L’exécution publique d’Alphonse Léonard (Pertuis, 26 mars 1862)

  • Sources : Le Mémorial d’Aix.

30 mars 1862

On nous écrit de Pertuis, à la date du 26.
Léonard, condamné à mort, par la Cour d’Assises de Carpentras pour avoir assassiné sa femme et ses deux enfants et les avoir brûlés en mettant le feu à l’habitation où il avait commis cette épouvantable boucherie, a subi sa peine aujourd’hui.
L’instrument de justice a fonctionné pour la première fois à Pertuis, et c’est le crime d’un étranger qui a fait dérouler, dans notre paisible cité, les péripéties du drame sanglant d’une exécution à mort.
L’exécuteur de Nîmes et l’exécuteur d’Aix, qui avait transféré à Pertuis l’échafaud de cette ville, ont fait leurs funèbres apprêts pendant la nuit.
Une compagnie de militaires venus d’Aix était chargée de contenir la foule qui se pressait à ce lugubre spectacle.place-mirabeau-pertuis
Alphonse Claude Léonard, de Saint-Saturnin-lès-Avignon (et non de Pertuis où il n’habitait que depuis un an et demi), a été exécuté sur une des places publiques de cette ville, la place Mirabeau…
La veille, Léonard avait été transféré des prisons de Carpentras dans celles d’Apt et, le lendemain, il arrivait à Pertuis escorté de plusieurs brigades de gendarmerie.
Depuis sa condamnation, Léonard a témoigné beaucoup de repentir pour ses crimes: il s’est confessé souvent, a reçu le sacrement de l’eucharistie dimanche passé et, dans son trajet de Carpentras à Apt, en passant à Notre-Dame-des-Lumières, il a demandé pardon à Dieu et aux hommes, puis il a exhorté la foule qui l’entourait à ne jamais se laisser emporter par la colère, source de bien des forfaits.
Pendant qu’on faisait sa dernière toilette, il a remercié M. Croux, geôlier de Pertuis, des attentions et des soins qu’il avait eus pour lui, lors de son arrestation et, après lui avoir fait ses suprêmes adieux, il s’est dirigé vers le lieu du supplice, appuyé sur le bras de monsieur l’aumônier de Carpentras, prêtre évangélique dont le zèle et le dévouement ont pu dompter et assouplir le naturel sauvage de ce grand criminel.
En effet, Léonard s’est avancé vers la fatale machine d’un pas ferme, les yeux baissés et avec cette résignation que peut seule donner l’espérance de la miséricorde divine. Arrivé au pied de l’échafaud, il a gravi les marches presque avec calme. Parvenu sur la plate-forme, au moment où ses exécuteurs se sont emparés de lui, il a voulu prononcer quelques paroles, mais toute son énergie l’avait abandonné; sa langue est restée muette, et dix secondes après, la justice des hommes était satisfaite.
La tête du supplicié, en tombant du haut de la plate-forme, a rebondi sur le sol pour rouler aux pieds des spectateurs épouvantés.
Il est à désirer que des mesures soient prises afin qu’un pareil spectacle ne puisse plus se renouveler à l’avenir. On devrait également dérober aux regards de la multitude le corps décapité qui tombe, les jambes agitées, sur la bascule.
Ne serait-il pas moral aussi d’interdire ces complaintes scandaleuses qu’on débite sur les places publiques, à la suite des exécutions, où la décence, la délicatesse et la langue sont à la fois foulées aux pieds, et où les expiations des grands crimes servent trop souvent de texte à de grossières plaisanteries. En voici un échantillon que nous signalons à l’attention publique:
Accourrez, gens des campagnes,
Des villages et des hameaux ;
Attelez vos tombereaux,
Faites venir vos compagnes ;
Mais en quittant vos manoirs,
N’oubliez pas vos mouchoirs.
Photographie : Coll. part. (DR.)

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