84 - Pertuis Archives - GénéProvence https://www.geneprovence.com/category/84-pertuis/ 500 ans de faits divers en Provence Thu, 29 May 2025 17:14:36 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.3 https://www.geneprovence.com/wp-content/uploads/2024/04/cropped-434541497_912630390609581_141579584347965292_n-32x32.png 84 - Pertuis Archives - GénéProvence https://www.geneprovence.com/category/84-pertuis/ 32 32 Macabre trouvaille d’un berger (Pertuis, 11 février 1841) https://www.geneprovence.com/macabre-trouvaille-dun-berger-pertuis-11-fevrier-1841/ https://www.geneprovence.com/macabre-trouvaille-dun-berger-pertuis-11-fevrier-1841/#respond Fri, 30 May 2025 05:30:15 +0000 https://www.geneprovence.com/?p=25516 Aux alentours de 6 heures du matin, ce jeudi 11 février 1841, le cadavre d’un enfant nouveau-né fut découvert par un jeune berger dans une touffe de bois de garus…

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Aux alentours de 6 heures du matin, ce jeudi 11 février 1841, le cadavre d’un enfant nouveau-né fut découvert par un jeune berger dans une touffe de bois de garus sur un terrain appartenant à Mme veuve Momblet, au quartier de Piolié. Il était entièrement nu, caché sous trois pierres et sa tête portait des contusions qui, d’après l’inspection du médecin, avaient occasionné sa mort.
Les taches de sang, ainsi que les traces de trépignements qu’on remarquait sur le sol près du petit corps, semblaient prouver que le crime s’était accompli sur le lieu même et pendant la nuit qui avait précédé la terrible découverte.
La justice et la gendarmerie furent appelées sur les lieux et se mirent à la recherche de la coupable, mais il semble qu’elle ne fut pas identifiée.
  • Sources : Le Mercure aptésien, 21 février 1841, p. 3.
  • État civil de la ville de Pertuis, année 1841, acte no 20, Archives départementales de Vaucluse.

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Fils du préfet, mon œil ! (Auribeau, 1er février 1841) https://www.geneprovence.com/fils-du-prefet-mon-oeil-auribeau-1er-fevrier-1841/ https://www.geneprovence.com/fils-du-prefet-mon-oeil-auribeau-1er-fevrier-1841/#respond Sun, 27 Apr 2025 05:30:05 +0000 https://www.geneprovence.com/?p=25172 Un individu, jeune encore (dans les 30 ou 35 ans), d’une mise élégante et aux dehors séduisants, se trouvait dans les premiers jours de février 1841 à Saignon (Vaucluse), se…

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Un individu, jeune encore (dans les 30 ou 35 ans), d’une mise élégante et aux dehors séduisants, se trouvait dans les premiers jours de février 1841 à Saignon (Vaucluse), se disant fils du préfet du Var1, capitaine dans un régiment de la ligne et forcé de se cacher par suite d’une conspiration dans laquelle il avait été trahi. C’est ainsi du moins qu’il expliquait sa présence dans la commune et celles environnantes et tout le monde d’écouter son récit et de prendre intérêt à sa personne.
S’adressant à un paysan, il lui demanda s’il ne voulait pas le conduire avec un mulet à Hyères (Var), où il avait l’intention d’aller voir Cabrera2.
« Non, je ne le puis, répondit le paysan, mais si vous voulez, nous irons à Auribeau chez mon beau-frère qui pourra vous accompagner avec sa monture. »
On se rend donc à Auribeau et le capitaine fait ses accords avec celui-ci, lui promet, outre les frais de voyage, une somme de 80 francs et un cadeau pour chacun de ses enfants. Et le lendemain, après avoir soupé et passé la nuit, nos deux individus se mettent en route.
Au moment de partir, le prétendu capitaine dit à son hôte qu’ayant été forcé de s’éloigner sans prendre de l’argent, il aura à faire toutes les avances, lui promettant de les rembourser sitôt son arrivée à Hyères. Confiant dans ces promesses, le paysan emporte dix écus, c’est-à-dire tout l’argent qu’il avait chez lui et le soir on s’arrête à Pertuis (Vaucluse) où un bon souper est ordonné et servi moyennant 5 francs.
Le lendemain on prend la route de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var) et l’on descend à une auberge où l’on passe la nuit après avoir pris part à un succulent repas. De grand matin, le capitaine se lève et dit à son compagnon de chambre qu’il va commander le déjeuner et faire donner l’avoine au mulet afin de pouvoir partir ensuite de bonne heure.
Le paysan s’habille, descend et ne trouve plus que sa bête. L’individu était parti et on ne l’a plus revu. Grande rumeur dans l’auberge, grand désappointement ! mais ce n’est pas tout. Le crédule paysan se lamente, surtout quand il ne trouve plus dans la poche de son gilet les 25 francs qui lui restaient…
Il va trouver la gendarmerie du lieu. Celle-ci n’a rien su, rien vu et force est à ce brave homme de courir à la brigade voisine d’où il revient essoufflé, sans qu’on ait pu retrouver la trace de notre chevalier de pacotille.
Pour comble de fatalité, on fit payer au paysan les 6 francs dépensés la veille à l’auberge, sous peine de se voir privé de sa monture qu’on voulait retenir en garantie.
Le brave homme fit donc la route de Saint-Maximin à Auribeau, sans argent et par conséquent à jeun, « jurant, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus ».

Notes

1. Le préfet du Var se nommait alors Rose Joseph Teisseire.
2. Il pourrait s’agir de Ramón Cabrera, général espagnol lors de la guerre carliste de 1833-1839.

  • Sources : Le Mercure aptésien, 7 février 1841, p. 3.

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L’évasion d’Étienne Guinoir (Pertuis, 3 août 1840) https://www.geneprovence.com/levasion-detienne-guinoir-pertuis-3-aout-1840/ https://www.geneprovence.com/levasion-detienne-guinoir-pertuis-3-aout-1840/#respond Sat, 11 Jan 2025 05:30:59 +0000 https://www.geneprovence.com/?p=24069 Deux gendarmes à cheval, de la brigade de Pertuis (Vaucluse), conduisaient, le 3 août 1840, quatre condamnés. Trois d’entre eux étaient dirigés sur Embrun (Hautes-Alpes) et le quatrième, un nommé…

