Où est passée Mme Menusan ? (Toulon, 17 avril 1895)

Elle s’appelait Jeanne Catherine Menusan, mais tout le monde à Toulon l’appelait Catherine. Elle était née à Traverse, un petit village du Piémont, aux alentours de l’année 1852 et s’était établie à Toulon depuis maintenant quelques années, avec plusieurs membres de sa famille.
Catherine Menusan tenait à Toulon une épicerie sur la place aux Œufs qu’elle dirigeait avec l’aide de son fils. Son époux, Jean-Pierre Menusan, était mort depuis plusieurs années et le fils avait pris la relève.
Ce matin du 17 avril 1895, elle dit à son fils qu’elle ne paraîtrait point de la journée à l’épicerie, qu’elle avait à faire au quartier du Cap-Brun et qu’il lui appartiendrait de s’occuper du magasin. Le fils, bien entendu, avait fait oui de la tête et Catherine était partie.
On ne la vit point en effet durant toute la journée et, ne la voyant pas revenir, le fils pensa qu’elle avait dû s’arrêter chez une de ses parentes qui tenait un café au quartier de l’Abattoir.
Seulement, vers le soir, un de ces fameuses parentes, ignorant ces faits, se rendit au domicile de Catherine, 15, rue de l’Oratoire, au premier étage, et après avoir vainement frappé à la porte, constata non sans étonnement que celle-ci était fermée de l’intérieur et que la clé était dans la serrure.
Elle s’empressa d’aller prévenir le fils de Catherine qui accourut à son tour et qui, se faisant prêter une échelle, entra par la fenêtre en brisant une vitre.
Mais là, un triste spectacle s’offrit à ses yeux. Catherine Menusan, toute vêtue de noir, s’était pendue contre le mur de la chambre.
La malheureuse, qui paraissait fermement décidée à mettre fin à ses jours, avait dû placer une chaise sur son lit pour atteindre un piton à anneau planté très haut dans le mur et y attacher la corde qui lui avait servi à mettre son funeste projet à exécution.
Un vieux rasoir trouvé sur un meuble et des traces d’égratignures relevées à la partie antérieure de son cou laissaient à penser qu’elle avait peut-être tenté de se couper la gorge mais que le courage lui avait manqué.
Toutefois, à cause de ces égratignures constatées, le docteur Guiol, médecin légiste, appelé à faire les constatations d’usage, dut réserver ses conclusions en attendant plus ample information.
Les dernières interrogations portaient bien entendu sur les raisons qui avaient poussé Catherine Menusan à commettre l’irréparable. On pensait que, ayant un fils soldat en Afrique et qui devait prochainement partir pour Madagascar, elle devait éprouver un chagrin tel qu’elle prit une décision qui plongea sa famille dans une profonde douleur.
Comme Mme Menusan était de religion protestante, ce fut le pasteur Pagès qui accompagna le corps jusqu’à la tombe.
  • Source : La République du Var, 20 avril 1895, p. 3.
  • État civil de la ville de Toulon, Archives départementales du Var, 7 E 146_426.

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