillé au secours de cette malheureuse femme et, bravant des dangers augmentés par l’obscurité et le froid, il parvint après les plus grands efforts, au péril de sa santé et de ses jours, à l’atteindre et à la retirer du canal ; elle fut heureusement rappelée à la vie.
Le sieur Bories est en outre l’auteur de trois actes de sauvetage antérieurs dont l’accomplissement, en lui fournissant l’occasion de montrer son zèle à secourir l’humanité, l’a mis en danger de perdre la vie.

Médaille d’or le 5 octobre 1833.

Bibliographie : « Annales maritimes et coloniales », Ministère de la marine et des colonies, 1835.
Illustrations : (haut) Joseph Vernet (1714-1789), Tempête de mer avec épaves de navires, Ancienne Pinacothèque de Munich, peintre avignonais ; (bas) Swimming Scientifically Taught, a Practical Manual For Young and Old, by prof. Frank Eugen Dalton, P.S.A., 1912, 1918.