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Deux gendarmes à cheval, de la brigade de Pertuis (Vaucluse), conduisaient, le 3 août 1840, quatre condamnés. Trois d’entre eux étaient dirigés sur Embrun (Hautes-Alpes) et le quatrième, un nommé Étienne Guinoir, âgé de 38 ans, inculpé de faux en écriture de commerce, était ramené d’Aix-en-Provence à Apt (Vaucluse) devant le juge d’instruction.
La troupe étant arrivée à un kilomètre de Pertuis et alors que la brigade de cette ville prenait la relève pour conduire les détenus, Guinoir parvint à se défaire des liens qui le tenaient attaché à son camarade et, gravissant aussitôt un ravin inaccessible à la cavalerie, il se mit à courir à travers champs. Le gendarme Martin étant descendu de cheval se mit à sa poursuite, mais il ne put l’atteindre, et malgré les recherches faites par les brigades voisines, par les gardes champêtres et le commissaire de police de Pertuis, il ne put être arrêté. Son évasion était réussie.
Aussitôt, on communiqua son signalement à toutes les brigades de gendarmerie de la région.
Guinoir, qui avait déjà passé deux ans de prison à Embrun pour faux en écriture de commerce, connaissait particulièrement bien la région et était en mesure de se cacher efficacement.
Le commissaire de police de Pertuis, M. Chaillot, se fit notamment remarquer par ses recherches incessantes. De même pour le commandant de la gendarmerie de l’arrondissement d’Apt, M. Latil, qui avait donné son signalement dans tout le Sud.
Enfin, on parvint après quelques jours à retrouver la trace du fugitif et à l’arrêter. Ce fut la brigade de Banon (Basses-Alpes) qui fut l’auteur de cette arrestation. Guinoir était connu pour être d’une force athlétique et d’une audace extraordinaire et il fallut aux gendarmes de Banon une vigueur hors du commun pour parvenir à lui passer les menottes. On dit même que, conduit dans la prison provisoire de Banon, il avait réussi à en percer la voûte. Cependant, transféré le lendemain à Forcalquier (Basses-Alpes), il put être soumis à une surveillance sévère avant d’être transféré à Apt le 26 août.
Au mois de novembre, il fut jugé à Carpentras et condamné à 10 ans de travaux forcés.
  • Le Mercure aptésien, 9 août 1840, p. 3 ; ibid., 23 août 1840, p. 3 ; ibid., 30 août 1840, p. 2 ; ibid., 15 novembre 1840, p. 4.

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Mort dans le Verdon (Vinon-sur-Verdon, 24 mars 1895) https://www.geneprovence.com/mort-dans-le-verdon-vinon-sur-verdon-24-mars-1895/ https://www.geneprovence.com/mort-dans-le-verdon-vinon-sur-verdon-24-mars-1895/#respond Tue, 23 Jul 2024 19:42:54 +0000 https://www.geneprovence.com/?p=21567 Antoine Gasquet était né à Riez, dans les Basses-Alpes. En 1895, il avait une cinquantaine d’années et était domestique à la ferme de la Désirade, à Vinon. Le 24 mars…

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Antoine Gasquet était né à Riez, dans les Basses-Alpes. En 1895, il avait une cinquantaine d’années et était domestique à la ferme de la Désirade, à Vinon.
Le 24 mars 1895, dimanche des Rameaux, il voulut rendre visite à son ami Rivière, qui était domestique à la ferme de Cadarache, à environ un kilomètre de là. Mais pour y arriver, il fallait traverser le Verdon.
Vers une heure de l’après-midi, donc, il mit son projet à exécution.
Et voici sur un mauvais radeau, aidé d’une longue perche que l’on appelle une gaffe. Mais mal lui en prit car bientôt le Verdon l’entraîna dans ses eaux limoneuses jusqu’à la Durance. Et l’on n’eut plus de nouvelles de lui.
Il fallut plus d’un mois pour retrouver son corps. Il s’était sans doute noyé rapidement mais son corps avait lentement progressé dans les eaux et fait un trajet que nous avons estimé à environ 28,8 km !, pour s’échouer sur les graviers de la rive droite de la Durance, au quartier de Réparade… à Pertuis (Vaucluse). C’est là qu’on repêcha son corps en putréfaction1.
Ironie du sort : on trouva sur Gasquet une bouteille d’eau-de-vie qu’il avait prise avec lui afin de la boire avec son ami Rivière.
  • Source : La République du Var, 27 avril 1895, p. 2.
1. Le registre d’état civil de Pertuis fait état de la mort d’un certain Antoine Colostre, originaire de Riez. Le patronyme semble erroné, et il s’agit probablement bien de notre Gasquet, Colostre étant le nom de la rivière qui coule à Riez.

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L’arrestation de deux voleurs (Vaugines, 7 mai 1905) https://www.geneprovence.com/larrestation-de-deux-voleurs-vaugines-7-mai-1905/ https://www.geneprovence.com/larrestation-de-deux-voleurs-vaugines-7-mai-1905/#respond Sat, 25 Dec 2021 22:20:01 +0000 http://www.geneprovence.com/?p=18274 Au cours de l’hiver 1904-1905, de nombreux vols furent commis dans les campagnes de l’arrondissement d’Apt (Vaucluse), mais les efforts de la gendarmerie pour en retrouver les auteurs restèrent longtemps…

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Place de la mairie de Vaugines (Vaucluse)
Place de la mairie de Vaugines (Vaucluse)

Au cours de l’hiver 1904-1905, de nombreux vols furent commis dans les campagnes de l’arrondissement d’Apt (Vaucluse), mais les efforts de la gendarmerie pour en retrouver les auteurs restèrent longtemps vains.

Enfin, la chance tourna le 7 mai 1905, lorsqu’un voisin dénonça deux hommes, Gabriel Vignon et Pierre Bouscarle, en raison de leur allure suspecte, qui rôdaient autour d’une maison isolée dans la commune de Vaugines, près de Cucuron.
Les gendarmes arrivèrent sur les lieux indiqués et, ouvrant la porte d’entrée de la maison, trouvant une table sur laquelle se trouvait un poulet cuit et, un peu plus loin dans la pièce, une dame-jeanne sui contenait 12 à 15 litres de vin, quelques kilos de saucisses, deux saucissons, du jambon et plusieurs kilos de pommes de terre.
Les deux suspects étaient aussi dans la pièce et, quand on les interrogea, ils prétendirent avoir eux-mêmes acheté ces provisions à Pertuis.
Mais leurs déclarations ne tinrent pas longtemps et, au bout de quelques minutes, ils avouaient qu’elles étaient en fait le résultat de cambriolages.
L’enquête établit que, avant de pénétrer dans cette maison de Vaugines, ils avaient au préalable visité la maison de campagne de M. Grégoire, à Ansouis, où, après avoir fracturé plusieurs portes, ils avaient dérobé du jambon, des saucisses et des saucissons. Un peu plus tard, dans la nuit, ils s’étaient introduits chez M. Borgal, où ils avaient pris quatre poules et divers objets mobiliers.
Les deux suspects avouèrent. Ils furent donc arrêtés et transférés à la prison d’Apt. Le jour du transfert, un agent de police se rendit compte que Vignon était vêtu d’une veste qui avait été volée quelques mois plus tôt à un certain Giraud en même temps que d’autres objets, le tout pour un montant de 50 francs.
La même nuit, Vignon s’était introduit au préalable dans la maison d’un M. Guérin à qui il avait dérobé entre autres le louchet qu’il avait utilisé pour fracturer la porte d’habitation de Giraud.
Pour aggraver leur cas, les accusés se présentaient à la justice sans domicile fixe.
*
Le 26 juillet 1905, ils comparaissaient devant la cour d’assises de Carpentras (Vaucluse). La justice condamna Bouscarle à 6 mois de prison et Vignon à 8 mois de prison assortis d’une peine de relégation.

