Miel et abeilles dans la Provence d’hier

Essaim naturel. Montfavet (Vaucluse).
Essaim naturel. Montfavet (Vaucluse).
L’abeille est connue en Provence depuis l’Antiquité et nos ancêtres ont, dès cette époque, profité des bienfaits du miel en en faisant une importante consommation.
L’arrivée du sucre sur les tables françaises au XVIIIe siècle a pourtant contribué à une nette décrue de la consommation de miel sous nos latitudes. Importé d’Amérique du Sud et particulièrement prisé de la bourgeoisie, le sucre s’est progressivement imposé dans l’alimentation de nos ancêtres au détriment du miel.
Lorsque, en 1810, un blocus continental imposé par Napoléon dont le but est l’isolement du Royaume-Uni suspend le commerce colonial maritime et donc l’arrivée de sucre. La conséquence n’en est pourtant pas le retour du miel en grâce, mais le développement d’autres substances, dont le sucre de betterave qui est produit en France même.
Au contraire, durant cette période, le prix du miel double, le rendant ainsi inaccessible à une large partie de la population.

Les ruches et la récolte du miel

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les ruches sont peu entretenues dans la Provence de la première moitié du XIXe siècle. Les quelques propriétaires de ruches ne recherchent aucunement la productivité mais se contentent de récolter le miel lorsque le gâteaux est plein.
Les ruches sont ordinairement construites en planches de bois de sapin, quelques-unes seulement en liège.
Il existe deux méthodes pour récolter le miel : on peut étouffer les abeilles avec de l’acide sulfureux (vapeur de souffre) ou bien en retournant la ruche et en écrasant la partie supérieure des gâteaux pour priver d’air les abeilles et les priver de toute issue. Cette méthode provoque la mort des abeilles et donne au propriétaire de substantiels revenus puisqu’il vend alors la totalité de sa ruche.
Le rucher du curé de Meyreuil (Bouches-du-Rhône).
Le rucher du curé de Meyreuil (Bouches-du-Rhône).
Il existe fort heureusement des propriétaires de ruches provençales plus soucieux du bien-être de leurs abeilles. Le miel est, dans ces ruchers, recueilli sans étouffer les abeilles. Au mois de septembre et au point du jour, on force les abeilles à gagner le haut de leur ruche au moyen de fumées puis un homme qui se couvre les mains et le visage taille les gâteaux et les enlève tout en prenant soin de laisser suffisamment de miel pour permettre aux abeilles de subsister durant l’hiver.

Les types de miel

On distingue trois qualités de miel :
  • Le « miel blanc », qui fait environ 17 % de la récolte ;
  • Le « miel paillé » (ou « paillet »), 33 % ;
  • le « miel roux », 50 %.
Pour obtenir ces types de miel, on jette les gâteaux de la ruche dans une trémie (aussi appelée « auge ») ayant un double fond en bois percé de trous, ou avec de légers vides entre les planches qui le forment. On brise grossièrement les gâteaux et le miel qui coule naturellement est appelé « miel blanc » ou « miel vierge ». C’est un miel de première qualité.
Les gâteaux sont ensuite brisés en menus morceaux. le miel ainsi récolté est nommé « miel paillet » (miel de deuxième qualité).
Enfin, les gâteaux brisés sont déposés dans des coufins de spart – comme pour le détritage des olives. On les presse et la récolte produit du « miel roux », de troisième qualité.

Prix du miel

Plus le miel est vierge (première qualité), plus il est onéreux. En temps normal (entre 1800 et 1850 environ), le miel blanc se vend entre 75 et 87,50 francs les 100 kilos, le miel paillet entre 65 et 75 francs et le miel roux entre 45 et 60 francs.
Bien sûr, on produit aussi de la cire, récoltée dans la ruche. Celle-ci se vend entre 300 et 375 francs les 100 kilos.
Les gâteaux peuvent se vendre aux fabricants de cire qui font eux-mêmes les manipulations nécessaires pour en extraire et séparer les produits.

Production du miel

Foire aux miels (Avignon).
Foire aux miels (Avignon).
Les ruches des Bouches-du-Rhône fournissent annuellement de 350 à 400 quintaux de matière brute, soit un total annuel de 1 500 à 1 600 ruches « désabeillées » tous les ans. En 1825, sur un total de 6 400 ruches des Bouches-Rhône, on en dénombre 1 400 dans l’arrondissement de Marseille, 3 200 dans celui d’Aix et 1 800 dans celui d’Arles.
La récolte ordinaire est de l’ordre de 12 800 kg de miel, soit un chiffre d’affaires de 8 220 francs (à 65 cts le kg). Le marché de la cire représente lui, une production d’1,6 tonne (soit un chiffre d’affaires de 5 600 francs, en comptant le kilo à 3,50 F).
Au total, le marché du miel dans les Bouches-du-Rhône représente à cette époque un chiffre annuel de 13 820 F.

Un bon substitut au sucre en période de crise

Lors de la Première Guerre mondiale, les problèmes d’approvisionnement en sucre se posent et de nombreuses personnes s’interrogent sur l’opportunité de se tourner vers le miel, dont la production a l’avantage d’être régionale. Un éditorialiste aixois plaide ainsi pour ce produit en 1916 :

« Par son origine, le miel est un aliment digne des dieux. Il est distillé par les fleurs de nos prés et de nos champs dont il garde le parfum. Il est limpide et doré, chaud et savoureux, aromatique et subtil. Cependant, il n’altère pas le goût du thé, du café et des autres infusions auxquelles on l’a mélangé. »

Bibliographie

  • Christophe de Villeneuve, Statistique du département des Bouches-du-Rhone : avec atlas, dédiée au roi – Tome IV, A. Ricard, 1821-1829.
  • Serge Davril, « Le sucre est rare et cher. Remplaçons-le par le miel », in Le Mémorial d’Aix, dimanche 8 octobre 1916, 78e année, no 40.
Jean Marie Desbois

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