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L’affaire du paquet de grives (Pertuis, 17 janvier 1885) [1/3] https://www.geneprovence.com/laffaire-paquet-de-grives-pertuis-17-janvier-1885-13/ https://www.geneprovence.com/laffaire-paquet-de-grives-pertuis-17-janvier-1885-13/#respond Mon, 13 Jan 2020 09:23:14 +0000 http://www.geneprovence.com/?p=17406 Le 17 janvier 1885, la femme du docteur Gustave Tour­na­toire qui exerçait à Pertuis, petite ville du département de Vaucluse, devint subitement folle. Elle s’était couchée de bonne heure, pensant…

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Le 17 janvier 1885, la femme du docteur Gustave Tour­na­toire qui exerçait à Pertuis, petite ville du département de Vaucluse, devint subitement folle. Elle s’était couchée de bonne heure, pensant apaiser les lourdeurs de tête et les maux de cœur dont elle avait été prise après le repas du soir, mais elle n’avait fait que souffrir davantage. Elle avait essayé de lire, comme c’était son habitude, mais les lettres ne lui étaient apparues que dans un brouillard. Elle avait alors, dans une gesticulation désordonnée, renversé la lampe qui éclairait la table de nuit. Et comme son mari était venu s’étendre à ses côtés, elle lui avait étreint le bras et jeté ces mots : « Tu vas te battre en duel, mais je te le défends. Ne nie pas. Je le sais. J’entends déjà tes témoins qui montent. »
Pertuis (Vaucluse), vue générale. DR.
Pertuis (Vaucluse), vue générale. DR.
Dressée sur son séant, très rouge, elle lançait dans tous les sens des regards affolés. Et ce drame avait duré jusqu’au jour.
Vers 9 heures du matin, cette jeune femme s’était montrée un peu moins délirante, mais elle y voyait encore si trouble, qu’elle habilla sa fille d’une façon absurde. Elle lui mit sa robe à l’envers et lui passa ses bas aux mains comme elle eût fait de longs gants. Il lui semblait alors qu’une pluie de lentilles tombait devant ses yeux et que l’air était obscurci par des nuées de mouches volantes. Elle ne redevint lucide que dans la soirée.

Une autre…

Mais, dans la même maison, une autre personne allait le lendemain 19 janvier, se livrer à des manifestations encore plus graves. C’était la bonne, Claire Sajio, âgée de 19 ans. Aussitôt après son petit-déjeuner elle s’était employée, sans qu’on sût pourquoi, à briser la vaisselle. Puis elle avait accumulé dans le salon tout un amas de débris de faïence, de haricots, de pommes de terre, de navets et de plumes d’oiseau. Enfin, elle avait saisi par son collier le chien de la maison et si on ne lui eût arraché des mains, elle l’aurait mis à la broche. A toutes les questions, elle n’avait répondu que par des incohérences et s’était comportée comme une telle énergumène qu’il avait fallu l’attacher avec des cordes sur un canapé. N’était-elle pas folle à lier ?

La venue de Basnier

J. Williamson, Femme atteinte de manie hilarante. Credit: Wellcome Library, London. Wellcome Images images@wellcome.ac.uk http://wellcomeimages.org. Creative Commons Attribution only licence CC BY 4.0 http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/
J. Williamson, Femme atteinte de manie hilarante.
Credit: Wellcome Library, London. Wellcome Images
CC BY 4.0.
Ne comprenant rien à ces événements étranges, le docteur Tournatoire alla demander conseil à un sien confrère âgé de 77 ans, le docteur Basnier. Cet homme de l’art lui demanda :
« Vos deux malades n’auraient-elles pas absorbé sans s’en douter quelque substance vénéneuse ? Au fait, qu’ont-elles donc mangé depuis le 17, c’est-à-dire depuis samedi ?
— De suspect, je ne vois guère qu’une omelette aux épinards.
— Nous brûlons. Il se peut que cette herbe ait avoisiné, dans votre jardin, quelque plant de ciguë. »
Et, pour en avoir le cœur net, Basnier se rendit chez Tournatoire. Claire Sajio, toujours liée de cordes, penchait la tête en avant. Le vieux médecin la lui releva. Il vit des yeux hagards et les pupilles extraordinairement dilatées. Et tout aussitôt, la bonne fut agitée de mouvements convulsifs. Malgré ses entraves, elle dansait la danse de Saint-Guy. Elle lançait ses mains en avant comme si elle voulait saisir quelque chose sur la redingote du docteur Basnier. Détachée sur l’ordre de celui-ci, elle s’avança en titubant. Elle ne commandait plus à ses jambes et il semblait qu’elle fût devenue aveugle.
Basnier se pencha vers son jeune confrère et lui dit tout bas :
« Je crois de plus en plus à un empoisonnement et, vu l’état des pupilles, j’opinerais pour l’atropine. N’est-ce pas votre avis ? »
Le docteur Tournatoire demeura un instant songeur. Puis il pensa tout haut :
« Je cherche si ma femme et ma bonne n’auraient pas absorbé quelque aliment auquel je n’aurais pas touché moi-même. Mais, au fait, je me rappelle : samedi, à dîner, la première a mangé une grive froide et j’ai appris, d’autre part, que Claire en a mangé une autre ce matin.

Les grives coupables

— Des grives ! Des grives ! Ce serait bien extraordinaires Il faudrait alors que ces oiseaux eussent englouti une substance vénéneuse en assez grande quantité pour que leur chair ait pu provoquer des symptômes d’empoisonnement aussi nets, sans qu’ils en soient morts eux-mêmes. À moins que…
— À moins que ?
— À moins que le toxique leur ait été inoculé après coup. Avec une seringue par exemple. Creusez cette idée, Tournatoire. »
Et Tournatoire réfléchit.
Il venait de se souvenir que le vendredi 16 janvier, vers midi et demi, un employé de l’hôtel Dauphin lui avait apporté un paquet découvert la veille au soir dans l’omnibus, à la gare de Pertuis, au moment où le cocher avait ouvert sa voiture pour y prendre trois petits bagages.
Ce paquet, enveloppé dans un fragment du journal Le Petit Aixois, était clos au moyen d’une ficelle à laquelle pendait une carte de visite portant au verso ces mots au crayon : « Pour remettre à M. Tournatoire, médecin à Pertuis (Vaucluse). » Au recto de la même carte, le nom propre avait été gratté, mais l’adresse imprimée se lisait encore, et c’était : « Pertuis (Vaucluse) ».
Le docteur Tournatoire déplia le journal et aperçut quatre grives. Il crut à un cadeau du buffetier de la gare, dont il était l’ami.
Et le même jour un cultivateur des environs, Joseph-André Escoffier, chez lequel il avait mis en nourrice son plus jeune enfant, lui avait apporté une perdrix, huit petits oiseaux et douze alouettes, ces dernières gagnées quelques instants auparavant à une loterie.
Il l’avait retenu à dîner. On avait mis à la broche les alouettes et deux des grives. Un poisson et des herbes complétaient le menu.
« Chacun la nôtre, avait proposé le médecin à son convive. Aujourd’hui, c’est vendredi et ma femme fait maigre. »
Mais Escoffier, ayant déclaré n’avoir plus faim, les grives étaient demeurées dans le plat.
Or, c’était une de ces grives que, le lendemain soir, Mme Tournatoire avait mangée froide. Et aussitôt après, elle avait manifesté tous les symptômes d’une intoxication : dilatation pupillaire, congestion de la face, troubles de la vue, délire – surtout délire. Et tel avait été également le cas de Claire Sajio après que, le lundi matin, cette jeune bonne eût, à son petit-déjeuner, goûté à la seconde grive froide. Goûté seulement, car l’amertume de la chair ne lui avait pas permis d’aller jusqu’au bout et, circonstance singulière, le chien, auquel elle avait tendu le reste de l’oiseau, s’en était éloigné avec répulsion.

Qui alors ?

Une conclusion s’imposait. Seules, deux personnes de la maison avaient mangé des grives : la maîtresse et la servante. Seules, deux personnes – les mêmes – avaient donné des signes non équivoques d’empoisonnement. Les grives renfermaient donc un toxique. Alors, se rappelant les phénomènes observés, Tournatoire fit sienne l’hypothèse du vieux docteur Basnier : introduction post-mortem dans le corps des oiseaux d’un alcaloïde extrait de la belladone, tel que l’atropine.
Mais alors, qui avait pu ourdir une aussi diabolique machination ? Un nom lui vint aussitôt à l’esprit : le nom d’un de ses confrères.

épisode 1 / épisode 2 / épisode 3

  • Le Journal, 23 mars 1942
  • Le Petit Journal, 30 octobre 1885
  • Le Français, 30 octobre 1885
  • Le Gaulois, 29 octobre 1885

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L’affaire du paquet de grives (Pertuis, 17 janvier 1885) [2/3] https://www.geneprovence.com/laffaire-paquet-de-grives-pertuis-17-janvier-1885-23/ https://www.geneprovence.com/laffaire-paquet-de-grives-pertuis-17-janvier-1885-23/#respond Tue, 07 Jan 2020 12:51:56 +0000 http://www.geneprovence.com/?p=17422 Le docteur Estachy Louis-Philippe Estachy était né à Gap le 1er mai 1845. Pendant la guerre de 1870 il avait rendu, dans une ambulance, des services qui lui avaient mérité…

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Le docteur Estachy

Louis-Philippe Estachy était né à Gap le 1er mai 1845. Pendant la guerre de 1870 il avait rendu, dans une ambulance, des services qui lui avaient mérité la croix de la Légion d’honneur.
Titulaire des di­plô­mes de licencié en droit et de docteur en médecine, il avait opté pour la médecine. Il avait exercé d’abord à Meyrargues, dans les Bouches-du-Rhône, de 1872 à 1879. Puis il avait transporté son cabinet à Pertuis. Il avait laissé dans sa première résidence la réputation d’un praticien habile, mais d’un homme violent, vindicatif, peu scrupuleux et d’une moralité douteuse. Marié en 1872 à une jeune fille de Marseille, il s’était comporté à son égard de telle sorte qu’elle avait dû abandonner le domicile conjugal. Elle avait obtenu sans peine, en 1875, la séparation de corps, puis était morte.
Médecin et son patient au XIXe siècle. H. Daumier. DR.
Médecin et son patient au XIXe siècle. H. Daumier. DR.
À Pertuis, l’opinion publique n’avait guère tardé à porter sur le compte de ce singulier personnage le même jugement qu’à Meyrargues. Singulier personnage en vérité ! Ainsi, le docteur Estachy voyageait en chemin de fer sans payer sa place, ou bien il montait en seconde classe, en première même, avec un billet de troisième. Et quand il se voyait guetté au contrôle, il passait par le buffet dont il connaissait le propriétaire.
Ce fut à la fin de l’année 1881 que le docteur Tournatoire entra en scène. Originaire de La Tour-d’Aigues, grosse commune de Vaucluse, ce jeune médecin vint s’établir à Pertuis et le docteur Estachy en prit ombrage.
Il en conçut même un ressentiment d’autant plus redoutable qu’il sut bien le dissimuler.
Pourtant, à La Tour-d’Aigues où il avait exercé tout d’abord, Tournatoire avait plusieurs fois appelé en consultation Estachy et il lui avait fait part un jour de son intention de se transporter dans une localité plus importante.
« Je ne vois, pour ma part, avait répondu l’autre, aucun inconvénient à ce que vous vous installiez à Pertuis. J’y possède une fort belle clientèle qui s’étend sur les trois quarts de la ville et me demeurera fidèle quoiqu’il arrive. Mais vous pourrez parfaitement mordre sur les autres médecins dont la situation est plutôt mal assise. »
Et au début, Tournatoire et Estachy s’étaient fait bonne mine. Ils se serraient la main dans la rue et échangeaient alors des propos sur le ton d’une parfaite confraternité.
La guerre s’alluma quand une place de suppléant de juge de paix devint vacante à Pertuis. Tournatoire la demanda et l’obtint au mois de mars 1882, l’emportant sur Estachy qui était aussi candidat. Ce dernier alors émit, sur le compte de son confrère, des appréciations méprisantes. Il en vint même à l’attaquer, d’une façon anonyme encore, dans les journaux.
Déjà, Estachy avait cessé tous rapports médicaux avec Tournatoire. Il refusait même de se rencontrer avec lui au chevet des malades.
La politique s’en mêla même, Tournatoire étant devenu en effet délégué cantonal et conseiller d’arrondissement. L’un et l’autre avaient mis du reste la main à la plume et dans les journaux de Vaucluse ils avaient échangé les plus discourtoises attaques. Cette polémique eut son dénouement le 13 novembre 1884, devant le tribunal correctionnel d’Apt, Tournatoire ayant assigné son adversaire en injures et diffamation. Les juges ne retinrent qu’un article et, comme la provocation ne pouvait légalement couvrir que les injures, ils condamnèrent le prévenu pour le second délit. Mais ils ne le firent que très bénignement, se contentant de lui infliger vingt-cinq francs d’amende et vingt-cinq francs de dommages-intérêts.
Nicolas Huet, Grive, 1814.
Nicolas Huet, Grive, 1814.
La campagne de presse cessa, mais où la situation ne fit que s’aggraver, ce fut quand plusieurs familles, dont jusqu’alors Estachy avait eu la confiante, se privèrent de ses soins et firent appeler Tournatoire. Des lettres et des cartes postales injurieuses leur furent aussitôt envoyées, dont il n’était que trop facile de percer l’anonymat.
Vis-à-vis d’un confrère détesté qui, après lui avoir été préféré coup sur coup comme suppléant de juge de paix, délégué cantonal et conseiller d’arrondissement, le supplantait encore auprès de sa meilleure clientèle, Estachy passa-t-il à l’acte ? La suite de l’histoire le dira.

L’enquête

Informé par un télégramme du juge de paix de Pertuis des événements étranges qui s’étaient accomplis sous le toit du docteur Tournatoire, le procureur de la République d’Apt, Sébastien Savelli, requit information le 21 janvier, contre inconnu, du chef d’empoisonnement.
Le premier acte du magistrat instructeur, Henri de Cabissole, fut d’ordonner l’examen des deux victimes. Chargé de cette mission, le docteur de Ferry de La Belonne, exerçant à Apt, constata, chez l’une et chez l’autre, la persistance des troubles visuels.
Après les avoir minutieusement questionnées, ainsi que tous les témoins de leurs extravagances, il put écrire dans son rapport : 1° que les phénomènes présentés par ces deux femmes ne répondaient à aucune maladie naturelle ; 2° que l’ingestion des solanées véreuses, telles que l’atropine, déterminait des phénomènes en tout semblables à ceux observés dans le cas particulier.
De telles conclusions nécessitaient l’examen des deux grives encore intactes, que, de sa propre initiative, le juge de paix avait, envoyées an procureur de la République. Le médecin légiste procéda donc, si l’on peut écrire, à leur autopsie.
Dans un nouveau rapport, il affirma que ces grives renfermaient une substance véreuse, le sulfate neutre d’atropine, dont la dose était de nature à entrainer la mort.
On connaissait le genre d’attentat. On connaissait le poison. Restait à découvrir et à confondre le criminel.
La clameur publique le désignait déjà. C’était Estachy, le seul ennemi déclaré et agissant de son confrère Tournatoire.
Les 27 et 29 janvier, M. de Cabissole ne l’entendit encore qu’en la qualité de témoin, mais ce fut pour en obtenir des réponses si peu satisfaisantes, que, ce même 29 janvier, le parquet d’Apt n’hésita pas à délivrer, contre l’auteur soupçonné, un réquisitoire aux fins d’information et le juge d’instruction à le placer sous mandat de dépôt.
Et voici le faisceau de charges que les premières recherches mirent au jour.
Le samedi 10 janvier, vers neuf heures du soir, Estachy, au Café de l’Univers, s’était fait remettre trois grives pour un lot de gibier qu’il avait gagné quelques jours auparavant. Et la modestie de ce choix n’avait pas été sans surprendre, car, en pareille occurrence, il réclamait généralement un lièvre ou un perdreau. Il avait acheté, en même temps, six grives de montagne, à soixante centimes pièce.
À la même époque, il avait chargé son pharmacien ordinaire, Jean-Louis Turcan, de lui préparer une pommade à base d’atropine pour se frictionner l’épaule, où il ressentait, prétendait-il, une vive douleur.
Pharmacie pertuisienne. DR.
Pharmacie pertuisienne. DR.
L’apothicaire avait composé le produit dans la proportion de vingt-cinq centigrammes de sulfate neutre d’atropine contre vingt-cinq grammes d’atropine. C’était, à son avis, un remède bien énergique pour un simple mal d’épaule, et il n’eût jamais consenti, connaissant les effets d’un toxique aussi violent, à délivrer une telle préparation à tout autre qu’un médecin.
Estachy, d’ailleurs, était un familier de l’atropine. Le registre de Turcan démontrait que, par le moyen d’ordonnances, il s’était fait délivrer, le 30 octobre 1884, vingt centigrammes de sulfate d’atropine et cinquante centigrammes le 4 novembre.
Et l’inculpé ne put faire indiquer à quel usage il avait employé cette substance dangereuse.
D’autre part, les perquisitions, effectuées à son domicile les 30 et 31 janvier 1885, avaient révélé l’existence d’un placard, construit dans l’épaisseur du mur, dissimulé derrière une tapisserie et contenant des toxiques. Mais la pommade indiquée plus haut ne s’y trouvait pas. Estachy fut dans l’impossibilité d’en représenter la moindre parcelle et les magistrats d’Apt ne la découvrirent pas davantage.
Dans le cabinet de consultation, ces mêmes magistrats saisirent, sur un rayon de la bibliothèque, une seringue de Pravaz, en parfait état de fonctionnement.
Une véritable rafle de grives au Café de l’Univers, deux femmes empoisonnées par ce gibier, une pommade saturée d’atropine, une seringue de Pravaz, singulier et sinistre rapprochement !
Seringue de Pravaz. DR.
Seringue de Pravaz. DR.
Quelle était exactement la dose d’atropine contenue dans les deux grives inemployées ?
M. Félix Boyer, professeur de chimie à Nîmes, put l’évaluer à quarante-six milligrammes par oiseau, quantité suffisante pour déterminer la mort et pas seulement une maladie passagère. Il affirma d’autre part que le principe toxique ne provenait pas de l’alimentation de ces bestioles, mais qu’il avait été introduit après coup dans une intention criminelle.
L’inculpé avait à expliquer ce qu’étaient devenues les grives qu’il avait rapportées du Café de l’Univers le 10 janvier. Il prétendit, d’accord sur ce point avec Rosine Lombard, qui lui était dévouée corps et âme, qu’il se les était fait remettre en prévision d’un dîner qu’il devait offrir le lendemain à un très vieux confrère de Villelaure, le docteur Casimir Michel, et a un sieur Jean-Baptiste Picard, mécanicien au dépôt de Pertuis, mais que, ses convives ayant fait défaut, ils avaient, sa servante et lui, mangé chacun une grive ce jour-là et les deux autres le lendemain.
Or, contrairement à ses affirmations persistantes, Estachy n’avait invité, ni Michel, ni Picard.
Tout l’accablait. Une expertise en écritures aboutit à cette conclusion sans réserve que les mots « Pour remettre à M. Tournatoire, médecin à Pertuis (Vaucluse) », écrits sur la carte de visite qui accompagnait le paquet de grives étaient de sa main.

épisode 1 / épisode 2 / épisode 3

  • Le Journal, 23 mars 1942
  • Le Petit Journal, 30 octobre 1885
  • Le Français, 30 octobre 1885
  • Le Gaulois, 29 octobre 1885
[À SUIVRE…]

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À la prison d’Apt, l’inculpé s’agitait beaucoup. Son esprit de ruse, sa facilité de plume, l’instinct de sa défense étaient sans cesse en éveil.
Il demandait qu’on fît des démarches en sa faveur auprès du procureur général de Nîmes et qu’on vît individuellement chacun des membres de la Chambre d’accusation. Les juges populaires lui faisaient peur. « Les jurys, écrivait-il, sont mal composés ; ils condamnent presque toujours. » Il pensait à se faire assister d’un avocat en renom. « Il me faut un nom célèbre. J’ai entendu parler de G. L. Peut-être y a-t-il mieux que lui ! »
Georges Laguerre. DR.
Georges Laguerre. DR.
Ce G. L. dont parlait Estachy était peut-être le célèbre avocat Georges Laguerre.
En tout cas, certains travaillaient pour lui, qu’ils eussent agi de leur propre mouvement ou qu’il les eût sollicités.
Ainsi, le procureur d’Apt recevait de Marseille une lettre partie de Marseille le 1er février, signée Delphine Beaujet, et conçue en ces termes :
« Moi seule suis coupable. Le docteur T. m’a déshonorée. C’est moi-même qui ai porté les grives empoisonnées au messager de Pertuis avec la ferme conviction qu’il mourrait avant moi. Quand ma lettre vous parviendra, les poissons auront dévoré les débris de mon pauvre corps. Que le docteur E. soit mis en liberté ; c’est le dernier désir d’une mourante. » Il va sans dire qu’il n’existait aucune Delphine Beaujet. D’autre part, une personne, habillée comme une dame, se rendait, le 12 mars, à La Tour-d’Aigues, chez les parents de Claire Sajio et tenait à la sœur de l’empoisonnée ce langage :
« M. Tournatoire est un véritable gueux d’avoir laissé Claire rentrer chez vous toute seule, dans l’état lamentable où elle se trouvait après son accident. Pauvre M. Estachy ! Ce n’est certainement pas lui qui a fait le coup. Il est bien trop civilisé pour se permettre un tel acte. Il a, d’ailleurs, à Pertuis, la meilleure réputation. »
Quelle était cette pseudo-dame ? Tout simplement la bonne d’Estachy, la fidèle Rosine Lombard. Et l’affaire continuait à passionner l’opinion. Dès le premier jour, elle avait débordé le département de Vaucluse. Mais, sur place, à Pertuis, à Meyrargues surtout, Estachy avait conservé quelques partisans. Comme, par bonheur, le dénouement n’en avait pas été tragique, certains ne voulaient retenir de l’attentat que sa stupéfiante ingéniosité. Et puis, les noms mêmes des personnages eussent fait la fortune d’un romancier. Ils auraient trouvé place dans un nouveau Tartarin de Tarascon : Tournatoire, Estachy, de Cabissole, de Ferry de La Bellone !

Le procès du 20 avril 1885

Palais de justice de Carpentras. DR.
Palais de justice de Carpentras. DR.
Le juge d’instruction avait achevé son œuvre et se disposait à transmettre sa procédure au procureur général, afin que la Chambre d’Accusation fût saisie, quand le plus inattendu des coups de théâtre éclata.
L’inculpé écrivit à la fois au procureur général et au garde des Sceaux. Après avoir nié obstinément jusqu’alors, il entrait dans la voie des aveux. Il reconnaissait l’envoi des quatre grives, mais il le présentait sous la forme d’une « farce », d’une « plaisanterie » quelque peu « lugubre ».
La cause semblait donc entendue. Aussi, le 20 avril 1885, la Chambre d’Accusation renvoyait-elle Estachy devant la Cour d’Assises de Vaucluse, séant à Carpentras, pour tentative d’empoisonnement à l’égard du docteur Tournatoire et empoisonnement à l’égard de Mme Tournatoire, ainsi que de Claire Sajio.
Le 29 juillet s’ouvrirent les débats de cette étrange affaire. Le conseiller Cord présidait et le procureur général Caudellé-Bayle, payant de sa personne, s’était transporté à Carpentras pour soutenir , l’accusation. M » Barcelon père, de ce barreau, et M* Martial Bouteille, du barreau d’Aix, étaient au banc de la défense.
Le procès avait fait salle comble et cependant l’enceinte réservée n’avait été accessible qu’aux personnes munies de cartes.
Salles des Assises où s'est déroulé le procès de Carpentras. DR.
Salles des Assises où s’est déroulé le procès de Carpentras. DR.
Estachy était un petit homme trapu, aux traits accentués, dans toute la force de l’âge. Il avait l’œil vif, le verbe haut, le geste énergique. Il portait toute la barbe, une barbe noire. Il s’exprimait avec assurance. Signe particulier, il était dur d’oreille.
À peine l’interrogatoire commencé, il prit l’offensive. Abstraction faite des autres charges, ses lettres au procureur général et au garde des Sceaux l’accablaient. Audacieusement, il les jeta par-dessus bord et revint sur ses récents aveux.
« J’avais des hallucinations. Je ne savais plus ce que je faisais, ce que j’écrivais. La pensée de comparaître devant les Assises me mettait à la torture. Alors, sous la pression, je dis bien “sous la pression”, de M. le Procureur d’Apt, je me suis décidé à écrire ces lettres, ce magistrat m’ayant laissé entrevoir, au cas d’aveux, une simple comparution en police correctionnelle. Il faut dire les choses comme elles sont. Il m’a circonvenu. »
Ces paroles ne furent pas sans créer dans la salle ce qu’on est convenu d’appeler des mouvements divers, mais M. Caudellé-Bayle les voulut relever sur l’heure.
« Je proteste de toutes mes forces contre le rôle qu’on entend faire jouer à mon substitut d’Apt. On profite sans aucun doute de ce que ce magistrat est actuellement en congé dans son pays natal, la Corse, pour le mettre en cause. Eh bien, soit ! Qu’il vienne donc à cette barre ! C’est Estachy qui l’aura voulu. Je demande le renvoi de l’affaire à la prochaine session. »
Il en fut ainsi décidé.

La deuxième session

Les débats recommencèrent le 27 octobre 1885. Mais, cette fois, c’était un autre conseiller de la Cour de Nîmes, M. Moulin, qui remplissait les fonctions de président. Par contre, Ministère publie et défenseurs n’avaient pas changé.
On attendait avec impatience la confrontation qui allait mettre aux prises le procureur Savelli et l’accusé.
Dans son interrogatoire, Estachy soutint qu’il était victime d’une machination infâme, ourdie tant par des confrères jaloux que par des adversaires politiques. Ce système de défense, il le développa sous toutes les formes et à propos de tout. Attitude maladroite, qui lui aliéna la salle.
Une fois à la barre des témoins, le procureur d’Apt fournit des explications dignes, mesurées et catégoriques. Et, dans son duel avec celui qui l’avait mis en cause, il remporta incontestablement l’avantage.
« Je n’ai, dit-il, inspiré, ni de près, ni de loin, les lettres écrites par Estachy au procureur général et au garde des Sceaux. Ces lettres, d’ailleurs, je ne les ai connues que lorsque mon chef hiérarchique me les a transmises, pour qu’elles fussent versées au dossier de la procédure.
— Est-il vrai, demanda le président, que vous ayez signalé vous-même à l’accusé le paragraphe de l’article 317 du Code pénal qui punit de simples peines correctionnelles quiconque a occasionné à autrui une maladie ou incapacité de travail en lui administrant des substances nuisibles ?
— À trois reprise, Estachy me fit prier, par le gardien-chef, de mettre un code pénal à sa disposition. J’avais d’autant moins de raison de lui opposer un refus, que, le sachant licencié en droit, je devais supposer qu’il entendait préparer lui-même sa défense. Mais je ne suis pas autrement intervenu. »
Et les témoins déposèrent des faits qu’on connaît déjà.
À l’audience de l’après-midi du 30 octobre, M. Caudellé-Bayle prit la parole. Il la garda durant cinq heures. Puis, Me Bouteille plaida jusqu’à minuit et, le lendemain, Me BarceIon père présenta, à son tour, la défense de l’accusé.
Il y eut, comme c’était alors l’usage, de copieuses répliques.
Le président Moulin fut beau joueur. Afin de donner au jury toute latitude et lui permettre de rapporter, s’il le jugeait à propos, un verdict atténué, très libéralement il posa, comme résultant des débats, trois questions qui visaient la maladie occasionnée par l’administration de substances nuisibles. C’était ouvrir la porte à une décision modérée, mais les juges populaires, que l’attitude arrogante d’Estachy avait indisposés, n’étaient pas en veine d’indulgence. Ils retinrent les crimes et n’accordèrent à l’accusé que le bénéfice des circonstances atténuantes, auxquelles ne s’était pas opposé le procureur général.
La Cour condamna aussitôt Estachy à huit ans de travaux forcés.
Nouméa (Nouvelle-Calédonie) en 1883. Album de la Société de géographie de l'Est, 1883. Bibl. nat.
Nouméa (Nouvelle-Calédonie) en 1883. Album de la Société de géographie de l’Est, 1883. Bibl. nat.
Ce dernier demeura impassible. Il ne tressaillit même pas quand le président, ajoutant à l’arrêt la flétrissure qu’imposait la loi, prononça ces paroles :
« Vous avez manqué à l’honneur. Je déclare, au nom de la Légion, que vous avez cessé d’en être membre. »
Estachy se pourvut cependant et, ce qui peut sembler paradoxal, c’est qu’il se fit un moyen de cassation de l’audition du procureur Savelli, alors qu’il avait lui-même provoqué cette comparution à la barre.
Le 3 décembre, son pourvoi était rejeté et il prenait le chemin du bagne de Nouméa.
C’était l’irréparable, car la condamnation à huit ans de travaux forcés entraînait l’obligation de résidence perpétuelle à la colonie.
Mais le Président de la République ne lui fut pas impitoyable. Il lui accorda, en 1891, remise du reste de sa peine et, en 1893, il lui permit de revenir en France.

épisode 1 / épisode 2 / épisode 3

  • Le Journal, 23 mars 1942
  • Le Petit Journal, 30 octobre 1885
  • Le Français, 30 octobre 1885
  • Le Gaulois, 29 octobre 1885

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Le marchand de blé agressé (Rognes, 22 décembre 1837) https://www.geneprovence.com/marchand-de-ble-agresse-rognes-22-decembre-1837/ https://www.geneprovence.com/marchand-de-ble-agresse-rognes-22-decembre-1837/#respond Wed, 18 Dec 2019 20:33:45 +0000 http://www.geneprovence.com/?p=17380 Le 10 mars 1838 se tenait aux Assises d’Aix un procès qui avait attiré du monde. Au pre­mier rang se trouvait un nom­bre considérable de jeunes pay­sannes au regard à…

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Le 10 mars 1838 se tenait aux Assises d’Aix un procès qui avait attiré du monde. Au pre­mier rang se trouvait un nom­bre considérable de jeunes pay­sannes au regard à la fois étonné et curieux et aux joues fraîches et rouges d’émotion. Elles venaient de Rognes (Bouches-du-Rhône) pour assister au procès d’Isidore Mouret, de Rognes lui aussi.
Ce jeune homme, bien bâti et beau garçon, était accusé de tentative d’assassinat sur la personne de G., un marchand de blé de Rognes. Il lui avait, début 1838, cassé le bras à coup de bâton dans l’intention de le tuer.Le 10 mars 1838 se tenait aux Assises d’Aix un procès qui avait attiré du monde. Au premier rang se trouvait un nombre considérable de jeunes paysannes au regard à la fois étonné et curieux et aux joues fraîches et rouges d’émotion. Elles venaient de Rognes (Bouches-du-Rhône) pour assister au procès d’Isidore Mouret, de Rognes lui aussi.

(L’histoire continue après l’image…)

Vue générale de Rognes vers 1910. DR.
Vue générale de Rognes vers 1910. DR.

Le procès d’une « vedette »

Ce jeune homme, bien bâti et beau garçon, était accusé de tentative d’assassinat sur la personne de G., un marchand de blé de Rognes. Il lui avait, début 1838, cassé le bras à coup de bâton dans l’intention de le tuer.
À Rognes, Mouret était très populaire, surtout auprès des jeunes filles du village auprès desquelles il avait beaucoup de succès. Cela explique la présence d’une telle délégation féminine aux premiers rangs du tribunal.
Face à ses juges, Mouret présente une allure des plus assurées qui contraste de façon flagrante avec sa prétendue victime, G. Cet homme ne paie pas de mine. Coiffé d’un sale bonnet de coton, arborant autour du coup une immense écharpe, il a le teint blême et une longue barbe. Ajouté à cette impression gênante le concernant, il parle aussi avec une voix cassée et se déplace de manière chancelante. C’est dire s’il fait pâle victime face à l’homme qu’il accuse.
Cette allure n’est peut-être pas si anodine. C’est que G. est un homme détesté à Rognes. Se vêtir si tristement pourrait être un moyen d’emporter la pitié du jury. Détesté ? Par plus d’un, oui. Il a dans la salle autant d’ennemis qu’il y a de Rognais.
G. est un marchand de blé, a-t-on dit. Cet homme est bien connu dans le village pour prêter de l’argent à ceux qui en ont besoin. Et à trop prêter, on s’attire des animosités et on se fait des ennemis. Et Mouret était de ceux-là…

L’agression

Le 22 décembre 1837, G. revenait du marché de Pertuis (Vaucluse). Pour rentrer à Rognes, il devait nécessairement passer le pont de la Durance, près de Saint-Christophe. Là, il dépassa une charrette de farine qui était conduite par Mouret et son frère. Tous deux allaient à Marseille.
Isidore Mouret fait alors descendre son frère qu’il charge du manteau qu’il avait sur le dos en échange duquel il lui demande de lui prêter son fouet et sa blouse. Puis, il prend lui aussi le chemin de Rognes, alors que sa route normale aurait dû lui faire prendre le chemin de Saint-Estève. Plusieurs témoins, qui ont croisé Mouret, attesteront au procès qu’il l’avait vu aller d’un bon pas après le marchand de blé, donnant l’impression de vouloir le rattraper.
L’un d’eux, nommé Jourdan, vit même en passant que celui-ci tenait à la main une canne au point de lui crier :
« As aqui uno bravo cano (En voilà un bon bâton).”
Ce à quoi Mouret répondit :
« Es per miés mi règgi (C’est pour mieux me soutenir). »
Arrivé à un bon quart de lieue de Rognes (1 kilomètre), G. mit pied à terre, en haut d’une descente qui menait au village, probablement sur le chemin de Versaille. Soudain, il sursauta en entendant dans son dos la voix de Mouret qui venait vers lui en criant :
“Cette fois, tu ne m’échaperras pas.”
À l’instant même, le jeune homme, avec l’aide d’un gros bâton, lui aurait porté dix coups à la tête que G. eut bien du mal à éviter, n’ayant que ses bras pour se protéger. Ses deux bras qui furent tous deux fracturés…
Enfin, Isidore Mouret s’éloigna, voyant sa victime étendue à terre. S’étant à grand peine relevé, G. se traîna jusqu’à Rognes où il arriva à six heures du soir.

Les débats

Au procès, le président interrogea G. :
“Avez-vous positivement connu Isidore ? Est-ce bien lui qui vous a battu ?
— C’est lui, c’est archi lui, s’écria le pauvre G. Il était jour encore et je n’ai pu me tromper.”
Mouret, lui, assurait n’avoir ni battu, ni même rencontré G. ce jour-là. Il affirmait être arrivé au village une heure avant lui.
Pourtant, quelques preuves semblaient accuser Mouret : la gravité des blessures et puis ce bâton, cette « canno » que le témoin Jourdan jure avoir vue dans les mains de l’accusé. Pourtant Jourdan, rappelé à la barre, assura qu’on l’avait mal compris quand il avait dit : « As aqui uno bravo cano. » Le voici qui, désormais, assurait que par canno, il parlait, non d’un bâton, mais d’un simple roseau, en tout cas pas de quoi causer les graves blessures subies par G.
Le palais de justice d'Aix-en-Provence. DR.
Le palais de justice d’Aix-en-Provence. DR.
Un autre témoin vint aussi attester que le bâton dont lui avait parlé Jourdan était du volume d’un parapluie dans son fourreau. Aussi le président, irrité, lui rappela-t-il qu’il avait “levé la main devant Dieu et juré de dire la vérité”. Rien n’y fit. Jourdan répétait obstinément : « ère uno cano dé canier. » (« C’était une canne de cannier. »)
Évidemment, la défense n’espérait pas une aide aussi providentielle. L’accusation, en revanche, ne se laissa pas démonter. M. Lieutaud, substitut du procureur général, accabla Mouret dans sa plaidoirie.
Mouret, lui, était défendu par un célèbre avocat du barreau d’Aix, Me Gustave de Laboulie[ref]Gustave de Laboulie (Aix-en-Provence, 1800-Baden-Baden, 1867) était, outre ses fonctions d’avocat, député des Bouches-du-Rhône de 1834 à 1837, puis de 1848 à 1851. Il était légitimiste. [/ref], qui fit des calculs au sujet des heures d’arrivée de chacun des deux hommes à leur domicile pour en tirer un alibi à son client.
On posa donc au jury deux questions, l’une sur la tentative d’homicide volontaire, l’autre sur la commission de coups et blessures. À ces deux questions, le jury se prononça négativement. Mouret était acquitté !
Celui-ci bondit vers les témoins en exprimant une joie expansive. Il remercia même les témoins à charge. Il s’empressa aussi de serrer la main droite de Jourdan avec effusion.
G., lui, resta un moment stupéfait. Puis, revenant à lui, il prit son bonnet, le mit d’un air stoïque sur sa tête et sortit de la salle. De nombreux témoins assurèrent qu’on le trouva sortant du tribunal dans une meilleure forme physique que celle qu’on lui avait constatée pendant les débats.
Une discussion survint entre les spectateurs du procès :
« J’en conclus qu’il est permis de casser les bras à un usurier », disait un jeune homme.
« Concluez-en seulement, répondit l’autre, qu’il n’est pas permis d’être un usurier. »
  • Source : Le Mémorial d’Aix, 17 mars 1838.

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Les tueurs de la Bastidonne (Pertuis, 19 août 1871) https://www.geneprovence.com/les-tueurs-de-la-bastidonne-pertuis-19-aout-1871/ https://www.geneprovence.com/les-tueurs-de-la-bastidonne-pertuis-19-aout-1871/#respond Thu, 26 Mar 2015 00:50:16 +0000 http://www.geneprovence.com/?p=14929 Dans la soirée du samedi 19 août 1871, les gendarmes Raynaud et Chastanier, de la brigade de Pertuis, allaient en correspondance à la Bastidonne. Vers onze heures et demie, ils…

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Dans la soirée du samedi 19 août 1871, les gendarmes Raynaud et Chastanier, de la brigade de Pertuis, allaient en correspondance à la Bastidonne.
loneux-oscarVers onze heures et demie, ils se trouvaient en avant de la borne kilométrique no 63, à quatre kilomètres de Pertuis, à deux kilomètres de la Bastidonne, lorsqu’ils aperçurent, au milieu de la route, une large tache noirâtre ; au sommet de cette tache, ils trouvèrent un livret portant le nom d’Oscar Loneux. Ils remarquèrent alors, se dirigeant du côté nord de la route, une trace semblable à celle qu’aurait produite un corps humain traîné dans la poussière. Ils suivirent cette trace ; et, bientôt, ils découvrirent sur des ronces bordant le fossé en contrebas de la route le cadavre d’un homme jeune, grand et vigoureux. Ce cadavre était celui d’Oscar Loneux, âgé de 26 ans, ouvrier charpentier, venant de la Brittane et se rendant à Mérindol.
Le juge de paix de Pertuis et les magistrats d’Apt, informés de ce crime, se transportèrent successivement sur les lieux ; ils y procédèrent aux constations suivantes :

Le crime

Au milieu de la route, on voyait une traînée continue de sang d’une longueur de sept mètres et d’une largeur de 10 à 12 centimètres. Cette traînée avait son départ dans une mare de sang, à côté et à 25 centimètres de laquelle se trouvait une autre tache de sang de 30 à 35 centimètres de diamètre. Entre cette seconde tache et le talus du chemin, on remarquait la traînée du cadavre jusqu’à un amas de pierres d’où le malheureux Loneux avait été précipité sur les buissons auxquels il était resté suspendu.
En amont des deux mares et sur une longueur de 21 mètres environ, on observait des gouttes de sang parsemées ; à chaque distance d’un pas d’homme correspondait une goutte principale et autour d’elle plusieurs petites gouttes ; on eût dit que l’on avait secoué là une main ensanglantée.
Sur ce parcours, une baguette de pistolet avait été abandonnée par les assassins ; elle fut reconnue plus tard comme étant celle du pistolet volé au malheureux gardien du pont de Mallemort.
Village de la Bastidonne où est passé Loneux quelques minutes avant sa mort. DR.
Village de la Bastidonne où est passé Loneux quelques minutes avant sa mort. DR.
Sur ce parcours encore, et longeant les gouttes de sang, une empreinte de pied d’homme se distinguait des autres empreintes laissées sur le sable de la route ; c’était celle d’une chaussure ferrée, dite galoche, généralement portée par les ouvriers piémontais.
Le cadavre de Loneux présentait deux plaies à la partie antérieure du cou. L’une, à gauche, sous le maxillaire inférieur, légèrement triangulaire, longue d’un centimètre, profonde d’un centimètre et demi, avait été produite par un poignard ou un couteau pointu. L’autre, sur le côté droit du cou, sous le maxillaire inférieur, et dirigée dans le sens de la branche horizontale de cet os, était large, béante, de forme triangulaire aussi. Elle commençait en avant, immédiatement après la trachée artère, et s’étendait en arrière sur une longueur de 8 à 9 centimètres. Les muscles du cou, les nerfs, la carotide primitive de ce côté, avaient été complètement divisés. La pointe de l’arme était venue se perdre dans le pharynx et n’avait été arrêtée que par les apophyses transversales des vertèbres cervicales.
Ces deux blessures avaient été produites avec le même instrument ou avec deux instruments semblables. La première, celle de gauche, avait été faite à la victime par un assassin placé en face d’elle.
La deuxième, celle de droite, avait été faite par un assassin placé derrière la victime, dont il maintenait le bras gauche, tandis que la main droite et de bas en haut, il frappait la partie droite du cou.
La mort avait été rapidement déterminée par l’hémorragie qui avait suivi la section de la carotide et par l’asphyxie résultant de la pénétration du sang dans les voies aériennes.
La tête, la face, les mains, les autres parties du corps n’offraient aucun signe de lutte ou de violence. Les coups portés à l’improviste par des mains exercées n’avaient pas laissé à Loneux le temps de se défendre. Des hommes couchés sur une aire, à 200 mètres, n’avaient rien entendu.
L’heure du crime avait été facilement déterminée. Loneux partait de la Bastidonne au moment où neuf heures sonnaient ; il avait été assassiné à 2 kilomètres de cette localité ; un quart d’heure peut-être, une demi-heure certainement, lui avait suffi pour franchir cette distance. Le crime s’était donc accompli entre neuf heures et quart et neuf heures et demie du soir.
Lieu approximatif de la mort de Loneux, quartier de Boiry. Le côté nord de la route où a été découvert le corps est sur la partie droite de l'image. © Google Maps, 2012.
Lieu approximatif de la mort de Loneux, quartier de Boiry. Le côté nord de la route où a été découvert le corps est sur la partie droite de l’image. © Google Maps, 2012.
Les auteurs présumés de ce crime sont Fontana, Garbarino, Trinchieri et Galetto. La femme Arèse est encore complice par recel. On a volé à la victime une montre en argent, un sac de nuit contenant divers effets d’habillements, des chaussures et un porte-monnaie contenant 25 francs.

  • Source : Le National, dimanche 7 juillet 1872, p. 4.

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